Que font nos métropoles pour favoriser les mobilités douces?

Transport: Que font nos métropoles pour favoriser les mobilités douces?

VOITUREGreenpeace publie ce mercredi son premier panorama de la mobilité durable. L’étude a passé au crible les efforts fournis par les grandes villes françaises pour restreindre la circulation des véhicules polluants et encourager les alternatives au tout voiture…
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Seules Paris et Grenoble ont instauré à ce jour des Zones de circulation restreinte (ZCR), limitant la circulation des véhicules les plus anciens et/ou les plus polluants. Nantes et Strasbourg sont sur la bonne voie, d’autres se sont engagées à le faire…
  • Sur l’autre volet, le développement des alternatives à la voiture individuelle, les situations sont contrastées d’une ville à l’autre. Il y a les municipalités dynamiques - Strasbourg, Nantes, Paris- et celles qui le sont bien moins comme Marseille et Nice.
  • Plus problématique, aucune des grandes villes étudiées ne parvient à être performante sur les deux fronts, juge Greenpeace. A savoir restreindre la circulation des véhicules polluants et développer des alternatives.

Disons qu’il y a des copies meilleures que d’autres mais que dans l’ensemble, le niveau reste moyen et les efforts à fournir considérables. Ce pourrait être l’appréciation générale du panorama de la mobilité durable que publie ce mercredi Greenpeace.

L’ONG a passé en revue les efforts fournis par les grandes villes de France pour réduire la part de la voiture individuelle et développer les déplacements alternatifs. C’est une première édition. Elle sort au moment même où la France est de plus en plus menacée de sanction pour les dépassements réguliers des normes européennes sur les concentrations dans l’air en dioxyde d’azote [NO1] et les particules fines PM10 [dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres]. Le 17 mai dernier, la Commission européenne a même assignée la France devant la cour de justice européenne, au titre « qu’elle n’a pas pris les mesures qui auraient dû être mises en place depuis 2005 pour protéger ses citoyens ».

Des zones de circulation restreintes dans deux villes seulement

Une partie de ces mesures sont de la compétence de l’État. « Mais la pollution de l’air touche particulièrement nos grandes villes et est fortement liée, dans ce cas précis, au trafic routier et à la trop grande place de la voiture individuelle dans nos villes », estime Sarah Fayolle, chargée de campagne « climat » à Greenpeace. Bref, les métropoles ont leur part de boulot.

Le panorama de la mobilité durable réalisé par Greenpeace s’est d’abord intéressé aux restrictions de circulations instaurées dans ces grandes villes contre les véhicules les plus polluants. Le tour d’horizon est rapide. Seules Paris et Grenoble ont à ce jour instauré une Zone de circulation restreinte permanente (ZCR), interdisant la circulation en centre-ville des véhicules les plus polluants. « Et à Grenoble, cette ZCR ne s’applique à ce jour qu’aux poids-lourds et véhicules utilitaires les plus anciens », rappelle Sarah Fayolle.

Ailleurs, Nantes et Strasbourg semblent un peu plus avancées sur la sortie des véhicules les plus polluants, juge Greenpeace. « Toulouse, Bordeaux, Lyon et Lille se sont engagés à mettre en place une ZCR mais ne sont pas passés encore aux actes », poursuit Sarah Fayolle. Marseille, Nice, Rennes et Montpellier, pour leur part, ne sont même pas au stade de l’engagement. »

Strasbourg avec une tête d’avance sur les alternatives

Voilà pour le premier volet. Un autre champ d’action est l’instauration et la promotion d’alternatives à la voiture individuelle. Pour mesurer les efforts fournis par les grandes villes en la matière, Greenpeace a interrogé des associations locales d’usagers de transports en commun ou de promotion du vélo. Trois axes ont été pris en compte : « renforcement de l’offre de transports en commun », aménagements vélo et « incitation aux changements de comportements ».

Panorama de la mobilité durable de Greenpeace.
Panorama de la mobilité durable de Greenpeace. - @Greenpeace

A ce petit jeu, Strasbourg est la ville qui s’en sort le mieux. Ce n’est pas tant une surprise : la métropole alsacienne est sans conteste la capitale française du vélo avec ses 600 kilomètres de pistes cyclables, ses 19.000 arceaux de stationnement, ses 6.000 vélos en libre-service… Et surtout, une part modale vélo qui atteint aujourd’hui 16 %. [sur 100 déplacements, 16 sont faits en vélo]. Un record en France où la part modal vélo patine en moyenne à 3 %. Mais ce n’est pas le seul domaine d’excellence de la capitale alsacienne. Strasbourg possède une des meilleures offres d’autopartage en France et a lancé plusieurs extensions de son réseau de transports en commun », rappelle l’association locale Atsus 67.

Nantes figure dans les bons élèves de ce panorama. Les associations sondées se félicitent de la « très bonne qualité » du réseau de transport en commun et du succès des neuf lignes « chronobus », des bus à haut niveau de service [site propre et fréquence élevée]. Nantes a aussi lancé plusieurs initiatives intéressantes pour favoriser les changements de comportements, indique l’association Place au vélo. Elle cite notamment la location longue durée de vélo à assistance électrique ou le lancement d’un atelier de six mois sur le changement de comportement mobilité accompagnée par un sociologue-chercheur. Un bémol toutefois : « une culture routière encore trop proéminente au sein de la métropole » et « un réseau de pistes cyclables trop peu lisible et visible », juge l’association Place au vélo.

Beaucoup de villes dans le ventre mou

Paris, elle, est très en retard sur son réseau cyclable. Mais l’associationParis en selle souligne tout de même quelques belles initiatives, comme les subventions à l’achat de vélo-cargos pour les professionnels. La piétonnisation des berges de Seine, l’aménagement des grandes places pour y laisser plus de place aux piétons ou encore des opérations comme « Paris respire » sont aussi salués.

Vient ensuite le ventre mou de ce panorama. On y trouve Toulouse, Lyon, Bordeaux, Lille et Rennes. Bien souvent, les associations notent dans ces villes une volonté politique de limiter la place de la voiture individuelle, mais regrettent des politiques qui ne répondent pas aux enjeux prioritaires, l’absence de progrès, voire un décalage entre les ambitions affichées et les actions entreprises sur le terrain. Cela reste mieux tout de même que Nice, Marseille et, dans une moindre mesure, Montpellier pour lesquelles les associations interrogées par Greenpeace fustigent des politiques bien insuffisantes pour sortir du tout voiture.

Se focaliser plus aujourd’hui sur les périphéries ?

Mais quelle que soit la métropole, Sarah Fayolle constate qu’« aucune ne parvient à être performante sur les deux fronts sur lesquels il faut agir pour réduire la place de la voiture en ville. « Or, on ne peut pas choisir, estime-t-elle. Il faut à la fois restreindre la circulation des véhicules polluants et proposer des alternatives à la voiture individuelle. » Stéphane Chanut, chef du groupe « politique de mobilité » au Cerema (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), est moins sévère. « En vingt ans, des investissements très importants ont été entrepris dans la plupart des métropoles, notamment dans la modernisation de leurs transports en commun », explique-t-il. Et avec des succès : « la plupart des métropoles de province sont parvenues à maîtriser la part modale de la voiture dans leur hypercentre, poursuit Stéphane Chanut. Elle se stabilise voire passe en dessous des 50 %. C’est le cas de Lyon par exemple où, dans le même temps, la part modale des transports en commun a beaucoup progressé. Elle atteignait en 2016 les 19 %. »

Reste les quartiers périphériques et les villes voisines où de nombreux trajets très courts se font toujours en voiture. « Il faut certes favoriser encore les modes de transport actifs comme le vélo et la marche, ou encore développer le covoiturage, indique Stéphane Chanut. Mais il faut aussi inciter au changement de comportement. La question est plus large alors et ne concerne pas seulement les villes ou l’État. Les employeurs ont aussi un rôle à jouer en développant le télétravail ou le coworking ou en modifiant les horaires de travail pour lisser les heures de pointe. » C’est ce qu’a fait par exemple l’université Rennes 2, dès 2012, en décalant de quinze minutes le début des cours pour éviter qu’un flot d’étudiants se déversent dans le métro à un horaire déjà surchargé.

*Le taux moyen d’occupation des voitures est de 1,3 % à l’échelle nationale et il tombe même à 1,03 % aux heures de pointes dans les grandes villes. Autrement dit, sur 100 voitures, il y en a 96 avec le seul conducteur à bord. »