Un million de fleurs, 35.000 arbres: Les petites mains vertes de Disneyland Paris plantent le décor
REPORTAGE•Les 120 jardiniers du parc d’attraction font un travail de fourmi pour que chaque détail végétal soit parfait…Audrey Chauvet
A l’heure où la Belle au bois dormant ronfle encore, des dizaines de petites mains s’activent au pied de son château : ils taillent les haies et les arbustes, remplacent le gazon abimé, changent les fleurs. Entre 5h30 et 9h du matin, les quelques 120 jardiniers du parc Disneyland Paris doivent s’assurer que le décor est parfait pour les prochains visiteurs. « Il y a toujours quelque chose à faire, même en plein hiver », explique Pierrick Paillard, manager horticulture à Disneyland Paris.
Et pour cause : le parc compte 300 hectares d’espaces verts (soit 430 terrains de foot), 6.000 km de tuyaux d’irrigation, 35.000 arbres, plusieurs centaines de milliers d’arbustes, et on y plante un million de fleurs par an.
A Disneyland, « le végétal raconte une histoire », poursuit Pierrick Paillard. Le thème de chaque partie du parc doit se refléter dans la végétation, comme le voulait Bill Evans, le jardinier personnel de Walt Disney : « Nous sommes des jardiniers du spectacle », sourit Luc Béhar-Bannelier, directeur du service Nature et environnement.
Planter le décor
Pour que la magie opère, chaque détail a été mûrement réfléchi. Par exemple, 300 à 500 arbres devenus trop haut sont changés chaque année pour « ne pas masquer l’architecture, les attractions, les panneaux… », énumère Pierrick Paillard. Les retraités sont transplantés autour des hôtels ou broyés pour fabriquer du paillage, tandis que ceux qui les remplacent arrivent au parc à la taille voulue, en provenance de producteurs allemands ou européens.
Les fleurs sont également livrées déjà fleuries par des pépinières françaises ou hollandaises : « Nous recevons et replantons entre 250.000 et 350.000 plantes chaque semaine », indique Luc Béhar-Bannelier.
Dans la jungle d’Adventureland, les 20.000 bambous ont aussi intérêt à bien se tenir : cette partie du parc, censée représenter l’Afrique du Roi Lion, les Caraïbes des Pirates, l’oasis d’Aladdin et l’Inde d’Indiana Jones, est la plus touffue et la plus difficile à entretenir : « Nous devons recréer une jungle tropicale en pleine Seine-et-Marne, où les températures sont déjà descendues à -17°C. Nous avons donc sélectionné des espèces comme le palmier de Chine qui résistent à de basses températures, et nous sommes aidés par les buttes qui entourent le parc et le protègent des vents froids. Nous avons aussi apporté de la terre comportant des billes d’argile pour que l’eau passe au travers et ne reste pas en contact avec les racines des plantes en hiver », détaille Pierrick Paillard.
Un désordre bien pensé
Du côté de Frontierland, où le visiteur doit se sentir plongé dans la ruée vers l’or, on taille « sévèrement » les arbres pour « donner l’impression que la végétation a du mal à pousser ». Seules les aubépines ont droit à un traitement de faveur : elles étaient là avant le parc, plantées au beau milieu d’un champ de betteraves, et sont aujourd’hui les centenaires chouchoutes des jardiniers.
Autre petit intrus : un figuier, qui a poussé spontanément dans le jardin du Manoir fantôme. « Nous l’avons gardé car ce lieu doit donner l’impression d’un jardin à l’abandon », explique Pierrick Paillard. Au pied du château hanté, les noisetiers tortueux, les branches cassées, et les arbres morts forment ainsi un désordre bien pensé pour inquiéter le visiteur.
Vers le « zéro phytos »
Ce « jardinage de spectacle » n’oublie pas que la nature a des droits : les lapins et les canards qui entrent par effraction dans le parc sont tolérés, jusqu’à un certain nombre. Au-delà, ils représentent une capacité de nuisance trop importante pour la végétation et doivent être capturés pour retourner vivre leur vie en plein champs. « Inversement, sur le golf nous attirons les mésanges avec des nichoirs pour lutter contre les chenilles processionnaires qui attaquent les pins », indique Pierrick Paillard.
« Depuis 5 ans, nous avons réduit notre utilisation de produits chimiques de 80%, chiffre Luc Béhar-Bannelier. Nous utilisons des pièges à phéromones pour lutter contre la mineuse du marronnier [un papillon nuisible], des coccinelles pour les pucerons et du paillage contre les mauvaises herbes, entre autres. » Un atlas de la biodiversité, répertoriant toutes les espèces présentes sur le site, permet de voir l’impact de l’abandon des pesticides sur les insectes. Cinquante ruches ont été installées et des dizaines de moutons embauchés pour tondre les zones difficiles d’accès.
« La seule attraction du parc sans file d’attente ! »
Comme dans tout spectacle réussi, le spectateur ne voit pas le travail de fourmi qui se cache derrière la scène. Les visiteurs du parc s’extasient donc plutôt sur la cinquantaine de topiaires qui orne le parc : pour le printemps, Simba côtoie Bambi devant le château. La thématique est aux bébés animaux mais les plantes utilisées dans les topiaires sont bien plus vieilles qu’on ne le croit : il faut sept ans pour qu’un arbuste pousse dans une structure métallique et prenne la forme désirée.
D’ici quelques jours, les fleurs d’été seront installées pour durer jusqu’en septembre : il faudra 3 à 5 semaines de travail de nuit pour tout remplacer. Mais le jeu en vaut la chandelle : « L’horticulture est la seule attraction du parc sans file d’attente ! », sourit le responsable du service Nature et environnement.
Des « hortitours » permettant de découvrir la végétation du parc avec un guide sont proposés du lundi au vendredi, de 9h30 à 11h, au parc Disneyland Paris. Sur réservation (8€ en plus du billet d’entrée) : [email protected]