La baisse du niveau du lac d’Annecy a-t-elle été provoquée «volontairement»?
FAKE OFF•Un post Facebook viral affirme que la diminution considérable du niveau du lac d'Annecy est due à une baisse « volontaire »...Alexis Orsini
L'essentiel
- Le lac d'Annecy connaît son plus faible niveau depuis 1947.
- Une baisse importante, qui tiendrait à la mauvaise gestion de son niveau d'eau annuel, selon un post Facebook devenu viral.
- Or, cette situation s'explique en réalité par le manque de précipitations et la chaleur de ces derniers mois, comme l'explique le gestionnaire du lac à 20 Minutes.
Depuis quelques semaines, nombre de promeneurs profitent d’une balade rare dans les Alpes, en marchant… sur le lac d’Annecy, qui se trouvait ces derniers jours à son plus bas niveau depuis 1947.
Alors que nombre d’articles (et de photos d’internautes) se sont fait le relais de cette baisse majeure du niveau d’eau, certains sont visiblement décidés à y trouver une explication « cachée ». A l’instar d’un utilisateur de Facebook, dont le post a été partagé plus de 18.000 fois en près d’une dizaine de jours.
« Depuis plusieurs jours, on entend parler du niveau alarmant du lac d’Annecy tombé au plus bas depuis 1947 ! L’info tourne en boucle et les articles accusant la sécheresse et le réchauffement climatique explosent, comme par hasard juste au moment où le dernier rapport du GIEC est rendu » affirme-t-il en préambule, avant de poursuivre : « Et pourtant… vous vous souvenez de ces images de neige dans les Alpes du nord au cours de l’hiver dernier avec des records de 20 à 30 ans : 8 à 10 mètres de neige sur l’ensemble des massifs ! Toute cette neige a fondu au printemps, le tout accompagné de bonnes pluies printanières sur le massif alpin, remplissant les lacs à ras bord ! »
A ses yeux, il n’y a donc qu’une seule explication possible au manque d’eau actuel : « Au cours du printemps 2018 […] le niveau [d’eau du lac] a volontairement été abaissé, car la marge était suffisante. »
« Voilà comment d’un lac archi plein à la fin printemps, on arrive à vous parler de réchauffement climatique 3 mois plus tard pour justifier de sa baisse anticipée par ces vannes ! » conclut le texte. Or, si le niveau du lac fait bien l’objet d’une régulation, la situation actuelle s’explique simplement par un phénomène naturel.
FAKE OFF
« Personne n’aurait intérêt à créer cette situation, c’est délirant ! » s’insurge Thierry Billet, vice-président du Syndicat mixte du lac d’Annecy (SILA). « Les vannes permettent au contraire de réguler, si on ne les avait pas, le lac se viderait de manière stupéfiante chaque année » précise-t-il.
Le niveau d’eau du lac est évalué par un outil de mesure local, dont la valeur de référence se situe à 80 cm : les gestionnaires s’efforcent de la conserver toute l’année grâce aux différentes vannes du secteur. L’évolution de cette mesure, sur les derniers mois, traduit bien l’ampleur de la chute : la cote du lac est passée de plus de 80 cm, de début mai à fin juin – en atteignant même pendant un moment les 90 cm –, à 76 cm début juillet.
Et elle est aujourd’hui de 8 cm, un niveau encore plus bas que celui enregistré en 1947 (11 cm), comme le souligne Francis Charpentier, directeur de la Direction départementale de Haute-Savoie (gestionnaire du lac) : « On vient de battre le record du 20ème siècle – mais pas forcément celui du 19ème siècle, qui n’est pas assez documenté. »
« On a remonté les vannes en août, quand on a vu que le lac subissait une baisse importante, mais cette mesure a eu un impact faible. On n’a pas cherché à vider le lac, contrairement à ce qui est avancé : il y a eu un abaissement naturel de la cote, sans intervention de notre part jusqu’à août avec la remontée des vannes » précise-t-il.
Manque de précipitations et grande évaporation
Comment expliquer la baisse drastique du niveau du lac d’Annecy ? « Il n’a pas plu depuis des mois, ce qui est rarissime ici, et l’évaporation est gigantesque : quand on cumule les deux, le lac baisse de façon considérable » explique Thierry Billet.
« On a un déficit de précipitations depuis le printemps : d’avril à octobre 2018, on est sur des manques de précipitation qu’on retrouve tous les 10 à 20 ans » précise Gilles Brunot, adjoint au responsable de Météo-France dans les Alpes du nord.
« Il a fait chaud donc la végétation a aussi pompé plus d’eau dans le sol. Mais il y avait beaucoup de réserve d’eau et notamment en neige en altitude, donc cela a permis de tenir le niveau plus longtemps » poursuit le spécialiste, confirmant les tendances visibles sur le graphique rendu public par la préfecture de Haute-Savoie, qui montre bien la baisse du niveau du lac à partir de juillet.
Un phénomène de sécheresse qui n’est malheureusement pas sans conséquence sur la vie environnante, comme le déplore Francis Charpentier : « Ça ne porte pas atteinte à la faune du lac, qui s’est adaptée, mais cette situation a un impact écologique majeur sur tous les cours d’eau affluents. »
>> Vous souhaitez que l’équipe de la rubrique Fake off vérifie une info ? Envoyez un mail à l’adresse [email protected].
20 Minutes est partenaire de Facebook pour lutter contre la désinformation. Grâce à ce dispositif, les utilisateurs du réseau social peuvent signaler une information qui leur paraît fausse.