Et si on partait élever des chèvres dans le Larzac ?

Reconversion: Et si on partait élever des chèvres dans le Larzac ?

SALON DE L'AGRICULTURECitadins stressés, parisiens débordés, bonne nouvelle : le bonheur est dans le pré…
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Qui n’en a pas rêvé en rentrant chez soi après une journée épuisante dans un métro bondé ? D’après un sondage CSA réalisé en juin 2015, 45 % des habitants de l’agglomération parisienne et 48 % des habitants des grandes métropoles françaises préféreraient vivre à la campagne. Le rêve baba cool de vivre de fromage de chèvre et d’eau fraîche n’a pas pris une ride. Mais la réalité est-elle aussi belle qu’on l’imagine ?

La chèvre est un animal câlin.
La chèvre est un animal câlin. - A.Chauvet/20minutes

Les chèvres, des animaux attachants

Les chèvres sont des animaux « sympathiques, familiers, qui se laissent caresser », reconnaît Lionel Escoffier, éleveur de moutons mérinos qui a officié pendant dix ans comme technicien caprin (caprins = chèvres pour les débutants). Mais attention, avoir des chèvres, ce n’est pas exactement comme adopter un chien. « Elever des chèvres, ça ne s’improvise pas ! », s’exclame l’éleveur. « Même si les chèvres, on les met sur la colline et elles se débrouillent pour manger, il faut savoir gérer la pâture, les mises bas, les normes sanitaires… »

Pas de secret, il faut passer par une formation* : « Soit dans un lycée agricole, soit en trouvant un éleveur qui vous apprend le métier », explique Lionel Escoffier. Il faut compter au moins six mois, le plus souvent un an, pour être au point. Emma Bonnet, fabricante de fromages de chèvre à Saint-Hilaire-la-Palud (Deux-Sèvres), a plaqué son job d’assistante dans une entreprise de pièces détachées pour l’aéronautique pour, à l’âge de 30 ans, reprendre l’exploitation familiale. Elle a dû passer par un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole car « la chèvre demande beaucoup de technicité », explique-t-elle : « Il faut bien connaître la physiologie de l’animal, son alimentation, ses conditions d’élevage… »

100 euros la chèvre

Par exemple, on n’élèvera pas de la même façon des chèvres de différentes races et selon l’endroit où l’on s’installe. « La race la plus passe-partout est la chèvre alpine chamoisée, recommande Lionel Escoffier. Il faut s’adresser à des éleveurs sélectionneurs. » Bonne nouvelle, une chèvre ça ne coûte pas très cher : 100 à 150 euros. Mais pour pouvoir faire du fromage en quantité suffisante pour en vivre, il en faut combien ? « Avec 50 chèvres, on peut s’installer sur 20 hectares avec du foin et c’est bon », adjuge Emma Bonnet. « Si on achète des chèvres pleines [enceintes], on peut arriver en vitesse de croisière économiquement au bout d’un an, un an et demi », estime pour sa part Lionel Escoffier. Le temps d’amortir les investissements, notamment pour la fromagerie qui à elle seule peut coûter jusqu’à 50.000 euros, chiffre l’éleveur.

Pour se lancer dans sa propre exploitation agricole, il ne suffit donc pas de se sentir l’âme campagnarde : il faut aussi être capable de faire un business plan à présenter aux banques, aux organismes de vente de terrains agricoles, aux chambres d’agriculture… « Beaucoup de gens ne se rendent pas forcément compte du travail administratif qu’il faut fournir », rappelle Samuel Vandaele, secrétaire général adjoint du syndicat des Jeunes Agriculteurs. « Il est conseillé de faire une étude prévisionnelle sur cinq ans pour assurer la viabilité de l’entreprise. » Mais une fois installé, « on peut s’en sortir », assure le représentant du syndicat. « La crise, on espère qu’elle va passer, et dans dix ans, 50 % des agriculteurs actuels seront à la retraite », assure-t-il, en conseillant néanmoins de « repenser la profession, notamment avec les circuits courts ».

Pas de risque de s’ennuyer

La vente à la ferme semble être un meilleur pari d’avenir que l’industriel. « La filière fromage fermier pour la chèvre se porte bien », confirme Lionel Escoffier. « Nous voyons beaucoup de gens dans le sud de la France retourner à la terre et réussir à s’installer durablement. » Ceux-là n’ont pas hésité à relever leurs manches et à faire de petites nuits : « Il ne faut pas rêver de travailler quatre ou cinq heures par jour et ensuite de profiter de l’environnement et de ses enfants, rappelle Emma Bonnet. On est presque tout le temps dans le travail : je commence à 6 h 30 ou 7 h et quand je fais des journées de dix à douze heures, je suis contente. »

Pour les vacances, « il faut s’organiser : on peut partir en janvier-février, en dehors de la période de lactation, si on trouve quelqu’un qui vient nourrir les chèvres », précise Lionel Escoffier. L’avantage ? « Moi qui avais peur de m’ennuyer pendant toute ma carrière professionnelle, j’ai trouvé le bon métier : je ne suis pas près de m’ennuyer ! », sourit Emma Bonnet, qui ne regrette absolument pas d’avoir troqué la machine à café contre les chabichous.

*Comment se former ?

Pour ceux que la perspective de retourner sur les bancs de l’école n’effraie pas, des dispositifs comme le congé individuel de formation (Cif) peuvent permettre une reconversion, mais attention : « Les dossiers doivent présenter des éléments de faisabilité : y a-t-il de l’emploi dans le secteur où l’on va ? Est-ce qu’on a rencontré des gens du métier pour s’en faire une idée précise ? », conseille-t-on au Fafsea, l’organisme de financement de la formation professionnelle des salariés de l’agriculture. Pour les demandeurs d’emploi, l’Adema peut être une bonne solution : on dispose de trois semaines de stage et de quelques jours en centre de formation pour confirmer que l’on a bien envie de partir travailler à la ferme.