PESTICIDESPourquoi l’Europe ne veut pas couper l’herbe sous le pied du Roundup?

Pourquoi le Roundup reste bien enraciné en Europe?

PESTICIDESLa Commission européenne est favorable au renouvellement de l’autorisation de vente du Roundup….
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Entre l’Europe et le Roundup, c’est une histoire qui dure. Le glyphosate, la molécule désherbante contenue dans les bouteilles vertes bien connues des jardiniers, est autorisé à la vente dans l’Union européenne. Cette autorisation devait être renouvelée pour quinze ans à l’issue d’une réunion ce lundi et mardi du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale. Mais ce pourrait être plus compliqué que prévu: la Commission a reporté ce mardi le vote sur le renouvellement de l'autorisation, qui devrait être reprogrammé en mai.

Pourquoi le Roundup pose problème ?

Parce que les avis sur sa dangerosité pour la santé humaine divergent. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) estime « improbable » que le glyphosate soit cancérogène, d’après un avis rendu le 12 novembre dernier. Mais le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a classé « cancérogène probable pour l’homme » en mars 2015.

Si les deux institutions n’ont pas le même avis, c’est parce que leurs conclusions ne sont pas basées sur les mêmes données : l’Efsa a travaillé à partir des études confidentielles réalisées par les industriels, fabricants des désherbants, tandis que le Circ a compilé un millier d’études scientifiques sur les méfaits du glyphosate.

Pourquoi de telles différences méthodologiques ?

Le système européen d’évaluation des risques sanitaires est depuis longtemps décrié par les ONG. « L’Efsa ne veut pas communiquer les études sur lesquelles ils se fondent, s’il y a une telle opacité c’est qu’ils ont quelque chose à cacher », estime Ingrid Kragl, de l’ONG Foodwatch qui a lancé une pétition en ligne pour demander l’interdiction du Roundup.

Les demandes d’autorisation sont en fait présentées à l’Efsa par les fabricants : ceux qui veulent introduire un produit sur le marché font eux-mêmes la démarche auprès de l’agence européenne par le biais d’un Etat membre rapporteur. Cet Etat membre est chargé de réaliser un premier rapport d’évaluation des risques.

Pour le glyphosate, la demande de renouvellement d’autorisation a été déposée par l’Allemagne et c’est l’agence de sécurité sanitaire allemande, le BFR, qui a rendu un avis favorable au renouvellement en 2014. Des ONG allemandes ont contesté la légitimité de cette étude car des salariés de deux grosses entreprises de chimie, Bayer et BASF, siègent au BFR. Des conflits d’intérêts qui s’ajoutent au fait que le BFR n’aurait pris en compte que les études réalisées par les industriels eux-mêmes.

Quels pays d’Europe s’opposent au Roundup ?

La France a déjà pris des mesures contre ce désherbant en interdisant la vente libre aux particuliers dans les jardineries. Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, a répété au Monde que la France s’opposerait au renouvellement de l’autorisation européenne. La Suède et les Pays-Bas sont sur la même ligne. « Tant que l’innocuité du produit n’est pas fondée, ces pays privilégient l’application du principe de précaution », estime Ingrid Kragl.