VIDEO. Rhinocéros abattu au zoo de Thoiry: «La grande crainte, c’est que Vince ne soit que le premier d’une série»
BRACONNAGE•Stéphane Ringuet, responsable du programme « Commerce des espèces sauvage » à WWF revient, pour 20 Minutes, sur les questions que posent la mise à mort de Vince, le rhinocéros blanc, au zoo de Thoiry...Fabrice Pouliquen
«Une première en Europe » et la preuve de tout ce que les braconniers sont prêts à faire pour avoir rien qu’un peu de corne de rhinocéros. La mise à mort de Vince, le rhinocéros de 4 ans du zoo de Thoiry dans la nuit de lundi à mardi, pose beaucoup de questions alors que l’enquête commence tout juste. Stéphane Ringuet, responsable du programme « Commerce des espèces sauvage » au sein de l’ONG WWF espère que ce ne soit pas le début d’une série et fait le point, pour 20 Minutes, sur la situation des rhinocéros en 2017.
Est-ce finalement si surprenant ce qui s’est produit au zoo de Thoiry dans la nuit de lundi à mardi ?
J’ai été très choqué en apprenant les faits. Nous avons l’habitude de faire face à ces actes criminels dans les pays de répartition naturelle des rhinocéros. En Afrique du sud [qui abrite 80 % de la population mondiale de rhinocéros], trois rhinocéros disparaissent chaque jour du fait du braconnage. Mais en Europe, dans un parc zoologique sécurisé, c’est une première. Au début des années 2010, une série de vols de cornes de rhinocéros avait été commise en Allemagne, en Italie, mais aussi en France. Mais il s’agissait de cornes volées dans des musées. A Thoiry, les braconniers ont franchi une étape supplémentaire en s’attaquant à un animal vivant. Ma crainte aujourd’hui est que cette attaque soit le début d’une série.
>> Lire aussi : Les espèces animales les plus menacées par le braconnage, en images
Pourquoi les cornes de rhinocéros sont-elles si prisées ?
Contrairement aux défenses d’éléphants, il n’y a pas d’ivoire dans la corne de rhinocéros. Elle est composée de la même matière qui compose nos cheveux ou nos ongles et n’a en soi aucune valeur. Mais en Chine et au Vietnam, on prête à ces cornes des vertus médicinales sans qu’il y ait bien sûr un fondement scientifique derrière. Elles soigneraient les vertiges ou des problèmes respiratoires, selon les croyances les plus anciennes. D’autres, plus récentes, se sont greffées : les cornes soigneraient ainsi aussi des cancers ou contribueraient à rajeunir le corps… La corne de rhinocéros est alors vue comme un cadeau de haute valeur dans ces pays.
En Afrique du sud, on est passé de 13 rhinocéros tués en 2007 à plus d’un millier chaque année depuis*… Pourquoi une explosion si subite ?
C’est sans doute la conjonction de plusieurs facteurs. En Afrique du sud, des réseaux mafieux, associant des Vietnamiens se sont formés dans ces années-là et se sont mis à organiser des sortes de chasse aux cornes de rhinocéros. Au Vietnam et en Chine, la demande s’est aussi tout simplement accrue. Le pouvoir d’achat a augmenté dans ces deux pays, ce qui fait qu’une part croissante de la population peut aujourd’hui acquérir de la corne de rhinocéros. Et tout ça se fait dans une grande méconnaissance. Vous prenez n’importe qui dans la rue au Vietnam ou en Chine, je ne suis pas sûr qu’il sache la situation précaire aujourd’hui des rhinocéros. C’est la difficulté de l’exercice : il faut parvenir à changer les comportements.
L’enjeu doit être porté là aujourd’hui : réduire la demande de cornes de rhinocéros ?
L’approche doit être plus globale. Le trafic a explosé parce que plusieurs conditions sont réunies. Les braconniers savent déjà qu’il y a une forte récompense au bout**… Les braconniers n’ont pas toujours non plus beaucoup d’efforts à faire pour obtenir ces cornes. Enfin, le commerce des cornes de rhinocéros est aujourd’hui interdit, même en Chine et au Vietnam, mais les risques judiciaires encourus par les braconniers restent souvent assez faibles. Nous devons agir sur tous ces leviers aujourd’hui : une meilleure protection des rhinocéros, une meilleure connaissance des réseaux de trafiquants, un arsenal judiciaire plus dissuasif, une plus forte sensibilisation des consommateurs.
Depuis 2014, le nombre de rhinocéros tués chaque année est en diminution en Afrique du Sud. Diriez-vous que la situation s’améliore ?
Non. S’il y a une baisse en effet, elle est minime. Le chiffre reste supérieur à 1.000 rhinocéros tués chaque année. Et on ne parle que de l’Afrique du Sud. Ailleurs en Afrique, des rhinocéros sont aussi victimes de braconniers. En Namibie ou au Kenya par exemple. Et puis donc aujourd’hui, les braconniers n’hésitent plus à opérer directement dans les zoos européens. Ma grande crainte, encore une fois, c’est que ce qui vient de se passer au zoo de Thoiry soit le début d’une série.
*En 2016, 1.054 rhinocéros ont été abattus en Afrique du Sud. Le pic a été atteint en 2014 avec 1.214 individus tués.
** Le chiffre de 50.000 euros le kilo a souvent été avancé ces derniers jours. « Le tarif varie en fait du simple au double suivant la qualité de la corne, le pays de provenance, l’acheteur… », précise Stéphane Ringuet.