La vie secrète de nos poubelles: De la collecte à la valorisation des déchets
DECHETS•Pendant toute la durée de la COP21, « 20 Minutes » vous propose de découvrir des solutions concrètes pour diminuer les émissions de CO2 et s’adapter aux changements climatiques…Audrey Chauvet
Quatre heures du matin, en forêt de Montmorency. Il fait encore nuit noire mais des lumières s’allument au centre de traitement des déchets de Val’Horizon, géré par Suez, à Montlignon (Val d’Oise). Les premiers agents de maîtrise arrivent pour préparer les tournées du jour. Peu à peu, les chauffeurs montent dans les camions-bennes, embarquent leurs deux « rippeurs », le nouveau nom des éboueurs, et dès 4h45, ils prennent le départ pour la tournée matinale.
Au centre Val'Horizon, on prépare les tournées. (A.Chauvet/20Minutes)
Pendant ce temps-là, votre poubelle dort tranquillement sur le trottoir. Vos poubelles, plutôt : celle des ordures ménagères, qui contient tout ce qui ne se recycle pas, celle de tri dans laquelle on ne met que les emballages (papiers, cartons, plastiques recyclables) et celle de verre. Cette dernière, trop bruyante, devra attendre que toute la ville soit bien réveillée pour être ramassée : les camions chargés de la collecte de verre ne partent qu’à partir de 6h pour éviter un réveil en fanfare au son des bouteilles qui se heurtent.
Les poubelles attendent la collecte dans les rues de Franconville. (A.Chauvet/20Minutes)
A Val’Horizon, on organise six collectes différentes : les ordures ménagères, les emballages, les déchets végétaux, les encombrants, les verres et parfois les papiers et cartons pour les industriels. Au quotidien, le centre traite les déchets de quelque 400.000 habitants sur une bonne partie du Val d’Oise, chiffre Patrick Bevan, responsable d’exploitation de l’activité collecte. Les collectes ont lieu six jours sur sept, et leur fréquence peut être augmentée dans les périodes de pointe : « A Noël, on collecte presque 200 tonnes de déchets supplémentaires en l’espace de deux semaines », explique le responsable. Il faut alors prévoir plus de tournées de ramassage sous peine de voir les trottoirs se transformer en triste dépotoir des agapes familiales.
Suivez ce camion !
A Franconville, les rues sont étroites, en pente, et le chauffeur doit faire de savantes manœuvres pour assurer sa tournée. Ca ne lui fait pas peur : 26 ans d’expérience et l’impression « de faire quelque chose pour la planète », il se dit satisfait. Pour les deux rippeurs chargés de ramasser les poubelles de tri, celles qui ici ont un couvercle jaune, il faut aussi être très attentif. Pas question de mélanger des ordures qui n’ont rien à faire dans la chaîne de tri avec le reste : « Le tri a un coût pour la collectivité alors pour que les gens le fassent correctement, on sanctionne les erreurs pour les sensibiliser », explique Patrick Bevan. « Le taux de recyclage des déchets ménagers est de 67% en France alors que la réglementation européenne fixe un objectif de 75%, chiffre Philippe Maillard, directeur général des activités de recyclage et valorisation de Suez en France. Plus on collecte des flux bien identifiés, mieux on peut les recycler. »
La collecte des déchets recyclables à Franconville. (A.Chauvet/20Minutes)
La sanction vient juste de tomber pour cette poubelle jaune : un sac en plastique fermé contenant des bouteilles et c’est le scotch de punition qui est apposé sur le couvercle. Surtout, la poubelle revient, toujours pleine, devant la porte de ses propriétaires. « La principale cause de rejet de tri est la barquette de viande en polystyrène, illustre Patrick Bevan. Ici, pour le moment, nous ne pouvons pas les recycler, donc on ne doit pas les mettre dans le bac de tri. Ensuite, ce sont les sacs fermés : nos agents de tri n’ont pas à ouvrir les sacs, il faut que les usagers les vident dans le bac. »
Les poubelles mal triées sont scotchées.(A.Chauvet/20Minutes)
Et laissées pleines sur le trottoir. (A.Chauvet/20Minutes)
Mais quand la barquette ou le sac fermé sont bien cachés au fond du bac ? Ils sont alors triés sur la chaîne au retour au centre. A Val’Horizon, environ 18% des déchets arrivant au tri ne peuvent pas être recyclés. Ils partent alors rejoindre les ordures ménagères, empilées à deux pas, et finissent à l’incinération. « Notre objectif est de parvenir à 10 ou 12% de rejet grâce aux actions de communication », projette Patrick Bevan. Mais ne brûlons pas les étapes. Notre poubelle jaune (bien remplie) a été vidée de son contenu dans la benne. Quand le camion a fini sa tournée, nos emballages de biscuits, nos bouteilles de lait et nos packs de jus de fruit ont 5 tonnes de petits copains autour d’eux. Il est midi, le moment de retourner au centre. Les rippeurs rentrent chez eux, le chauffeur ramène le camion. Leur journée touche à sa fin.
Retour au centre de tri. (A.Chauvet/20Minutes)
La grande chaîne du tri
De retour à Val’Horizon, chaque camion passe sur la balance : on le pèse et on émet un reçu spécifiant l’heure, le poids, le type de déchets… Les ordures ménagères sont transférées en direct vers l’incinérateur d’Argenteuil ou bien stockées quelques jours sur le site pour éviter d’engorger le site d’incinération et optimiser les allées et venues entre les deux centres. Les corbeaux de la forêt de Montmorency sont très satisfaits de ce stockage en plein air, les narines sensibles beaucoup moins. Pour nos emballages, le temps est venu de descendre du camion. Et c’est violent. Jugez par vous-mêmes.
Une fois compactés, les déchets à trier entament leur grande traversée du centre de tri : dispatchés par un tapis roulant, ils vont passer au premier filtre du « pré-tri » où quatre personnes enlèveront les grands cartons, de plus en plus nombreux en raison des achats sur Internet envoyés dans des colis surdimensionnés, et tous les refus (du style bouteilles non recyclables ou sacs fermés) pour les envoyer vers le tas d’ordures ménagères. Ensuite, ils passeront par un tri plus fin : les agents postés devant les tapis roulants vont séparer les cartons, les bouteilles en PET (type bouteilles d’eau), les bouteilles en PEHD (type bouteille de lait), les canettes, les magazines et journaux, les packs et briques de lait ou de jus de fruit… « Nous avons 16 trieurs qui sont présents au centre, chiffre Samba Samassa, responsable du tri. La chaîne fonctionne de 6h à 14h. »
Chaîne de tri des papiers. (A.Chauvet/20Minutes)
A la sortie de la chaîne, les déchets sont compactés sous la presse pour être stockés. Dehors, ces sculptures dignes de César attendent que d’autres camions les emmènent vers les centres de recyclage : papetiers et spécialistes des plastiques réutiliseront les déchets pour en faire de nouvelles matières premières. De leur côté, les ordures ménagères incinérées seront valorisées en énergie, chauffage urbain ou électricité. « Le gros enjeu actuellement est sur les plastiques, explique Philippe Maillard. 23 à 27% des plastiques sont recyclés mais on estime qu’on pourrait doubler ce chiffre moyennant des investissements dans les filières qui peuvent revaloriser ces matières. »
Le PET coloré est stocké pour être recyclé. (A.Chauvet/20Minutes)
Il commence à faire sombre, la journée n’est pas terminée à Val’Horizon. A partir de 16h30, de nouveaux camions partent pour les collectes du soir, dans les communes qui préfèrent éviter de laisser les poubelles sur le trottoir toute la journée et de gêner leurs habitants le matin, lorsqu’ils partent au travail. Alors, jusqu’à 1h du matin, des camions reviennent à Val’Horizon et reprennent le ballet de la pesée, du vidage, du tri… « Chaque année, nous collectons environ 12.000 tonnes d’emballages, 6.000 tonnes de verre et 73.000 tonnes d’ordures ménagères », précise Patrick Bevan.
Le PEHD, essentiellement des bouteilles de lait, sera recyclé. (A.Chauvet/20Minutes)
Ce dernier chiffre est en baisse, grâce à une meilleure application des consignes de tri et le développement de filières spécifiques de récupération, pour le textile ou les appareils électroménagers par exemple. Mais cela représente toujours plus de 180 kilos de déchets non recyclables par personne et par an dans l’agglomération. « L’objectif de la loi sur la transition énergétique est de réduire de 50% d’ici à 2025 les déchets enfouis, précise Philippe Maillard. Cela passe par le fait de générer de moins en moins de déchets mais aussi une amélioration de la valorisation, qu’elle soit sous forme de matière première par le recyclage, sous forme organique avec la méthanisation ou énergétique avec l’incinération. »
Les canettes aussi sont recyclées. (A.Chauvet/20Minutes)