Jussieu: nouveau revers judiciaire pour les victimes de l'amiante

Jussieu: nouveau revers judiciaire pour les victimes de l'amiante

La cour d'appel de Paris a infligé vendredi un nouveau revers aux victimes de l'amiante qui demandent un "grand procès" de ce scandale sanitaire, en annulant neuf mises en examen dans l'enquête sur la contamination du campus de Jussieu.
© 2014 AFP

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La cour d'appel de Paris a infligé vendredi un nouveau revers aux victimes de l'amiante qui demandent un «grand procès» de ce scandale sanitaire, en annulant neuf mises en examen dans l'enquête sur la contamination du campus de Jussieu.

Cette décision est intervenue une semaine après les annulations de plusieurs mises en examen, dont celle de Martine Aubry, dans un autre dossier emblématique, celui de l'usine de Condé-sur-Noireau (Calvados).

L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), mobilisée dans les dizaines d'enquêtes ouvertes sur ce drame, a d'emblée annoncé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de vendredi.

Jussieu est un des dossiers les plus symboliques de cette catastrophe sanitaire. C'est de ce campus en plein Paris qu'était partie en 1974 la première grande mobilisation sur les dangers de cette substance cancérogène, qui avait entraîné la première réglementation en 1977. Son interdiction, elle, n'est intervenue que 20 ans plus tard.

L'ancienne juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui avait en 2005 mis en examen pour «mise en danger d'autrui» les universités Paris VI «Pierre et Marie Curie» et Paris VII «Denis Diderot», de même que l'Institut de physique du Globe de Paris (IPGP) avait, comme dans le dossier de Condé-sur-Noireau, choisi de ne pas se cantonner à la seule problématique locale.

Elle avait ainsi élargi ses investigations à la recherche d'éventuelles responsabilités nationales, mettant en examen pour «homicides et blessures involontaires» plusieurs personnes, dont des hauts fonctionnaires, pour leur gestion du dossier de l'amiante ou leur implication présumée dans le Comité permanent amiante (CPA), lobby des industriels qui a efficacement défendu «l'usage contrôlé» de cette substance pour en retarder l'interdiction.

Ce sont ces dernières mises en examen qui ont été annulées vendredi par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. Parmi elles, celles de l'ancien directeur général de la Santé (1986-1997) Jean-François Girard ou du pneumologue Patrick Brochard.

- '3.000 décès par an' -

Une décision qu'elle a justifiée, selon une source proche du dossier, par des raisons de forme et de fond.

La cour d'appel a estimé que le lien de causalité entre les fautes reprochées aux mis en examen et les dommages subis par les victimes n'était pas certain, pointant un problème récurrent dans les affaires de l'amiante: l'impossibilité à dater précisément une contamination dans le cas de maladies qui se développent dix à quarante ans plus tard.

«Cette décision était prévisible de la part d'une chambre de l'instruction qui a rendu des décisions similaires dans plusieurs dossiers de l'amiante, comme Condé-sur-Noireau, Eternit ou Amisol, dans des arrêts qui ont ensuite été cassés», a commenté l'avocat de l'Andeva, Michel Ledoux, en annonçant un pourvoi en cassation.

Cent soixante cas de maladies professionnelles liées à l'amiante ont d'ores et déjà été reconnus parmi les personnels de Jussieu. Parmi eux, 40 ont été atteints selon l'Andeva d'un mésothéliome ou d'un cancer broncho-pulmonaire.

Malgré les mobilisations des années 1970 à Jussieu, il a fallu attendre 1997, année de l'interdiction en France de l'amiante, pour que soit lancé le désamiantage du campus, un chantier au coût astronomique.

Le 27 juin, la cour d'appel avait annulé huit mises en examen dans le dossier de Condé-sur-Noireau, dont celle de Mme Aubry, qui était poursuivie pour son rôle entre 1984 et 1987 au ministère du Travail, dont elle était la directrice des relations du travail (DRT). Une première décision d'annulation des mises en examen, prise en 2013, avait été annulée en cassation.

Jeudi, l'Andeva dénonçait «une volonté politique de limiter la recherche des responsabilités à celle des chefs d'entreprise» qui n'ont pas respecté la réglementation: «A qui peut-on faire croire que les 3.000 décès que cause l'amiante par an sont dus à la négligence de chefs d'entreprise?»

En 2005, un rapport sénatorial avait accablé l'Etat pour sa «gestion défaillante» du dossier de l'amiante. Jugé responsable par les autorités sanitaires de 10% à 20% des cancers du poumon, ce minéral pourrait provoquer 100.000 décès d'ici à 2025.

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