InterviewUn élu parisien propose une contribution Amazon pour financer la ZFE

« Et pourquoi pas une contribution Amazon ? » suggère David Belliard pour financer la ZFE et les transports publics

InterviewÀ quelques jours de la mise en place de la ZFE pour les véhicules Crit'Air 3, l’adjoint d’Anne Hidalgo, en charge des transports propose d’imaginer de nouvelles taxes sur les colis et les jets privés pour financer la transition écologique
Romarik Le Dourneuf

Propos recueillis par Romarik Le Dourneuf

À partir du 1er janvier 2025, les véhicules classés Crit'Air 3, regroupant les voitures diesel immatriculées avant 2011 et les voitures essence d’avant 2006, seront interdits de circulation dans la Zone à faibles émissions (ZFE) du Grand Paris.

Un véritable coup de bambou pour les propriétaires de ces véhicules, notamment de banlieue, qui ne pourront plus s’approcher de la capitale, d’autant qu’elle débarque en même temps que la fin de la prime à la conversion décidée par le gouvernement et la hausse du tarif du Pass Navigo qui augmentera de 2,8 % au 1er janvier. Une injustice sociale que dénonce David Belliard, adjoint d’Anne Hidalgo en charge des transports et des mobilités et membre du conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités.

Malgré les difficultés économiques actuelles, des collectivités comme des particuliers, l’extension de la ZFE sera appliquée au 1er janvier. Au regard du contexte, fallait-il la maintenir ?

Pour être clair, je suis, depuis le départ, partisan et militant pour ces zones à faibles émissions. Parce que je pense que la question de la qualité de l’air et de la lutte contre les pollutions est un sujet majeur.

Le problème est que la manière dont se passent les choses aujourd’hui mène à une grande injustice sociale. Or on sait très bien que si l’on veut faire de la transition écologique et travailler à améliorer les questions de santé, cela ne peut se faire sans justice sociale.

Mais qu’est-ce que n’a pas été dans l’application de la ZFE ?

Sur le papier, la ZFE est un outil intéressant et pertinent. Mais nous payons aujourd’hui, de manière majeure et massive la procrastination des gouvernements successifs depuis dix ans.

Ils n’ont pas du tout pris en charge le sujet. Et aujourd’hui on demande aux gens d’abandonner leurs vieux véhicules, notamment à ceux qui n’ont pas d’autre moyen de transport, et en plus on leur dit « Non seulement on ne va pas vous donner d’alternatives en termes de transports en commun, mais en plus on supprime la prime à la conversion et on diminue le bonus écologique. Vous voyez bien que c’est profondément injuste.

Malgré cela, vous êtes toujours favorable à son application ?

Oui. Parce que je fais passer la santé avant tout. La pollution est aussi une injustice en soi. Une épidémie invisible qui fait des milliers de morts chaque année. Et ceux qui en sont victimes sont majoritairement des gens issus de milieux modestes, qui habitent dans les endroits le plus pollués, à côté des autoroutes ou du périphérique. Pour eux, qui subissent et qui n’ont souvent pas les moyens d’acheter un véhicule propre, c’est une double injustice.

La ZFE est là pour remédier à la pollution. Pas pour peser davantage.

L’économie pourtant, c’est là que semble se situer le problème. Que ce soit verser des primes aux particuliers ou pour financer des transports publics…

Certes les finances des collectivités sont mises à mal par l’instabilité gouvernementale. Elles se retrouvent dans une situation très complexe au niveau budgétaire.

La première des choses à faire est, a minima, d’offrir une alternative à la voiture individuelle notamment par un plan bus qui couvrirait toutes les zones qui ne sont pas desservies. C’est simple à faire, et surtout agile comme dispositif.

Ensuite, tous les élus locaux, régions départements, communes… doivent militer auprès de l’Etat pour qu’on remette en place la prime à la conversion ou toutes les aides pour l’achat de véhicules propres pour ceux qui ne peuvent pas faire autrement.

Mais si la Région ou l’Etat, vous répondent qu’il n’y a plus les fonds nécessaires. Quelles solutions reste-t-il ?

Je répondrais d’abord qu’il faut remettre la santé et la question de la pollution de l’air tout en haut de la pile des dossiers. Moins disperser les aides sur l’achat de véhicules propres et cibler davantage ceux qui en ont réellement besoin. Ensuite, il faut continuer à investir massivement dans le transport collectif.

Tout cela nécessite un véritable big bang du financement des transports en commun. Nous sommes encore dans un vieux système, celui d’il y a trente ans qui est financé par les collectivités, les usagers et les entreprises.

Quelle serait l’alternative ?

Regarder par exemple les colis. Près de 500.000 sont livrés chaque jour, hors période de Noël à Paris. Près d’un million sur toute l’Île-de-France. Ces flux utilisent l’espace public, les rues, les infrastructures qui sont payées par tout le monde, par vous, par moi. Pourquoi ne pas penser à une « contribution Amazon » ? Même chose pour les aéroports, on peut penser aux jets privés qui polluent et causent de fortes nuisances.

Nous devons repenser les modèles fiscaux et de financement pour les adapter aux évolutions de nos sociétés. Mais pour cela il faut mener une réflexion, aujourd’hui au point mort dans certaines collectivités comme l’Île-de-France où les groupes de la majorité régionale sont totalement hermétiques à l’idée même d’en discuter.