Une opération de communication pour enlever toute gloire aux trophées de chasse
ANIMAUX•Une association de protection des animaux sauvages lance la semaine prochaine une opération de communication pour combattre l’un des rituels de la chasse sportive : les trophées de chasse…Fabrice Pouliquen
La girafe est couchée sur le flanc, la tête posée à terre… Comme vaincue. Contre elle, deux hommes en tenue de chasseurs posent tout sourire. A première vue, l’affiche pourrait être celle d’une de ces agences de voyage qui organisent des parties de chasse en Afrique pour touristes fortunées.
Détourner des trophées de chasse
La scène est d’ailleurs inspirée d’une des nombreuses photos de « trophées de chasse » qui abondent sur la toile. Mais ce coup-ci, les armes ont été remplacées par des bâtons et, à la place des habituelles cornes, défenses, oreilles ou de queues, les deux hommes tiennent un bébé girafe dans leurs bras. Vient ensuite, en bas de l’affiche, le slogan en lettres blanches : choisie la vie.
La campagne de communication est signée de l’ONG Aspas (Association de protection des animaux sauvages] qui a bénéficié du travail bénévole de l’ agence de publicité Y & R. La girafe est l’un des trois visuels de cette campagne de communication que les Franciliens pourront voir dans cinq gares du métro parisien, du 18 au 20 avril. Elle sera aussi reprise par des titres de presse quotidienne régionale.
« On a jamais autant parlé de condition animale en France depuis les vidéos dénonçant la mise à mort des animaux dans les abattoirs, explique Madline Reynaud, directrice de l’Aspas, pour justifier cette campagne. L’opinion publique prend conscience que les animaux d’élevage sont doués de sensibilités. Nous aimerions qu’il en soit de même avec les animaux sauvages. »
« Rien de glorieux »
Avec ces mises en scène, l’Aspas s’attaque à l’un des symboles forts de la chasse sportive. « Il n’y a rien de glorieux d’abattre au fusil un animal », insiste Madline Reynaud. « Bien souvent, le chasseur veut garder deux souvenirs de la traque de son animal, rappelle Charlotte Nithart, de l’association de défense des animaux, Robin des bois. La photo sur place, avec l’animal tué à ses pieds pour montrer qu’il a dominé la bête et le trophée [la peau ou la tête par exemple] qu’il rapporte pour accrocher à son mur ou en faire un tapis. »
Ramener son trophée à la maison est de plus en plus difficile pour les chasseurs européens ou américains. En cela, la mort du lion Cecil n’a pas été vaine. Ce mâle dominant, tué en juillet 2015 dans le parc national de Hwange au Zimbabwe par le dentiste américain Walter Palmer, avait indigné le Web et poussé plusieurs pays, dont la France en novembre de la même année, à interdire l’importation de trophées de lions sur leur territoire. « Un début, poursuit Charlotte Nithart qui aimerait désormais que la règlementation se généralise à d’autres pays et à d’autres espèces. « L’exemple, ce sont les Pays-Bas, précise-t-elle. Le pays interdit depuis avril 2016 l’importation des trophées de lions, d’éléphants, de rhinocéros, d’hippopotames, d’ours polaires… »
Contrer l’influence de célébrités…
Si les rapatriements de trophées sont de plus en plus contraints, il est en revanche plus difficile d’interdire les photos prises sur place, avec le cadavre encore chaud de l’animal. Madline Reynaud craint l’impact que ces clichés peuvent avoir, surtout lorsqu’elles sont prises et diffusées par des célébrités pouvant être pris pour modèle. La pomp-pom girl Kendall Jones, la présentatrice TV Melissa Bacham, les fils de Donald Trump, les sportifs Luc Alphand et Pascal Olmeta se sont adonnés à ces mises en scène.
Le footballeur Maradonna a rallongé la liste fin 2016, en posant fièrement avec un Oryx d’Arabie, un animal proche de l’antilope, en voie d’extinction, qu’il venait de tuer.
Des rentrées d’argent pour la préservation des espèces ?
Philippe Girardet et Jérôme Latrive, deux organisateurs français de voyages de chasse, notamment en Afrique, invitent toutefois à ne pas noircir le tableau. Le premier précise que ces séjours « respectent les quotas très restrictifs établis par chaque pays africain. On ne prélève qu’un très faible pourcentage de la population de l’espèce sur place. »
Jérôme Latrive reprend aussi les mêmes arguments avancés par les adeptes de la chasse sportive à la mort du lion Cecil. « Nous sommes une source de revenus non négligeable pour les économies locales », avance-t-il. Son agence envoie 40 à 50 chasseurs par an en Afrique et le coût moyen d’un séjour en Tanzanie avoisine les 20.000 euros. « Une partie est réinjectée dans la conservation de ses espèces et la lutte contre le braconnage », poursuit-il.
« Opter plutôt pour le tourisme de vision ? »
Mais Jérôme Latrive concède qu’il n’a pas les moyens de vérifier l’utilisation précise que l’Etat africain fait de ces sommes. C’est là où le bat blesse, pour Charlotte Nithart. « Les revenus de ces chasses réellement reversés aux populations locales sont minimes. Le reste part dans les caisses de firmes privées et ou de gouvernement… »
La porte-parole de Robin des bois voit bien plus alors le tourisme « de vision », qui « photographie les animaux plutôt qu’il ne les tue », comme une solution d’avenir. « Ce tourisme se développe et constitue aussi des rentrées d’argent non négligeables pour les économies locales, estime-t-elle. Le Kenya est dans cette voie-là. » «