OCEANSDes décharges électriques pour pêcher les poissons, une fausse bonne idée?

Des décharges électriques pour pêcher les poissons, une fausse bonne idée?

OCEANSLa pêche électrique est autorisée à titre expérimental en mer du Nord pour les poissons plats difficiles à déloger des fonds marins. Les Néerlandais, friands de cette technique, veulent la rendre conventionnell. Décision du parlement européen ce mardi...
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • La pêche électrique consiste à envoyer des pulsations électriques qui étourdissent les poissons vivants enfouis dans les fonds marins pour mieux les capturer.
  • La technique, très prisée des Néerlandais, a quelques atouts, y compris écologique puisqu’elle permet aux navires de moins remuer les fonds marins et de moins consommer de carburants.
  • Mais les pêcheurs français constatent aussi des impacts néfastes des courants électriques sur les espèces marines non pêchées par les chaluts électriques.

Du poisson au menu du Parlement européen. Ce mardi, à midi, les eurodéputés se penchent sur la pêche électrique, technique prisée des pêcheurs hollandais mais très controversées ailleurs. La question : Faut-il ou non généraliser cette pratique dans l’Union interdite en 1998 avant être réautorisée à titre expérimental pour certains poissons.

Plusieurs eurodéputés ont d’ores et déjà demandé le report du vote afin de laisser le temps pour un « débat informé », a d’ores et déjà précisé le député Vert Yannick Jadot.

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Technique redoutable

Sur le plan technique, la pêche électrique a fait ses preuves. A partir des filets équipés d’électrode, la pêche électrique consiste à déloger les poissons plats, comme la sole, enfouis dans les fonds marins. Techniquement, il n’y a pas plus redoutable. Les électrodes, émettent des pulsations qui électrisent les poissons, les étourdissent et les font décoller du fond. Du pain bénit pour le filet qui suit. Le pêcheur Stéphane Pinto, représentant CFDT des fileyeurs (pêche au filet) au Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) des Hauts de France, le voit bien : Les Néerlandais, « ont multiplié considérablement leurs prises depuis quelques années. Par quatre au moins. »

Mais à quel prix ? Cette méthode de pêche n’est pas sans poser de questions. « En Chine, où la pêche électrique était utilisée par les crevettiers, la pratique a été complètement interdite en 2001 au motif qu’elle était la cause d’une mortalité accrue chez les crevettes juvéniles, relate l’association écologiste Robin des Bois. Les autorités ont aussi estimé que la pêche électrique était difficile à contrôler, des pêcheurs ayant pris pour habitude d’émettre des décharges électriques beaucoup plus puissantes que les voltages utilisés. »

En Europe, des dérogations depuis 2007

En Europe, la situation est plus ambiguë. L’UE a interdit la pêche électrique en 1998 en même temps que d’autres pratiques de pêche non conventionnelles (utilisation d’explosifs, de substances soporifiques, de poisons…). « Elle était utilisée jusque-là pour la pêche au thon et au requin-pèlerin dans certains secteurs de la mer Baltique », rappelle toujours Robin des bois.

Mais en 2007, revirement de situation. L’UE autorise de nouveau la pêche électrique à titre expérimental. Cette autorisation est très encadrée. « Elle ne porte que sur la pêche de poissons plats en mer du Nord, essentiellement la plie et la sole, et seulement pour un type de chalut, les chaluts dits à perche, précise Frédéric Le Manach, directeur scientifique deBloom, association de protection des océans et espèces marines. De plus chaque État membre de l’UE n’est autorisé à équiper d’électrodes que 5 % de sa flotte de chalutiers à perche. »

Des atouts, y compris écolo

Frédéric Le Manach explique alors ces dérogations comme le fruit du lobbiyng des Pays-Bas, qui dispose d’une flotte importante de chaluts à perche. Le pays représente aujourd’hui d’ailleurs l’essentiel des bateaux équipés d’électrodes. Le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne ont quelques bateaux équipés. « La France, qui s’est tournée vers d’autres types de pêche, n’en a aucun », précise Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes.

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La pêche électrique a quelques arguments à faire valoir, y compris écologiques. Une fois équipé d’électrodes, le chalut n’a plus à racler les fonds marins avec ses chaînes et en perturbe moins l’écosystème, indique le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) dans un avis rendu en février 2016. Et puisqu’il n’a plus à racler les fonds avec de lourdes chaînes, le bateau économise aussi sur sa consommation de carburant. « Entre 20 et 40 %, estiment les Néerlandais. A la clé, c’est moins de CO2 rejeté en l’air.

Des décharges électriques non sélectives

Mais les pêcheurs français aimeraient aussi qu’on se penche sur les incidences de ces charges électriques sur la biodiversité. « Cette pêche n’est pas du tout sélective, lance Hubert Carré. Les courants paralysent autant les soles et les plies que les autres espèces marines à proximité. Quelle est l’incidence sur les raies, les requins, les crustacés, les cabillauds ? »

Les pêcheurs à Dunkerque et Boulogne-sur-Mer disent ainsi trouver régulièrement dans le sillage des chaluts électriques néerlandais des poissons à la peau brûlée ou présentant des hématomes. Sans parler des colonnes vertébrales fracturées. « Une étude scientifique a été menée sur l’impact de la pêche sur les cabillauds pêchés par les chaluts électriques, indique Frédéric Le Manach. 40 à 70 % de ces cabillauds avaient la colonne vertébrale fracturée. »

« Et qu’en est-il des poissons juvéniles ?, demande Hubert Carré. On ne sait pas grand-chose de l’impact de la pêche électrique sur ces jeunes populations puisqu’elles sont trop petites pour être prises dans les filets. Mais on se doute que si la technique ne fait pas du bien aux adultes, elle en fait encore moins aux plus jeunes. »

Besoin d’études scientifiques supplémentaires

Les pêcheurs français, rejoints par Bloom et Robin des bois, déplorent alors un manque de recul scientifique sur la pêche électrique. Une lacune que reconnaît d’ailleurs le CIEM dans son avis de février 2016. Elle recommande le lancement d’un programme de recherche qui étudierait les effets à long terme de la pêche électrique sur les poissons plats.

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Pour Frédéric Le Manach, ces études sont indispensables avant d’envisager un quelconque développement de la pêche électrique en Europe, si celle-ci devenait méthode de pêche conventionnelle. « Les Néerlandais dépassent déjà aujourd’hui largement les quotas autorisés par l’UE, observe-t-il. Ce quota était de 5 % en 2007 puis de 10 % après 2010, mais aujourd’hui, les Pays-Bas équipent 28 % de leur flotte de chaluts à pêche d’électrodes, soit 84 bateaux. » Bloom a d’ores et déjà porté plainte début octobre contre les Pays-Bas devant l’Union européenne au sujet de ces dépassements.