Lenny Kravitz: «J'élève des vaches et des cochons, et j'adore regarder pousser mes fruits!»
INTERVIEW•La Bretagne a toujours attiré les artistes du monde entier. Parmi eux, le plus sexy des chanteurs de rock-rasta-blues adore s'y ressourcer. Une belle occasion de rencontrer la star. Célèbre pour ses envolées de guitare électrique, Lenny Kravitz sait faire vibrer d'autres cordes: celles du design et du chinage de meubles. Mais sa vraie mélodie du bonheur, c’est l'être humain. Une partition qu'il maîtrise parfaitement...Propos recueillis par Franck Rousseau
Vous, le New-Yorkais, pourquoi avez-vous décidé de poser vos valises en France?
Ma mère envisageait d’y passer sa retraite! Avant que le destin l’emporte, elle avait acheté des tas de livres en français, apprenait votre langue et se familiarisait avec votre culture. Aujourd’hui, j’ai l’impression de vivre son rêve par procuration! J’ai toujours aimé la France! C’est le premier pays où je me suis rendu, après avoir enregistré mon album Let Love Rule, car le label américain où j’avais signé ne savait que faire de moi! (Rire.) Aux États-Unis, je n’entrais pas dans certaines cases: ma musique n’était ni assez blanche pour les rockeurs, ni assez noire pour les Black. J’ai donc décidé de faire un saut à Paris, afin de voir si le public et les critiques étaient moins étroits d’esprit. Une fois sur place, on m’a conseillé de me produire aux Trans Musicales de Rennes. J’y ai donc donné mon premier grand concert dans une ambiance de folie. J’ai rencontré un tel succès que ma carrière a littéralement décollé!
Qu’est-ce qui vous attire en Bretagne?
Je ne saurais l’expliquer, mais dès que j’y ai posé un pied, je me suis senti en communion avec cette terre. Ce sont des forces qui viennent des tréfonds. J’ai adoré cette région forte en symboles et d’une richesse culturelle inouïe. Ici, l’Histoire avec un grand H vous entoure, on se sent tout petit. Et puis, quand j’ai goûté les spécialités locales, j’ai eu un choc gustatif. Moi, l’Américain nourri aux hamburgers! Une révélation. Surtout le kouign aman! Et à Rennes, il y a truc qui flotte dans l’air. J’ignore si ce sont les effets de l’iode qui arrive jusqu’ici, mais ça procure un bien-être, ça vous dégage les narines! (Rires)
Et les Bretons?
S’ils ont l’air rudes lorsque vous les abordez, au fond, ils sont comme le kouign aman, fondants de gentillesse. Quand ils vous ouvrent leur cœur ou vous donnent leur amitié, c’est pour la vie!
Vous pensez que le rock est mort?
Disons qu’il est mal en point! Nous vivons une triste époque où les radios dictent aux musiciens ce qu’ils doivent composer, en leur expliquant, par exemple, qu’elles ne veulent pas de guitare ni de cuivres. C’est ce que j’appelle la ségrégation musicale. Si vous souhaitez que vos titres passent sur les ondes, il faut vous plier à certains critères. Vous standardiser. Comme la bouffe des fast-foods. En ce moment, le truc, c’est la dance club. Tout le monde veut ça! Du coup, on a le sentiment de n’entendre que de la musique de DJ. Je n’ai rien contre eux. Qu’ils en profitent. Pour ma part, j’ai pris de la distance. La musique, c’est comme la mode, il y a des cycles. Je compte bien revenir au goût du jour!
Aujourd’hui, on vous sent plus en paix avec vous-même qu’à une certaine époque…
J’ai réalisé qu’il fallait se débarrasser du superflu! Et parcourir le monde pour en saisir toute la beauté. Aujourd’hui, contrairement à tous mes voyages précédents qui étaient centrés sur moi-même, j’observe! Je veux comprendre ce qui m’entoure. J’ai longtemps été un adepte du «fast move», courant à droite et à gauche, comme si je fuyais quelque chose. À présent, je suis plutôt «slow move». J’ai fini par vendre ma maison, très ostentatoire, de Miami et mon appartement de New York, pour naviguer entre la France, les Bahamas et le Brésil. J’y possède une ferme isolée dans l’État de Rio. Je suis devenu un fazendeiro, un fermier. J’élève des vaches, des cochons et des chevaux et j’adore regarder pousser mes fruits! Je viens même d’obtenir la certification bio. Je pourrai vendre mes produits.
Vous vous êtes également lancé dans le design de meubles.
La décoration me passionne depuis toujours! Je me revois, môme, choisir la couleur des murs et imposer à mes parents des teintes très… expérimentales. Ado, je suis passé à la vitesse supérieure, en m’occupant des éclairages, des posters, des tags. J’ai créé un intérieur assez… sauvage. Lorsque j’ai acquis mon appartement à New York, je l’ai customisé du sol au plafond. J’ai chiné aux Puces ou dans des associations caritatives, pour y trouver de vieux meubles auxquels je donnais une nouvelle vie. Au fil des ans, ce désir de recycler est devenu une obsession. J’invite d’ailleurs vos lecteurs à faire de même. C’est à la fois écologique et jubilatoire, rien que d’imaginer qu’une table en piteux état, mais avec un vécu, une histoire, va reprendre des couleurs!
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