Le combat pour sauver les tortues et les dauphins menacés du fleuve Indus

Le combat pour sauver les tortues et les dauphins menacés du fleuve Indus

Au Pakistan, la légende veut que le dauphin était jadis une ...
© 2014 AFP

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Au Pakistan, la légende veut que le dauphin était jadis une femme, jetée à l'eau par un saint furieux. Mais depuis un siècle, cette «femme» a subi un autre mauvais sort: le développement de barrages sur l'Indus qui a réduit la population de ce rare mammifère d'eau douce.

Le spectacle de dauphins sortant la tête de l'eau attire les curieux à la hauteur du barrage de Sukkur, construit jadis par l'empire britannique à 470 km au nord de la métropole Karachi, sur le fleuve Indus qui traverse le Pakistan de l'Himalaya à la Mer d'Arabie.

Après la saison des pluies, les dauphins se replient. Et comme les oiseaux, ils se cachent pour mourir.

La construction, à partir de la fin du 19e siècle, d'une vingtaine de barrages sur l'Indus, afin d'irriguer les plaines agricoles du centre du pays, a «fragmenté» l'habitat du dauphin de l'Indus en 17 sections, selon une étude récente dirigée par le professeur Gill Braulik de l'université de St-Andrews, en Écosse.

Or de ces 17 zones, le dauphin n'en habite à présent que six, ayant disparu de 10 autres, alors que son statut dans une de ces mini-rivières prisonnières entre deux barrages demeure incertain, note-t-il dans une étude publiée avec des chercheurs pakistanais dans la revue scientifique Plos One.

Résultat, lors de la saison sèche, au moment où la crue baisse, l'habitat du dauphin fond comme neige au soleil, sans possibilité pour lui de regagner des zones plus prospères du fleuve, ce qui explique sa disparition dans ces 10 sections et son combat pour la survie ailleurs au pays.

Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le dauphin de l'Indus figure sur la liste rouge des espèces menacées, avec 1.400 spécimens encore en vie, la moitié par rapport aux années 40.

Pour contrer ce déclin, le Fonds mondial pour la nature (WWF), une ONG dédiée à la protection de l'environnement, a mis en réseau les pêcheurs du fleuve afin de s'assurer que les mammifères prisonniers de leurs filets soient remis à l'eau, et que ces cas soient communiqués aux écologistes.

«Les filets à petits mailles sont la plus grande menace car ils emprisonnent sous l'eau les dauphins qui ont besoin de remonter à la surface toutes les une à deux minutes pour respirer», explique à l'AFP Muhammad Imran Malik, membre de la brigade de protection des dauphins à la WWF-Pakistan.

Le pêcheur Gajan Khan Malah se souvient d'avoir vu il y a quelques années, un dauphin de l'Indus retenu dans des eaux peu profondes. «Nous avions contacté le WWF et ils étaient arrivés sur le champ pour le sauver», dit-il. Et avec la multiplication de projets de barrages sur l'Indus, c'est l'avenir de cette espèce rare qui s'assombrit encore.

«C'est une espère fascinante, magnifique. Si nous ne la protégeons pas, ce sera une perte pour les générations à venir», remarque Khaddim Hussain, autre pêcheur de Sukkur.

- La contrebande de tortues -

Autre menace dans l'Indus: les braconniers avides de tortues noires à taches jaunes, la «Geoclemys hamiltonii», une espèce vulnérable établie dans le sous-continent indien.

Deux cents de ces tortues ont été retrouvées en juin dans la province chinoise du Xinjiang, frontalière du nord-est pakistanais. Les douaniers chinois ont saisi les reptiles dans un camion lors d'une opération ayant mené à l'arrestation d'un contrebandier et de cinq acheteurs.

«Il y a un marché pour chaque espèce, et dans ce cas-ci il s'agit d'une tortue qui est vraiment unique avec sa couleur noire et ses taches blanches et jaunes, ce qui attire de nombreux collectionneurs», souligne Uzma Noureen, responsable du programme de protection de ces tortues à la branche locale de la WWF.

Des tortues noires sont gardées comme animal de compagnie, mais d'autres sont tuées et utilisées dans la médecine ancestrale asiatique, et peuvent se vendre jusqu'à 1.600 dollars.

«Il y a une hausse alarmante de cas de contrebandes de ces tortues noires, très prisées en Chine et en Thaïlande», déplore Ghulam Qadir Shah, chercheur à l'UICN. Après la saisie de juin, les services de la faune pakistanais se sont rendus en Chine afin de récupérer ces tortues pour les ramener à Sukkur, dans la province du Sind, et les remettre à l'eau dans leur habitat naturel.

«C'est comme si nous avions sauvé un bateau des mains de pirates», se félicite Javed Mahar, chef des services provinciaux de protection de la faune. Mais dans les dernières semaines, les douaniers pakistanais ont intercepté deux cargaisons, de centaines de tortues chacune, à l'aéroport de Karachi, preuve que les braconniers sévissent toujours.

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