Strasbourg: A cause de la tendance des ruches urbaines, y aurait-il trop d'abeilles en ville?
BIODIVERSITE•L’installation de ruches en milieu urbain est une tendance tellement suivie qu’elle pourrait virer à l’excès et pénaliser certaines abeilles. Le débat est ouvert...Alexia Ighirri
L'essentiel
- L’installation de ruches en milieu urbain est une tendance tellement suivie qu’elle pourrait virer à l’excès. Et, au final, pénaliser les abeilles dites sauvages ou solitaires.
- Toute installation de ruche doit pourtant être obligatoirement déclarée, auprès des services du ministère de l’Agriculture. Mais « impossible » de produire une cartographie exhaustive des ruchers installés sur un territoire, dixit Alexis Ballis, référent apicole à la chambre d’agriculture d’Alsace
Chacun sa ruche, chacun son essaim, chacun son dard, chacun son nectar, passe le message à ton voisin (à lire sur ce rythme évidemment)… Force est de constater que le mot a bien été passé dans le voisinage, tant l’installation de ruches en milieu urbain est devenue tendance. Chaque ville en a vu l’implantation sur son territoire.
A Strasbourg, il y en a sur les toits des Galeries Lafayette, au Rivétoile, au dépôt de Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) ou encore à l’Ecole nationale d’administration (ENA). « Des privés en ont aussi dans leur jardin, ajoute Christel Kohler. Favorable aux abeilles domestiques, l’adjointe au maire de Strasbourg chargée de la ville en nature et la ville nourricière alerte toutefois : « Il y a trop de ruches dans certains quartiers de Strasbourg. » Celui de la Robertsau pour ne citer qu’un exemple.
Pas de cartographie exhaustive
Alors la hype autour des ruches urbaines est-elle devenue excessive ? « L’abeille à miel (l’espèce dans les ruches urbaines) peut devenir un nuisible s’il y en a trop », répond Lorenzo Altese, apiculteur d’Apila l’abeille. Sans vouloir cibler les apiculteurs en ville ou pointer du doigt cette pratique, il appelle plutôt à une réflexion sur ce sujet. Sur la possibilité par exemple de pouvoir cartographier les installations de ruches, à la ville comme à la campagne : « Quand on installe une ruche, on ne sait pas ce que fait le voisin. On ne nous dit pas si on a le droit ou pas. »
Toute installation de ruche doit pourtant être obligatoirement déclarée, auprès des services du ministère de l’Agriculture. Mais « impossible » de produire une cartographie exhaustive des ruchers installés sur un territoire, dixit Alexis Ballis, référent apicole à la chambre d’agriculture d’Alsace, joint jeudi matin. « Ce serait comme faire une carte de tous ceux qui plantent des haricots verts… ». Les données collectées sont protégées, la chambre d’agriculture n’a pas accès au fichier. Le technicien apicole tient à rappeller néanmoins que "tous possesseurs de ruche à l’obligation de se déclarer (entre le 01 septembre et le 31 décembre) ». Il peut se référer, pour tous les détails utiles, au mémento de l’apiculteur, guide technique, sanitaire et réglementaire disponible sur le site de l’Association de développement de l’apiculteur en Grand Est.
L’abeille solitaire en souffre
Et qui en pâtit ? Eh bah… les abeilles. Mais les « sauvages » ou « solitaires », présentes dans de moindres proportions que les abeilles à miel, mais utiles en tant qu’espèces pollinisatrices. En résumé : c’est la compétition entre elles pour butiner. « Les abeilles à miel viennent prendre les ressources mellifères et pollinifères aux abeilles solitaires. Ces dernières ne dépassent pas un rayon de 300 mètres, alors que les abeilles à miel vont à trois kilomètres. Et il y en a entre 30 et 50.000 dans une même ruche », explique Lorenzo Altese.
Selon Alexis Ballis, il n’y a pas (encore ?) de vérité absolue : « Les scientifiques ne sont pas d’accord… ». Le débat est ouvert et aura d’ailleurs lieu lors d’une première journée technique apicole qui se tient samedi au lac de Madine.
Pour rééquilibrer la biodiversité, l’installation d’hôtels à insectes avec des compartiments réservés aux abeilles solitaires est encouragée. Alors c’est vrai, il n’y a pas de miel maison à la clé, mais, assure-t-on, les produits du potager des particuliers n’en seront que plus grands, plus juteux et plus beaux.