VIDEO. Qu’est-ce qui fait avancer chaque année un peu plus le jour du dépassement?
EMPREINTE ECOLOGIQUE•A compter de ce mercredi, l’humanité vivra à crédit sur la Terre, ayant consommé toutes les ressources que la planète peut renouveler sur une année. Ce jour est chaque année plus précoce…Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- Calculé chaque année par le Global footprint network, le jour du dépassement, à partir duquel l’humanité vit à crédit sur Terre, tombe cette année ce mercredi 2 août.
- Ce jour est chaque année plus précoce, même si l’accélération est moins rapide depuis 2011.
- Pour les ONG de défense de l’environnement, la réduction de nos émissions de C02 permettrait de renverser la tendance.
L’humanité aura consommé le 2 août la totalité des ressources que la planète peut renouveler en un an et vivra donc « à crédit » jusqu’au 31 décembre, signalent Global Footprint Network, et le WWF (World wide fund), partenaire de l’ONG, dans un communiqué commun.
Biocapacité de la planète vs empreinte écologique
Global Footprint calcule chaque année ce « jour du dépassement ». Elle prend notamment en compte l’empreinte carbone, les ressources consommées pour la pêche, l’élevage, les cultures, la construction et l’utilisation d’eau. L’ONG compare la biocapacité de la planète, c’est-à-dire les ressources qu’elle peut générer sur une année, et l’empreinte écologique aux ressources dont l’homme a besoin pour consommer et rejeter ses déchets.
Un indicateur perfectible mais intéressant
La méthode utilisée est contestée par des scientifiques. On lui reproche d’utiliser des données incomplètes. La consommation d’eau n’est pas complètement prise en compte par exemple, ni l’épuisement des sous-sols, ou la destruction de la biodiversité, rappelle Le Monde.
« Cet indicateur est important sur le plan pédagogique, estime tout de même Marc Jedliczka, porte-parole de négaWatt,. Il nous fait prendre conscience dans quelle direction nous entraînent nos modes de vie. »
Un jour de moins que l’an dernier
Premier constat : le Jour du dépassement continue d’arriver toujours plus tôt dans l’année. L’an dernier, il avait été atteint le 8 août, date corrigée par la suite par Global Foot print au 3 août 2016. Il n’arrivait « que » fin septembre 1997 et le 5 novembre en 1985… Et pour rappel, avant 1970, la balance biocapacité de la planète versus l’empreinte écologique était chaque année excédentaire.
« L’accélération du calendrier est toutefois moins rapide depuis 2011, note Pierre Cannet, responsable du Programme Climat, Energie et Infrastructures durables au WWF France. On passe du 3 au 2 août en l’espace d’une année, quand on faisait des bonds de six à cinq jours, il y a quelques années. »
Marc Jedliczka explique ce ralentissement en grande partie par l’apport de progrès technologiques qui permettent une utilisation optimisée des ressources. « En France, par exemple, RTE table surune baisse durable de notre consommation d’électricité, ce qui était encore impensable il y a quelques années, note-t-il. Ce n’est pas tant que nos comportements changent, il n’y a pas encore un discours politique suffisamment offensif sur ce point, mais l’efficacité énergétique de nos produits électriques s’améliore tout simplement. »
La croissance démographique en cause ?
Cette pointe d’optimisme ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. « Pour subvenir à nos besoins, nous avons aujourd’hui besoin de l’équivalent de 1,7 planète », rappellent Global Footprint Network et le WWF.
Est-ce dû avant tout à l’augmentation de la population mondiale ou à nos modes de vie ? La hausse démographique – la Terre devrait compter 9,8 milliards d’habitants en 2050 selon l’ONU- est un facteur aggravant, reconnaît Pierre Cannet. L’urbanisation croissante grignote les terres agricoles si bien qu’on en gagne des nouvelles sur les forêts, un important réservoir de carbone qu’elles capturent et stockent. « Mais la planète est capable de faire face à cette augmentation de la population à condition qu’on prenne le virage de la transition énergétique. »
Un gros travail à faire sur nos émissions de CO2
L’enjeu résiderait donc plus dans notre capacité à changer notre mode de vie et, plus précisément, notre capacité à réduire nos émissions de C02. « Nos émissions de gaz à effet de serre représentent à elles seules 60 % de l’empreinte écologique mondiale », rappelle Pierre Cannet.
Elles sont essentiellement liées à la combustion d’énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) pour produire de l’électricité ou comme carburant pour nos moyens de transport. « Le transport dépend encore très largement des hydrocarbures tandis que de nombreux pays ont toujours recours au charbon pour produire leur électricité », indique Marc Jedliczka.
Et de nouveaux secteurs, gros émetteurs de CO2, émergent au niveau mondial. Marc Jedliczka et Pierre Cannet citent tous deux l’aérien civil. « Prendre place dans un avion revient à s’asseoir seul dans une voiture quatre places, sauf que les distances parcourues sont bien plus importantes, illustre le porte-parole de Négawatt. Et aujourd’hui, les déplacements en avion se sont banalisés. Un vrai casse-tête. »
La pollution numérique inquiète aussi les deux hommes. « Le numérique constitue une source de plus en plus importante d’émissions de C02 à travers la consommation de data, l’utilisation de logiciels, le stockage de données, des activités gourmandes en énergie », précise Pierre Cannet.
« Revoir certains de nos comportements »
Là encore, des innovations technologiques sont à l’œuvre pour tenter de réduire l’empreinte écologique de ces activités. Des start-up récupèrent notammentla chaleur émise par les datacenter pour chauffer des bâtiments alentour. Mais pour Marc Jedliczka, ces progrès technologiques ne suffiront pas à eux seuls. « Il faudra aussi revoir aussi certains de nos comportements », estime-t-il.
Pierre Cannet rappelle un cap que plusieurs ONG environnementales fixent pour les pays développés : « Celui de sortir des énergies fossiles d’ici 2050 ».