Sur votre smartphone, vous pouvez sûrement aider les prévisionnistes de Météo France
Météo•Depuis un an, sur son application mobile, Météo France propose aux mobinautes d’indiquer le temps qu’il fait chez eux. Et ça marche du tonnerre. Simple gadget ou données utiles aux prévisionnistes ?….Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- Le module de l’application Météo France enregistre une moyenne de 15.000 observations participatives par jour et l’institution a bon espoir de voir ce chiffre grimper en donnant la possibilité d’ajouter des photos à partir de septembre.
- Satellites, ballons-sondes, stations météos automatiques… Météo France a déjà sous la main de nombreuses technologies de pointe pour établir ses prévisions et étudier le climat.
- Ce nouveau module n’est pas pour autant un gadget, assure-t-on à Météo France. Les observations des bénévoles doivent permettre aux prévisionnistes de confirmer et d’affiner leurs diagnostics.
Il a neigé à Montpellier le 28 février. Le phénomène est suffisamment rare pour être signalé. D’ailleurs, les Montpelliérains n’ont pas oublié de le faire savoir. Ce jour-là, ils ont largement contribué à établir le record du nombre d’observations participatives enregistrées sur l’application mobile de Météo France : 40.133 signalements sur cette seule journée.
Ce module est tout nouveau, ajouté il y a un an tout juste sur Android et quatre mois plus tard sur iOS. C’est le petit œil transparent qui apparaît sous la température sur la page d’accueil de l’application. Vous cliquez dessus et vous voilà invité à partager à Météo France le temps qu’il fait chez vous. Fait-il soleil ? Y a-t-il des nuages ? Du vent fort ? Des orages ? A vous de faire votre sélection parmi une série d’icônes proposée. Les plus motivés iront même jusqu’à laisser un commentaire, façon de se transformer un peu plus encore en météorologue averti.
15.000 observations quotidiennes
Et il y en a des motivés. Ce vendredi, la carte interactive recensant toutes les observations laissait apparaître une France baignée de soleil. Le temps était en revanche nuageux à Sainte-Clotilde à la Réunion, guère mieux à Bar au Monténégro et à Bratislava en Slovaquie, si on en croit les contributions de la journée. Depuis le lancement de l’outil, Météo France enregistre ainsi une moyenne de 15.000 observations quotidiennes. De quoi faire de Météo France « le leader mondial des contributions de citoyens concernant les phénomènes météorologiques », se félicite l’institution.
On pourrait se dire que Météo France a déjà assez à faire avec la panoplie technologique qu’elle a sous la main pour prédire le temps et étudier l’évolution des climats. Elle reçoit et traite à ce jour les données de 18 satellites qui fournissent 90 % des données d’observation utilisée pour son modèle de prévision. « A cela s’ajoutent des observations plus traditionnelles, précise à 20 Minutes Yann Guillou, directeur adjoint de l’observation à Météo France. Nous avons aujourd’hui 1.000 stations en métropole fournissant des données en temps réel, 40 radars dont sept déployés en Outre-mer, des ballons-sondes expédiés dans l’atmosphère pour mesurer divers paramètres comme la pression, la température, le vent, mais aussi des bouées ancrées, des profileurs de vents et six lidars [de la télédétection par laser qui permet d’explorer les couches de l’atmosphère, les turbulences aériennes]. »
Déjà un réseau de correspondants bénévoles depuis 1945…
Bref, le panel est large et continue d’être amélioré régulièrement. « Les dernières versions de satellites mis en orbite sont par exemple dotées de capteurs optiques pour détecter la foudre depuis l’espace, illustre Yann Guillou. Quant à la prochaine génération de satellites géostationnaires [fixe par rapport à un point de la Terre], attendue pour 2030 et qui nous intéresse beaucoup en météorologie, elle sera dotée de sondeurs embarqués ce qui nous permettra d’accroître encore la qualité et la quantité des informations récoltées. »
Alors, à quoi bon de demander en plus aux particuliers de renseigner quel temps il fait chez eux ? Juste un gadget ? Loin de là, répond Météo France. Ce n’est pas la première fois d’ailleurs qu’elle utilise les contributions de correspondants bénévoles disséminés aux quatre coins de la France. Le réseau existe depuis 1945 et une ordonnance du Général de Gaulle créant le réseau climatique d’État.
Météo France comptait encore, en 2007, 3.000 correspondants en métropole réalisant deux relevés manuels par jour de températures et de pluie à partir d’un poste climatologique le plus souvent installé à leur domicile. « Ce réseau-là a été mis spécifiquement en place pour surveiller l’évolution du climat », précise Yann Guillou. Vous imaginez peut-être l’agriculteur retraité, fou de météo comme le profil typique du bénévole Météo France. En fait, pas vraiment. « Il n’existe pas un bénévole type, écrivait en 2009 Christelle Capel, alors doctorante en géographie à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et auteure d’une étude cherchant à cerner le profil de ces correspondants. Elle notait certes qu’une majorité travaille dans un secteur proche de l’environnement (jardinier, métier de l’eau, agriculteur). Parfois même, la station n’est pas installée au domicile, mais sur le lieu de travail et fédère plusieurs bénévoles au profil très divers.
… Mais un réseau qui s’étiole
Le hic, c’est que ce réseau s’étiole. « La moyenne d’âge dans le réseau est maintenant élevée et nous peinons à recruter des bénévoles prêts à prendre la relève, constate Yann Guillou, conscient des contraintes qu’implique le travail demandé. « Le premier relevé doit être fait entre 7h et 8h du matin, été comme hiver et, quand ils partent en vacances, les bénévoles doivent se faire remplacer », rappelle-t-il. C’est en effet peu compatible avec nos modes de vie actuelle. »
Résultat : Météo France n’a plus aujourd’hui que 1.900 correspondants sous la main et s’attend à en perdre encore voir à mettre fin à terme au réseau, du moins dans la forme qu’il existe actuellement. Pour pallier la chute, Météo France a augmenté et prévoit d’augmenter encore le nombre de stations automatiques au sol. « Mais Arome, le modèle de prévision numérique du temps que nous utilisons à Météo France a 1,5 km de résolution, reprend Yann Guillou. Ce ne serait pas raisonnable de mettre une station automatique toutes les les 1,5 km. Nous travaillons alors d’autres pistes, comme l’exploitation des données recueillies par les objets connectés, comme les stations météo achetées par des particuliers ou utilisées en agriculture, pour accroître le nombre de mesures au sol. »
« Aider les prévisionnistes à affineur leurs diagnostics »
L’ouverture des observations participatives, via l’application smartphone de Météo France, participe à cette stratégie. Certes, elles n’auront jamais la régularité et la précision scientifique d’une station automatique, d’un satellite géostationnaire ou des ballons-sondes expédiés dans l’atmosphère. « Ces contributions permettent tout de même aux prévisionnistes de confirmer et d’affiner leurs diagnostics voire de nous renseigner précisément sur l’heure de début d’un événement climatique, explique Yann Guillou. Cela peut-être très utile pour les phénomènes les plus délicats à prévoir. La neige, les orages, le brouillard… » Il suffit par exemple d’une différence de 0,1°C pour que les précipitations tombent sous forme de neige plutôt que de pluie, rappelle Météo France.
Yann Guillou parle alors de ces nouvelles sources d’observation comme d’un enjeu majeur pour Météo France. « Le module sera d’ailleurs amélioré en septembre, précise le directeur adjoint de l’observation à Météo France. Les mobinautes auront la possibilité d’ajouter des photos à leurs observations pour aider les prévisionnistes à mieux évaluer l’impact d’un orage violent, d’une pluie diluvienne ou de fortes chutes de neige. » De quoi encore sans doute faire grimper le nombre de contributions…