Changement climatique et migrations: «Il y a des risques de conflits et de tensions dans les zones d’accueil»
MIGRANTS•Jacques Veron, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques, revient sur les conséquences migratoires du changement climatique…Propos recueillis par Olivier Philippe-Viela
À l’occasion de la conférence de Bonn de 2017 sur les changements climatiques, dit COP23, qui s’achève vendredi en Allemagne, Jacques Veron, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques, spécialiste des liens entre démographie et écologie, revient pour 20 Minutes sur les conséquences migratoires du changement climatique.
Faut-il s’attendre à une explosion du nombre de réfugiés climatiques ?
Benoît Hamon parlait pendant la présidentielle d’un milliard de personnes déplacées à l’horizon 2050. Sauf que non, c’est totalement irréaliste. Les chiffres qui circulent font état d’environ 25 millions de déplacés climatiques chaque année (23,5 millions en 2016 selon Oxfam). Il faut prendre également en compte la perception en fonction de la taille du pays : en 2015 par exemple, il y a eu des grandes inondations qui ont conduit à des déplacements très importants en Inde, mais dans les îles océaniennes, il y a eu numériquement beaucoup moins de déplacements. Or quand on rapporte à la population nationale, ça faisait 50 % de la population de l’île concernée.
Comment anticiper ces migrations ?
Ce n’est pas mécanique. Ce n’est pas parce qu’il se passe quelque chose que les gens partent. Dans la majorité des cas, ce ne sont pas des déplacements très lointains, ça peut être un exil de deux cents mètres sur une colline. En outre, souvent les gens partent puis reviennent. Il y a une vulnérabilité croissante. Ce que l’on sait, c’est que les densités de population ont augmenté dans beaucoup de pays, dans des zones très exposées aux ouragans et aux cyclones. Même si l’ampleur de la catastrophe climatique ne changeait pas, il y a plus de gens qu’auparavant susceptibles d’en subir les conséquences.
Quelles sont les zones les plus à risque ?
L’urbanisation est un facteur essentiel qui contribue à cette vulnérabilité, avec une concentration d’une part importante de la population sur les zones côtières. Ça touche toutes les villes, même New York lors de Sandy. En Inde par exemple les zones côtières sont très peuplées. Point important : le fait que quand les gens partent, ils vont dans un endroit qui ne les attend pas forcément. On l’a vu avec les sécheresses en Ethiopie, dans la corne de l’Afrique. Des gens sont partis au Kenya par exemple. Il y a des risques de conflits et de tensions dans les zones d’accueil, d’autant que certaines déjà très peuplées ne sont pas favorables à l’accueil de personnes déplacées. On regarde souvent le départ, il faut voir aussi l’arrivée. Au Bangladesh par exemple, beaucoup quittent la région du Delta pour aller à la capitale vivre dans des bidonvilles.
Comment limiter les migrations environnementales ?
Il y a des initiatives imaginées aux Pays-Bas qui se développent pour permettre aux gens de rester sur place le plus possible. Par exemple, il y a un projet de digue pour entourer Jakarta, en Afrique du Sud, parce que la ville s’enfonce. Un autre, « Moteur de sable », qui consiste à déposer une quantité de sable sur les côtes et laisser les courants répartir le sable pour protéger la côte ; le fait de faire des zones d’expansion le long des rivières pour que l’eau puisse couler et ne s’engouffre pas dans une rivière, etc.