AGRICULTURETouchés par la fièvre charbonneuse, des éleveurs témoignent

Fièvre charbonneuse dans les Hautes-Alpes: «On a désinfecté comme on a pu», les éleveurs touchés témoignent

AGRICULTURELes éleveurs se sentent impuissants face à cette maladie qui surgit sans signe annonciateur…
Jean Saint-Marc

Jean Saint-Marc

L'essentiel

  • Au moins 54 bêtes, principalement des vaches, sont mortes de la fièvre charbonneuse, cet été, dans les Hautes-Alpes.
  • Les agriculteurs se sentent un peu démunis face à cette bactérie qui peut survivre pendant des décennies entières, dans les sols.

Florian Pellegrin n’avait jamais rien vu de tel. Mais en même temps, Florian n’a que 23 ans. Le 16 août dernier, en faisant sa tournée sur l’exploitation familiale, le jeune éleveur découvre le cadavre d’une vache qui, « la veille au soir, était en pleine forme. » Le « véto » débarque, fait des analyses. Elles reviennent positives : c’est la fièvre charbonneuse. « Ni mon père, ni mon oncle, ni mon frère ne connaissaient. Même le grand-père, qui a 90 ans ! », soupire Florian Pellegrin, installé à Buissard, au nord de Gap.

Ce petit village alpestre est en plein cœur de la zone touchée depuis le début de l’été par la fièvre charbonneuse. Selon le dernier décompte de la préfecture des Hautes-Alpes, 23 foyers de fièvre charbonneuse ont été comptabilisés dans le département. Au moins 54 bêtes sont mortes, principalement des vaches, mais aussi quelques moutons. « J’ai perdu deux béliers, raconte Sébastien Seinturier, éleveur à Ancelles, à dix petits kilomètres de Buissard. Il n’y a pas de symptômes : le soir, ils vont bien… Le matin, pof, ils sont morts. »

« Ça fout les boules »

Avec son associé, Sébastien Seinturier a déplacé les cadavres à mains nues : « On a fait comme d’habitude, on les a tirés jusqu’à la route pour que l’équarrisseur vienne les récupérer. » Erreur, leur a expliqué plus tard le vétérinaire : une version cutanée de la fièvre charbonneuse s’attrape au contact des animaux morts. Les deux hommes ont donc eu droit à dix jours de traitement antibiotique. Simple précaution : selon l’Agence régionale de santé, aucun humain n’a été contaminé cet été dans les Hautes-Alpes.

« Pour le grand public, il n’y a aucun danger », martèlent tous les éleveurs que nous avons interrogés. Les exploitations touchées ont été placées en quarantaine : rien ne sort, ni viande ni lait. « Et pendant ce temps, le client va voir ailleurs », soupire Sandrine Hauser, responsable du dossier fièvre charbonneuse au sein de la FDSEA, syndicat agricole majoritaire dans le département. Son exploitation n’a pas été touchée… Mais plusieurs de ses voisins sont concernés : « Certains maquignons, certains bouchers nous disent qu’ils ne veulent plus de viande haut-alpine dans leurs rayons… Ça fout les boules ! »

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Les agriculteurs seront indemnisés. De combien, et par qui ? Réponse à partir du 10 septembre, date de la première réunion du fonds de solidarité. En attendant, c’est la débrouille, avec les conseils des autorités sanitaires. Ceux dont une bête est morte à l’intérieur d’une étable doivent évacuer et faire incinérer plusieurs centaines de kilos de fumiers et de lisiers. « Et impossible de trouver un incinérateur », nous dit-on.

« Va désinfecter un champ entier ! »

Chez les Pellegrin, « on a désinfecté comme on a pu, avec de l’eau oxygénée », raconte Florian. Encore un soupir : « Mais va donc désinfecter un champ entier… C’est impossible, c’est l’histoire de l’aiguille et de la botte de foin ! »

Les zones « critiques » sont celles où la bête est morte : la bactérie « s’écoule par les voies naturelles » (vous avez pigé ou on vous fait un dessin ?) Et les spores qui peuvent contaminer les animaux survivent dans le sol pendant des décennies. Les vétérinaires conseillent donc d’éviter les pâturages pendant une centaine d’années. « Pour les cent ans, on verra bien, sourit Florian Pellegrin. En attendant, on va faire une sorte d’enclos de 5 mètres carrés, en fil barbelé, là où la bête est morte. Comme ça les autres n’y retourneront pas. » Il a aussi décidé qu’il vaccinerait son troupeau tous les ans. « Et elles pâtureront comme d’habitude, champs maudits ou pas. »

C’est ainsi que les locaux surnomment ces zones où les spores survivent dans le sol. « Ça nous fait tous flipper, c’est clair et net, reprend Sandrine Hauser. Ceux qui ont été touchés sont en apnée pendant 21 jours, le temps que le vaccin fasse effet. Ceux qui ne sont pas touchés attendent leur tour. On se dit : "qui sera le prochain ?" »