Au Mont Blanc, des gendarmes pour dissuader de camper
Postés au refuge de Tête Rousse sur la voie normale d'accès au Mont Blanc, deux gendarmes en uniforme rappellent aux alpinistes qu'il est interdit de camper sur le site classé. Une présence, dissuasive, diversement appréciée.© 2013 AFP
Postés au refuge de Tête Rousse sur la voie normale d'accès au Mont Blanc, deux gendarmes en uniforme rappellent aux alpinistes qu'il est interdit de camper sur le site classé. Une présence, dissuasive, diversement appréciée.
A une centaine de mètres de l'arrivée au refuge situé à 3.167 mètres d'altitude, sous la bruine et le brouillard, Sébastien Ertzbischoff, secouriste au Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), et sa collègue du groupe montagne de la compagnie de Chamonix interrogent deux alpinistes polonais sur leur lieu de campement, apercevant les sacs de couchage qui dépassent de leurs sacs à dos.
«Tête Rousse», bredouille l'un d'eux en désignant le seul lieu où le bivouac est toléré. La zone caillouteuse située sur l'itinéraire le plus fréquenté pour rejoindre le sommet - 17.000 passages (à l'aller et au retour) ont été enregistrés durant l'été 2011, selon la fondation Petzl - permet aux randonneurs de disposer de toilettes et d'avoir la sécurité d'un refuge gardé à proximité.
Les gendarmes, qui s'en remettent à leur bonne foi, les laissent poursuivre après leur avoir rappellé l'interdiction de camper autour du nouveau refuge du Goûter, situé 700 mètres plus haut, où les reservations sont obligatoires.
Depuis de nombreuses années, en l'absence des forces de l'ordre, des tentes étaient dressées et «polluaient» les lieux, rapporte Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais, commune où se situent les deux refuges, évoquant la présence d'une quarantaine de toiles de tentes l'été dernier.
Ravi de cette mesure prise par la préfecture, le maire n'hésite pas à parler «d'effet miraculeux». «Il n'y a plus de tentes à quelques rares exceptions quand les gendarmes sont absents», se réjouit-il.
Un enthousiasme que tempère le gendarme Sébastien Ertzbischoff, plus habitué avec le PGHM à porter secours aux alpinistes qu'à les réprimander. «Notre rôle est avant tout pédagogique, nous ne sommes pas là pour verbaliser», souligne-t-il.
Avec sa collègue, il ira tout de même vérifier le lendemain que des tentes ne sont pas installées au Goûter. Mais, depuis l'annonce de leur présence, la règlementation est mieux respectée et si une tente est repérée ses occupants sont souvent partis gravir le sommet, constate-t-il.
«On préfère les canaliser ici, plutôt que de leur demander de redescendre du Goûter quand il fait nuit, c'est trop dangereux», explique le secouriste dont la présence inédite cet été avec ses collègues est diversement appréciée.
«Un des derniers espace de liberté»
Guide de haute montagne à Chamonix, Anselme Baud déplore cette présence des gendarmes «dans l'un des derniers espaces de liberté». «Certains alpinistes montent sans vraiment savoir où ils vont dormir dans un milieu pourtant hostile, c'est vrai, mais c'est quand même dommage d'en arriver là», estime le sexagénaire.
«Il faut faire de l'éducation et responsabiliser les gens plutôt que de les assister», maugrée à son tour son confrère Alain Darrhdrt.
A quelques mètres des gendarmes, occupé à faire chauffer au pied de sa tente une casserole d'eau sur son réchaud, Dominik Vilbenc, un jeune Polonais, reconnaît, lui, l'effet dissuasif de leur intervention.
«S'ils n'avaient pas été là, j'aurais probablement campé plus haut», avoue le jeune homme qui comme la plupart des alpinistes a appris leur présence grâce à internet.
Camper pour payer moins cher
La plupart des alpinistes qui campent sous la tente le font pour des raisons économiques, relèvent un peu gênés les gendarmes.
«On campe parce que le refuge coûte trop cher», confirme ainsi Dominik, alors qu'une nuit au Goûter en demi-pension revient à 90 euros.
A 4.367 mètres d'altitude l'abri Vallot, une modeste cabane sans sanitaire, sert ainsi désormais de repli aux alpinistes désargentés qui ont la force de l'atteindre. «L'année prochaine il faudra se pencher sur ce problème», reconnaît Jean-Marc Peillex.
«La présence seule des gendarmes ne suffira pas à réguler la fréquentation du Mont Blanc et les problèmes qui en découlent, il faut ensemble faire changer les pratiques», souligne Blaise Agrestti chargé de la formation montagne des gendarmes.
«Le Mont Blanc se mérite et doit être l'aboutissement d'un parcours d'alpiniste, c'est la condition pour qu'il soit mieux respecté», estime l'ancien commandant du PGHM de Chamonix.