Des navires économes en carburant pour relancer la filière pêche
•"Ce serait le rêve!" lance un pêcheur breton à propos de l'éventualité ...© 2014 AFP
«Ce serait le rêve!» lance un pêcheur breton à propos de l'éventualité de se retrouver un jour à la barre d'un chalutier économe en carburant, alors que de tels projets commencent a émerger avec l'idée aussi de réduire les émissions de dioxyde de carbone.
«Le prix du gasoil, c'est carrément la mort pour nous», assure sur les quais du Guilvinec (Finistère) Pierrick Berrou, ce patron d'un chalutier de 15 m. «On en est complétement dépendants», explique l'homme qui, comme l'ensemble de la profession, a souffert cet hiver des mauvaises conditions météo.
Le coût du carburant pour les pêcheurs est passé de 20 à 40% de leur chiffre d'affaires entre 2005 et 2013, selon le Comité national des pêches et des élevages marins (CNPEM).
Hausse du coût du carburant, mais aussi quotas et restrictions des zones de pêche, vieillissement de la flotte, conditions de navigation difficiles... les contraintes auxquelles sont soumis les marins pêcheurs sont nombreuses.
Le nombre de navires a ainsi diminué de moitié en 20 ans avec désormais 5.000 unités dans les ports métropolitains, correspondant à quelque 20.000 marins pêcheurs, selon l'Ifremer. D’après la DAMGM (Direction des affaires maritimes et des gens de mer), la profession a perdu le quart de ses effectifs en moins de 15 ans.
«Puisqu'on ne peut pas trop améliorer les choses au niveau des quantités de poisson pêché parce qu'il y a les quotas, il faut travailler davantage sur les coûts fixes», estime Jacques Bigot, président de l'association «France pêche durable et responsable», à l'origine du projet de navire économe en carburant «Fish 2 Eco Energy».
Dans le cadre de ce projet, «La Frégate», unique navire de pêche en Europe doté d'une motorisation hybride, réalise depuis un an des essais en Manche et mer du Nord avec l'objectif de réduire de 35% sa facture de carburant et de 80% ses émissions de dioxyde de carbone (CO2).
Le projet a débuté fin 2012 par l'installation sur ce chalutier de 22 m, immatriculé à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et construit en 2005, d'un moteur électrique alimenté par une génératrice fonctionnant au fioul et au gaz naturel.
«le bateau du futur avec le pêcheur du futur»
Pour l'heure, l'alimentation ne se fait qu'au fioul, afin d'évaluer les performances du moteur. Mais l'économie avoisine déjà les 20%.
La deuxième phase, en avril, consistera à passer au gaz naturel compressé. Mais pour cela, le navire devra au préalable obtenir une certification du bureau Véritas.
Financé à hauteur de 3,7 millions d'euros par l'UE et la France, le projet entend aussi tester différentes techniques de pêche, en lien avec l'Ifremer, afin de réduire l'empreinte du navire sur le milieu naturel, via des chaluts nouvelle génération ou des nasses à poisson.
D'autres projets innovants, portant sur la construction de navires cette fois-ci, sont en cours, comme celui des chantiers navals boulonnais Socarenam, sélectionné dans le cadre de l'appel à projets «navires du futur» de l'Ademe. Il consiste en la construction d'un navire démonstrateur de 24 m à double propulsion diésel et électrique.
Un autre projet voit le jour à Paimpol (Côtes d'Armor). Coque à étrave inversée, motorisation hybride diesel-électrique, matériaux innovants...: le premier exemplaire de ce navire de pêche côtier polyvalent de moins de 12 m pourrait voir le jour courant 2015. Il est porté par l'armateur Yannick Hemeury.
«Si on veut continuer le métier tel qu'on l'a toujours pratiqué et bien c'est mort, il faut réfléchir à un autre mode de pêche», assure M. Bigot. Il faut «le bateau du futur avec le pêcheur du futur, mais avec la banque du futur également», estime Gérard Romiti, président du CNPEM. «Il faut une banque qui cautionne les jeunes», insiste-t-il, jugeant que le Crédit Maritime «ne joue pas son rôle de banque de la mer». Il rappelle qu'un emploi en mer induit trois postes à terre.
La profession «est en péril», prévient Olivier Le Nézet, à la tête du comité des pêches de Bretagne, estimant que si rien n'est fait «ce seront les autres états membres de l'UE qui viendront pêcher au large des côtes françaises».