Sud-Est: En mer et sur terre, la hausse des températures fait craindre des bouleversements dans la faune
ANIMAUX•Des poissons invasifs profitent du réchauffement de la Méditerranée alors que sur terre, des espèces endémiques sont menacées…Fabien Binacchi
L'essentiel
- La canicule cet été et, au-delà, le dérèglement climatique font craindre aux experts des bouleversements de la faune dans le Sud-est.
- La Méditerranée, qui se réchauffe depuis des années, voit débarquer des espèces invasives qui pourraient, à terme, en remplacer d’autres.
- Sur terre, certaines espèces endémiques sont également menacées par la hausse des températures.
Jusqu’à 38,5°C à Perpignan, 37,9°C à Marignane et 33,4°C à Nice. Cet été, le deuxième le plus chaud dans le Sud-Est depuis 1900, les températures n’ont pas atteint des niveaux records que dans l’air. Dans l’eau aussi, le mercure a crevé le plafond. Avec 28°C et même 30°C par endroits. La Méditerranée en surchauffe… Avec quels impacts sur la faune ?
Les moules et les huîtres de l’étang de Thau ont presque toutes été décimées. Et l’arrivée au plus près des côtes de raies venimeuses était-elle liée à ce réchauffement ? « Les températures ont certainement joué un rôle et stimulé ce comportement, relève Nicolas Ziani, scientifique référent au sein du Groupe phocéen d’étude des requins. Mais il faut pousser les recherches, car les autres espèces ne semblent pas avoir été impactées. »
En tout cas, au-delà de cet épisode estival, la Méditerranée subirait un profond bouleversement. Elle serait en train de se « tropicaliser », affirment des experts. « On a désormais la certitude qu’elle se réchauffe [+0,7°C en 30 ans]. Et que ça va continuer, note Paulo Guidetti, le directeur du laboratoire Ecomers [Université de la Côte d’Azur et CNRS]. Certaines espèces thermophiles et invasives profitent de cette situation. La Méditerranée, telle que nous la connaissons finira par disparaître. »
Des espèces invasives
C’est notamment le cas du poisson-lapin, un herbivore de la Méditerranée orientale qui commence à coloniser la partie occidentale de la mer, via le canal de Suez. « Le problème, c’est qu’il se nourrit de tous les végétaux, qui sont des nurseries à poissons. En plus de faire de la "déforestion" en ravageant nos fonds marins, il pourrait même, à terme, remplacer le saupe [très commun sur les rivages du Sud-Est] », redoute Paulo Guidetti.
Son collègue Patrice Francour, professeur à l’université de Nice, planche sur une carte des préférences thermiques de ces espèces invasives. Il y en aurait plus de 700. « Ça permettra, en prévoyant l’évolution des températures, de savoir où elles seront susceptibles de s’installer, dit-il. Et ainsi de faire de la sensibilisation pour tenter de limiter les populations. »
L’écosystème également chamboulé sur terre
La hausse des températures, cet été, et à plus long terme le réchauffement climatique, fait craindre de nombreux changements sur terre également. Dans les Alpes-Maritimes, un escargot endémique de la Roya, une vallée montagneuse, est notamment menacé. « L’Hélicon du Marguareis pourrait disparaître. Il n’a quelques kilomètres carrés et il est obligé de remonter dans les étages alpins », explique Olivier Gerriet, chargé de conservation au musée d’histoire naturelle de Nice.
« L’augmentation des températures pourrait perturber des migrations et faire prospérer, là aussi, des espèces invasives, note le spécialiste. Sans parler des moustiques, qui seraient plus nombreux et actifs plus longtemps. »