VIDEO. Espèces invasives en France: L'écrevisse de Louisiane, «l'Attila» de la biodiversité
ENVIRONNEMENT•Introduites accidentellement par l'homme, ou volontairement mais sans réfléchir aux conséquences, les espèces invasives sont l'un des premiers facteurs de perte de biodiversité dans le monde. Y compris en France... Exemple en Gironde avec l'écrevisse de Louisiane...Mickaël Bosredon
L'essentiel
- Importée en France pour des raisons commerciales, l'écrevisse de Louisiane s'est retrouvée dans la nature et a proliféré.
- Vorace et d'une forte capacité de reproduction, elle exerce une terrible pression sur son environnement direct.
- Désormais bien installée sur nos terres, il n'existe quasiment pas de moyen de lutter contre cette espèce.
«Lorsqu’on a connu un endroit avant et après que l'écrevisse de Louisiane s’y est installée, c’est assez spectaculaire. » Garde animateur au sein de la réserve naturelle des marais de Bruges (Gironde), Stéphane Builles n’a pas de mot assez fort pour décrire l’impact désastreux de l’écrevisse de Louisiane sur son environnement. « C’est Attila », finit-il par lâcher…
Cette espèce d’écrevisse en provenance des Etats-Unis comme son nom l’indique, et apparue dans l’ouest de la France dans les années 1970 avant de véritablement prospérer à partir des années 1990, cumule en effet toutes les propriétés faisant d’elle un prédateur redoutable pour son environnement direct.
« Scénario catastrophe »
« Elle a de très importantes capacités de reproduction : un individu peut pondre entre 200 et 700 œufs par ponte plusieurs fois par an, ce qui donne chez nous, par exemple, 1,5 à 2 tonnes d’écrevisses à l’hectare, soit potentiellement 5 à 10 par m2 ! Elle est très résistante, même aux eaux polluées, et quand l’oxygène chute de manière importante dans son milieu, elle est capable de vivre à la surface. Vorace, elle se nourrit d’herbiers aquatiques, de larves et de petits poissons, contribuant à une chute considérable de population de nombreuses espèces - amphibiens, libellules… - et à une modification profonde de son écosystème. Ainsi, les nénuphars des 50 ha de l’étang de Cousseau dans le Médoc ont disparu après qu’elle s’y est implantée. »
Vous trouvez que cela fait un peu « scénario catastrophe » ? Ce n’est pourtant pas fini. « Elle est également porteuse d’un champignon microscopique qui tue l'écrevisse à pattes blanches, cette dernière se trouvant désormais en voie de raréfaction. Enfin, elle a un comportement terricole - elle s’abrite dans des terriers l’hiver - endommageant des ouvrages hydrauliques et augmentant la turbidité de l’eau… »
« Des gens ont eu la riche idée de vouloir en mettre chez eux… »
N’en jetez plus… Mais a-t-elle au moins quelques atouts, quelques bienfaits pour elle ? « Déjà, on ne peut qu’être impressionné par de telles capacités d’adaptation », relève Stéphane Builles, qui lui reconnaît l’avantage de « servir de nourriture aux hérons et aux cigognes. » « Mais comme elle modifie les écosystèmes et abaisse la biodiversité, elle diminue d’elle-même la variété des proies pour ces oiseaux. »
Mais au fait, comment l’écrevisse de Louisiane s’est-elle retrouvée sur nos terres ? « Elle a été importée d’abord en Espagne puis en France pour des raisons commerciales, même si au final gustativement elle a peu d’intérêt. » Du fait de nombreux élevages, des individus se sont retrouvés dans la nature. « Des gens ont également eu la riche idée de vouloir en mettre chez eux. Avec ce type d’animal, la négligence d’une seule personne peut suffire à commettre l’irréparable. »
Interdiction de la transporter vivante
Comme pour toute espèce invasive, il y a peu ou pas de moyen de lutter contre. « Nous avons travaillé sur des pièges sélectifs, mais ce n’est pas au point, et il faudrait des pièges capables d’exercer une pression suffisante pour faire baisser sa population. Quant aux pièges classiques, leur problème est qu’ils attrapent tout type d’espèces : tortues, serpents, poissons… » Sa pêche est autorisée, mais il est en revanche interdit de la transporter vivante.
Plus de 40 ans après son apparition en France, l’écrevisse de Louisiane se porte désormais « très bien » sur nos terres.