Bombes et obus enterrés, des déchets dangereux pistés par Robin des Bois
Bombes, obus, mines: les déchets de guerre découverts chaque ...© 2014 AFP
Bombes, obus, mines: les déchets de guerre découverts chaque année sur le sol français se comptent par milliers, constituant un danger dont le public n'est pas assez conscient et une source de pollution trop négligée, estime Robin des Bois dans un rapport publié lundi.
A quelques jours du 70e anniversaire du débarquement sur les côtes normandes, l'ONG veut mettre en lumière cet encombrant héritage: «les régions qui ont été des lieux de combat sont encore sinistrées par la guerre», affirme Jacky Bonnemains, président de l'association environnementale.
«Quelque 600.000 tonnes de bombes ont été larguées entre juin 1940 et mai 1945 sur la France et environ 15% n'ont pas explosé », rappelle-t-il.
D'où, dans les régions les plus touchées, un sous-sol parsemé de matières explosives et parfois des accidents: en 2009, près de Caen, un homme est mort en voulant désamorcer lui même dix petits obus. Cinq personnes ont également été blessées à des degrés divers depuis 2008 en manipulant des munitions de guerre soudain sorties de l'oubli.
Sur la base d'informations des préfectures et des articles de presse, Robin des Bois a établi pour les régions de la façade ouest de la France un «Inventaire des déchets de guerre» mis au jour entre 2008 et 2013: 14.000 munitions dangereuses ont ressurgi dans des champs, des chantiers, des jardins ou sur des plages et ont occasionné 556 interventions de démineurs.
Plus de la moitié (7.965) de ces vestiges de guerre ont été déterrés en Poitou-Charentes, à Thouars, lors de la dépollution pyrotechnique d'un ancien site militaire destiné à accueillir une centrale photovoltaïque.
Mais la plupart des interventions ont sans surprise eu lieu en Normandie (221 événements répertoriés) et en Bretagne (175). Avec 83 opérations, la région Pays-de-Loire n'est pas épargnée, ni l'Aquitaine (42) ou le Poitou-Charentes (35).
Les actions de déminage ont occasionné en six ans l’évacuation de 95.000 personnes de leurs domiciles, lieux de travail ou de loisir.
Parfois, des comportements très risqués ont suivi la découverte de ces objets potentiellement toujours explosifs.
- Des grenades à la déchetterie -
En 2012, un homme de 70 ans trouve un obus de 70 cm de long et de 20 cm de diamètre en nettoyant un terrain en Dordogne et le transporte jusqu'à la gendarmerie, située à 20 km. Les gendarmes préviennent les démineurs... mais demandent au septuagénaire de rapporter l'obus sur son terrain!
Le rapport contient de nombreux exemples tout aussi surprenants: un obus de 35 cm ramené à un camping par des touristes hollandais à Houlgate (Calvados), deux grenades laissées dans une benne de déchetterie à Martinvast (Manche), etc.
«L'information de la population est insuffisante et les comportements à risques se multiplient», estime Charlotte Nithart, directrice de Robin des Bois, en rappelant les consignes: «ne pas toucher, encore moins transporter, et prévenir les autorités».
Au delà du risque d'explosion, la présence de dizaines de milliers de tonnes de métaux mélangés à des substances toxiques représente un danger potentiel de pollution .«Il y a des risques de contamination des eaux souterraines, là où il y a une forte densité de bombes», dit Jacky Bonnemains.
Du fulminate de mercure ou de l'azoture de plomb sont présents dans les détonateurs. D'autres substances toxiques (phosphore, trinitrotoluène ou TNT, etc.) composent la matière explosive, prévient le responsable qui réclame davantage d'opérations de dépollution.
L'ONG considère que trois sites «posent des problèmes particulièrement graves de sécurité physique et environnementale», en raison de la concentration de plusieurs centaines de tonnes de vieilles munitions. Il s'agit d'un lac artificiel à l'Avrillé (Maine-et-Loire), dans l'agglomération d'Angers, et de deux sites terrestres dans les Deux-Sèvres (Borq-sur-Aivault et Pierrefitte).
Contrairement au nord et à l'est de la France, qui ont concentré les combats de 14-18, pour l'ouest, l'ONG a peu d'exemples de contamination des eaux par des déchets de guerre. Elle signale toutefois, à l'aval de Borcq-sur-Aivault, l'interdiction de l'irrigation de champs de melons en septembre 2013 suite à la détection d'arsenic.