VIDEO. Pyrénées: On en sait (un peu) plus sur le très mystérieux desman
BIODIVERSITE•Enigmatique et menacé, le desman des Pyrénées fait l’objet d’un ouvrage de vulgarisation et de nouvelles études…Nicolas Stival
L'essentiel
- Accompagné de scientifiques, le photojournaliste Lucas Santucci a pu réaliser son rêve : approcher et photographier des desmans des Pyrénées.
- De récentes opérations ont permis d’améliorer la connaissance de l’espèce.
Rare, quasiment invisible pour les non-initiés, le desman des Pyrénées a tout pour enfiévrer l’imagination. D’autant que le Galemys pyrenaicus, appelé aussi rat-trompette, reste mal connu. Après tout, il n’a été découvert qu’en 1811. Lucas Santucci évoque même « une quête » de ce petit mammifère d’une vingtaine de centimètres, essentiellement nocturne, semi-aquatique et insectivore.
Le photojournaliste de 28 ans a cosigné un ouvrage de vulgarisation, sobrement intitulé Desman des Pyrénées, aux éditions du Desman Masqué. Un livre réalisé avec Mélanie Némoz et Frédéric Blanc – du programme Life + Desman – à l’écriture et Aurélie Calmet à l’illustration.
« C’est un rêve de gosse, sourit le natif de Perpignan, qui a grandi à Counozouls, petit village des Pyrénées audoises. Gamin, je montais des expéditions avec des cousins pour apercevoir un desman. Bon, on n’en a jamais vu… » D’une rencontre avec Frédéric Blanc est née la possibilité pour Lucas Santucci d’approcher son Graal, velu et à la trompe mobile.
C’est ce parcours initiatique que raconte l’ouvrage, pour faire découvrir ce mystérieux parent du Niffleur des Animaux Fantastiques, et mettre en valeur le travail des scientifiques qui l’étudient. Sans leur concours, le photographe, qui a travaillé entre autres en Alaska et au Groenland, n’aurait jamais découvert ce « spot » des Pyrénées centrales, dans la vallée de Laruns.
« J’ai pris les photos pendant un jour et demi, mais j’ai passé une vingtaine de jours sur place. » Lucas Santucci a d’abord longuement observé la bête, ses déplacements, en gardant son appareil dans le sac. Avant de passer aux photos subaquatiques, grâce à l’indispensable autorisation du Parc national des Pyrénées.
En combinaison, avec masque et tuba, le Catalan a trempé pendant des heures dans les mêmes eaux que l’animal de ses rêves d’enfant. « Il y en a un qui m’est monté sur le bras, un autre qui m’a gratté le pied. Il faut dire qu’ils ne voient pas grand-chose ». Normal, pour ce cousin lointain de la taupe.
Une grande opération de radiopistage en Ariège
Le livre, sorti en octobre, porte le fruit d’un an de travail. Mais pendant ce temps, les équipes du programme Life + Desman, salariées du Conservatoire des espaces naturels (CEN) de Midi-Pyrénées, ont poursuivi leurs investigations. En septembre, elles ont mené une grande opération de radiopistage dans la vallée du Vicdessos, en partenariat avec EDF et l’Association des naturalistes d’Ariège.
Au total, 48 personnes (sept salariés et 41 bénévoles) ont fait les « trois-huit » pendant six jours et six nuits pour relever toutes les deux heures les 52 pièges dispersés sur un kilomètre, le long du Vicdessos. « L’objectif était de capturer six desmans pour les équiper d’un petit émetteur de 0,6 gramme afin de suivre leurs déplacements », explique Mélanie Némoz.
La variation du débit née de l’arrêt de la centrale hydraulique en amont n’a pas simplifié les choses, et ce sont au final quatre spécimens qui ont pu être étudiés. Les résultats sont en cours d’étude, mais trois enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés, selon la spécialiste :
- « Lors des suivis précédents, nous avions vu qu’un desman occupait en moyenne 500 mètres de cours d’eau. Là, c’était plutôt entre 200 et 250 mètres. » Le desman est mystérieux, mais il n’est pas idiot : « Comme il y a énormément d’invertébrés aquatiques dans le secteur, l’animal n’a pas besoin d’aller plus loin. »
- « Les petits affluents et bras morts sont extrêmement importants. » L’un des desmans pistés gîte en effet dans un cours d’eau d’à peine un mètre de large. Et il se déplace dans le Vicdessos pour chasser. « Il faut préserver la connectivité entre les affluents et la rivière. » Et, donc ne pas construire n’importe quoi, n’importe où.
- « Le desman émet des ultrasons. On a pu le vérifier grâce à un détecteur utilisé d’habitude pour les chauves-souris. » Reste à déterminer à quoi cela lui sert précisément. Encore une énigme à percer.
Bref, petit à petit, la recherche avance. Mais ce petit animal menacé mettra du temps à livrer tous ses secrets.