Neutralité carbone: Nicolas Hulot entre désormais dans «la phase opérationnelle»
ENERGIE•Dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’heure est désormais aux mesures concrètes pour remplir les objectifs pris par le passé. Le projet de loi sonnant le glas de la production d’hydrocarbures en France est une première étape à ne pas louper...Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- Nicolas Hulot a présenté ce mercredi un projet de loi visant à en finir d’ici 2040 avec la modeste production d’hydrocarbures en France.
- Par ce texte, le ministre de la transition écologique et solidaire entend permettre à la France de garder le leadership mondial dans la mise en place d’actions concrètes visant à remplir les objectifs pris par le passé.
«Il est toujours aisé de se fixer des objectifs ambitieux, il est toujours plus délicat de les mettre en œuvre. » Nicolas Hulot a fait sienne cette maxime en présentant à la presse, à l’issue du conseil des ministres ce mercredi après-midi, son projet de loi sur la fin de l’exploration et la production d’hydrocarbures à l’horizon 2040 sur le territoire français.
« Un rôle moteur dans la prise de conscience »
La phrase colle en effet parfaitement à ce chantier comme à bon nombre d’autres qui attendent le ministre de la transition écologique et solidaire. La première phase, celle des grandes intentions, est désormais passée. « La France a tenu un rôle de leadership dans la prise de conscience sur les enjeux climatiques », rappelle Nicolas Hulot, faisant référence à l’ accord de Paris, scellé en décembre 2015 en conclusion de la COP21.
L’accord, pour lequel la France a eu un rôle moteur, vise à contenir la hausse de la température moyenne sous la barre de 2°C par rapport à l’époque préindustrielle. « Au-delà des objectifs que nous avons pris à Paris, nous nous sommes aussi engagés à une neutralité carbone en 2050, a ajouté le ministre. Ce n’est pas un petit exercice, cela générera une transformation profonde, radicale de notre modèle énergétique. »
« Nous rentrons dans le dur »
Place désormais à la phase opérationnelle. « Autrement dit, nous rentrons dans le dur, préciseMaximes Combes, économiste, membre d’ Attac France et auteur du livre Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition. Il n’est plus seulement question de se contenter de déclarations générales, d’accords internationaux sans feuilles de route clairement établies. »
En cela, ce projet de loi qui vise à en finir avec la production d’hydrocarbures en France en 2040 peut être vu comme une première étape vers la réalisation concrète des objectifs fixés par le passé. Une étape relativement facile puisque la France n’est qu’un tout petit producteur d’hydrocarbures, avec seulement 1 % de la consommation énergétique nationale qui en est issue.
Garder le leadership dans la phase opérationnelle
« C’est un acte fort, plus qu’un symbole, estime néanmoins Nicolas Hulot. Pour contenir la hausse des températures à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, il faut renoncer à exploiter 80 % des énergies fossiles que nous avons sous le pied. Souvent, on oublie cette réalité. La France ne l’occulte plus et la met en œuvre. Nous lançons une dynamique qui nous permettra progressivement de nous libérer des énergies fossiles. »
Par ce projet de loi, Nicolas Hulot entend permettre à la France de garder le leadership dans cette phase opérationnelle qui s’ouvre. Mais Maxime Combes, comme d’autres membres d’associations écologistes, note toutefois des limites au discours d’exemplarité affichée. « Ce projet de loi va dans le bon sens, mais il faut rappeler qu’il ne porte que sur la production française d’hydrocarbures, soit tout juste 1 % de ce que le pays consomme en énergie fossile. Et le texte actuel ne couvre même pas l’ensemble de cette faible production de pétrole et de gaz en France. »
« Un discours d’exemplarité, mais un texte qui a des failles »
Le projet de loi présenté par Nicolas Hulot entend en effet ne pas toucher au droit de suite, par crainte des attaques en justice des compagnies pétrolières. Ce principe veut qu’une compagnie pétrolière détentrice d’un permis d’exploration obtienne quasi systématiquement un permis d’exploitation si les recherches ont été fructueuses. « Il y a, à ce jour 33 permis d’exploration en cours sur le territoire français, dont 16 ont déjà fait l’objet d’une demande de renouvellement », précisait mardi, à 20 Minutes, Juliette Renaud, chargée de campagne « industries extractives » au sein des Amis de la Terre.
Les associations écologistes déplorent alors une première concession faites aux industriels. « A l’exemplarité affichée dans les discours aurait dû correspondre un projet de loi sans faille, ce n’est malheureusement pas le cas », déplore Maxime Combes.
D’autres chantiers plus complexes à venir ?
Le débat législatif commence tout juste. « Nous bataillerons pour améliorer le texte et tenter de bloquer le travail des lobbys industriels pour réduire la portée de ce projet de loi », assure l’économiste.
Pas si simple donc, au final, cette première étape. Les dossiers qui pointent à l’horizon s’annoncent parfois plus complexes encore. Pour rappel, le 10 juillet dernier, Nicolas Hulot s’engageait à fermer des réacteurs nucléaires. « Peut-être jusqu’à 17 », mentionnait-il.