Transport: Avec les Assises de la mobilité, l’écotaxe revient sur le tapis
POLLUTION•Ce mardi marque le lancement des Assises de la mobilité et, avec, le retour du débat sur l’écotaxe. La ministre des transports cherche de nouvelles recettes et se verrait bien demander aux poids lourds de participer à l’effort…Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- Elisabeth Borne, ministre des transports, se dit en quête de nouvelles recettes pour financer les infrastructures transport et réfléchit à une façon de faire payer les poids lourds qui transitent par la France.
- Pour les associations environnementales, ce débat est l’un des enjeux clés des Assises de la mobilité qui s’ouvrent ce mardi, rien que pour rétablir un équilibre entre transport routier et transports ferroviaires et fluviaux aujourd’hui en berne.
Revoilà l’écotaxe. Alors que le premier ministre Edouard Philippe ouvre ce mardi les Assises de la mobilité, l’équivalent pour les transports des Etats généraux de l’alimentation, le débat sur l’instauration d’une taxe poids lourds refait surface.
C’est Elisabeth Borne elle-même, qui remet sur le tapis cette mesure suspendue en octobre 2013 après la fronde des « bonnets rouges » bretons, avant d’être finalement définitivement abandonnée.
« Faire payer les poids lourds qui transitent sur notre réseau »
Ce dimanche, dans les colonnes du Journal du dimanche, la ministre des transports se dit en quête de nouvelles recettes pour financer les projets transports du quinquennat. Dans cette optique, « il faut réfléchir à des ressources nouvelles comme, par exemple, trouver une façon de faire payer les poids lourds qui transitent par notre réseau sans participer à son financement », explique-t-elle.
Sans grande surprise, ce retour sur le devant de la scène ravit les associations environnementales. Pour Lorelei Limousin, chargée des transports pour Réseau Action Climat, l’écotaxe « est l’un des sujets incontournables de ces Assises de la mobilité ». « En 2016, les transports sont responsables de 29 % des émissions nationales de gaz à effet de serre et le transport routier de marchandises représente, à lui seul, un quart de ces 29 %. »
Le ferroviaire et le fluvial en berne… parce qu’inadaptés ?
Surtout, pointe Lorelei Limousin, ces chiffres sont à la hausse ces dernières années, « notamment parce que le transport de marchandises par train [fret ferroviaire] ou par bateau [fret fluvial] diminue. Ces deux modes de transport représentent à eux deux, 10 % des transports de marchandises, quand les poids lourds assurent le reste. Pourquoi ? « Le fluvial et le ferroviaire peuvent avoir un intérêt pour le transport de quantités importantes de marchandises et sur une longue distance, répond Yves Fargues, président de l’Union transport et logistique de France, une association qui réunit des entreprises de la chaîne de transport et de logistique. Ce n’est plus la logique actuelle du fret, qui a besoin de flexibilité. Le taux de retard dans le transport ferroviaire est aussi important. Un train de marchandises sur trois accuse du retard, quand 99 % des camions arrivent à l’heure. »
Yves Fargues dit alors avoir avalé de travers son café en lisant les derniers propos d’Elisabeth Borne. « On est toujours et encore dans cette volonté de taxer la route », alors que « ses usagers, particuliers et professionnels, fournissent déjà l’essentiel des recettes que l’État prélève pour investir dans les infrastructures de transport. »
Pour Jean-Baptiste Poncelet, responsable « programme » chez France Nature environnement, au contraire, le transport routier reste très avantagé aujourd’hui au regard des émissions de gaz à effet de serre qu’il engendre et l’usure qu’il provoque sur les routes. « Y compris fiscalement, estime-t-il. Les poids lourds ne paient pas par exemple une partie de la taxe sur les carburants et bénéficient de routes gratuites lorsqu’ils empruntent le réseau secondaire (hors autoroutes). »
Rétablir un équilibre entre les modes de transport
Comme Yves Fargues, Jean-Baptiste Poncelet admet que le fluvial et le ferroviaire ne sont pas propices à tous les types de transport de marchandises. « Néanmoins, un système de type écotaxe pourrait rétablir un équilibre entre les modes de transports et, en rendant moins intéressant le transport par route, redonner de l’intérêt au ferroviaire et au fluvial », juge-t-il.
Surtout, l’écotaxe, du moins telle qu’elle avait été envisagée en 2013, était la promesse pour l’État de profiter d’une nouvelle ressource annuelle de 1 milliard d’euros. Une somme pas négligeable qui pourrait être réinvestie dans les transports du quotidien, priorité affichée aujourd’hui par Elisabeth Borne, « mais aussi pour moderniser le réseau ferré et permettre justement au transport ferroviaire de se développer », ajoute Lorelei Limousin.
Commencer par des régions pilotes
Mais comment réintroduire une mesure qui a été si décriée en 2013 ? Pour Lorelei Limousin, « il faut garder le principe d’un péage kilométrique qui taxe les camions en fonction du nombre de kilomètres parcourus sur le réseau secondaire français ». « Mais il est possible d’affiner aujourd’hui la mesure en prenant en compte, grâce à l’euro vignette, les émissions de CO2 de chaque camion et en taxant donc plus fortement les poids lourds les plus polluants », précise-t-elle.
Au JDD, Élisabeth Borne laisse entendre aussi que ce nouveau système d’écotaxe pourrait d’abord s’appliquer à certaines régions de France, celles qui sont volontaires. Un bon début, estime Jean-Baptiste Poncelet qui cite notamment les régions frontalières comme un bon terrain d’expérimentation. « On parle beaucoup de l’Alsace favorable à la mesure, indique-t-il. L’Allemagne a instauré en 2005 une taxe sur les camions de plus de douze tonnes empruntant les autoroutes et certaines routes fédérales, jusque-là gratuites, si bien que bon nombre de poids lourds circulant le long du Rhin choisissent de le faire côté français, encombrant les routes. »