Paraguay: de la décharge à Metallica, symphonie pour violons recyclés
•Les jeunes musiciens de l'Orchestre symphonique de Cateura, au Paraguay, jouent du Mozart avec des instruments confectionnés à partir de détritus extirpés d'une décharge et feront la première partie de Metallica, en tournée en Amérique du Sud.© 2014 AFP
Les jeunes musiciens de l'Orchestre symphonique de Cateura, au Paraguay, jouent du Mozart avec des instruments confectionnés à partir de détritus extirpés d'une décharge et feront la première partie de Metallica, en tournée en Amérique du Sud.
Depuis 2002, ils ont donné des concerts en Europe, en Amérique du Sud et aux Etats-Unis avec leurs violons, guitares, violoncelles et contrebasses de fortune, séduisant le groupe de heavy metal américain qui leur offre du 16 au 30 mars l'accès à des scènes prestigieuses, à Bogota, Sao Paulo, Buenos Aires.
Les 40 musiciens, tous natifs du faubourg miséreux de Cateura, qui abrite la principale décharge d'Asuncion, ont un répertoire classique allant de Mozart à Vivaldi, Beethoven avec des incursions chez les Beatles, Franck Sinatra ou Edith Piaf, et dans le patrimoine musical des pays hôtes.
Rien à voir avec les accords saturés des guitares de Metallica.
Depuis l'annonce de la tournée avec Metallica, les répétitions se sont intensifiées dans la petite école du bidonville de 25.000 habitants. Le chef d'orchestre Favio Chavez a sélectionné 22 musiciens.
Andrés Riveros, 17 ans, s'est pris d'affection pour son saxophone, fabriqué à base de tôle ondulée, de boîtes de maïs et de pièces de monnaie en guise de touches. «C'est la preuve qu'on peut s'en sortir malgré l'adversité», dit-il.
Ada Rios, 15 ans, joue d'un violon, confectionné avec un pot de peinture, une plaque d'aluminium de boulangerie, les cordes sont fixées à une fourchette sur un manche en bois prélevé sur une caisse.
- «S'en sortir» -
«Ma principale motivation, c'est d'apprendre avec ce groupe. Jamais je n'aurais pensé qu'on pourrait sortir de l'anonymat de cette manière», confie Ada, qui a hâte de précéder Metallica, à Bogota ce week-end.
«Quelle surprise pour nous ! On ne s'attendait pas à ce qu'un groupe de rock aussi célèbre nous sollicite pour être dans l'antichambre de ses concerts», concède Favio Chavez.
Pour Thomas Lecourt, 26 ans, l'initiative a pour vertu «d'éloigner les enfants et les jeunes de la délinquance et des drogues, elle leur apprend à avoir confiance en eux. Avec de l'application et du travail, les opportunités arrivent».
Les musiciens répètent au Vy'a Renda (paradis en langue guarani), une salle où 150 enfants du voisinage viennent prendre des cours.
Les enfants ont grandi sur les montagnes d'ordures de la décharge, dans un pays qui compte 40% de pauvres. Favio Chavez est arrivé comme assistant social, chargé de mener un projet axé sur le recyclage.
Avec l'aide de l'orchestre symphonique d'Asuncion, le guitariste amateur s'est mué en chef d'orchestre de l'ensemble.
C'est en se rendant avec des amis musiciens à Cautera que l’initiative a pris forme, à partir d'un constat. «Beaucoup d’enfants, n'avaient jamais vu un instrument de musique de près», raconte le chef d'orchestre.
«Depuis lors, avec l'aide de luthiers, ils fabriquent eux-mêmes des guitares, avec des conserves de pâte de coing, des violoncelles et saxophones faits avec des morceaux de bois et de restes de bidons d'huile», raconte Thomas Lecourt, un Français originaire de Strasbourg travaillant sur ce projet comme bénévole depuis deux ans.
Les demandes d'achat de ces instruments fabriqués au Paraguay pleuvent à chaque tournée à l'étranger. «Ce qu'on fait, c'est offrir ceux qui ont une signification pour nous».
La Reine Sophie d'Espagne a hérité d'un violon, la princesse Béatrice de Hollande aussi. L'orchestre a offert une guitare au chanteur cubain Silvio Rodriguez.
Pour le chef d'orchestre, «tant que les enfants seront pauvres, ils auront ces instruments-là, impossible d'acheter de vrais instruments qui valent plus que la maison dans laquelle ils vivent».
«Le son qui sort des instruments est le même que si c'était un instrument professionnel, assure Favio Chavez. Ces instruments ne se volent pas, ne se vendent pas. Ils n'ont pas de valeur marchande, ils ont seulement une valeur musicale».