Des chercheurs pistent la cryoconite au pôle Nord (bien pire pour la planète que la kryptonite)
POLLUTION•Une expédition en cours au pôle Nord va permettre à des scientifiques toulousains d’analyser la cryoconite, une pollution issue de l’activité humaine que l’on retrouve sur la banquise…Béatrice Colin
L'essentiel
- L’Arctique a perdu 1,6 million de km2 de glace ces 20 dernières années.
- L’expédition "La Voie du Pôle", parti le 19 juin sur un voilier hybride, va faire des prélèvements scientifiques durant trois mois pour analyser la composition de la cryoconite, des poussières noires qui ont un impact sur la fonte des glaces.
- Les prélèvements seront analysés par le laboratoire toulousain EcoLab dont l’objectif est de quantifier les taux de mercure et microplastiques.
Au pôle Nord, au cœur de la banquise, les voitures ou et les camions ne sont jamais coincés dans les embouteillages. Et pourtant, à des milliers de kilomètres des mégalopoles et de leurs activités humaines, on peut aussi observer une fine pellicule noire sur la couche de glace, à l’image de celle qui s’accumule sur les murs des grandes villes.
Cette cryoconite, des scientifiques de l’Institut national polytechnique de Toulouse ont décidé de l’étudier de près, histoire de savoir ce qu’elle contient. Et pour y parvenir, ils profitent de l’expédition sportive et technologique La Voie du Pôle, partie le 19 juin dernier pour trois mois.
Concentration de microplastiques et mercure
A bord d’un voilier hybride, à la fois catamaran et char-à-glace, trois aventuriers sont en train de parcourir 3.000 km et effectueront tout au long de leur périple des prélèvements.
Des échantillons qui seront ensuite analysés au sein du Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement (EcoLab).
« Notre premier objectif est de déterminer s’il y a une origine anthropique à ce dépôt noir transporté jusqu’au pôle Nord par le vent. Et de mesurer la concentration de mercure et de microplastiques, des contaminants présents dans la cryoconite et qui vont rentrer dans la chaîne alimentaire », explique Roman Teisserenc, coordinateur du projet scientifique.
Car la présence de cette fine couche est loin d’être anodine pour la banquise. « Ces matières sombres absorbent plus de rayonnements, ce qui réchauffe la surface et crée des micro-lacs. L’intérêt est aussi de voir comment ils se forment », poursuit le chercheur toulousain.
« Même au pôle Nord on peut retrouver des microplastiques »
Surtout lorsque l’on sait que depuis vingt ans, l'Articque a perdu 1,6 million de km2 et qu’à l’horizon 2030, la banquise pourrait totalement disparaître l’été. Autant de données qui n’ont jamais été collectées à cette échelle et qui permettront de savoir si la composition varie selon qu’on soit au centre de la banquise ou près des continents.
Mais au-delà des résultats, l’enjeu est aussi de sensibiliser le grand public. « Nous voulons montrer que même dans des endroits très loin de la civilisation, il y a un impact, même au pôle Nord on peut retrouver des microplastiques », insiste Roman Teisserenc.