Paris : Avec la pénurie de logements, la mairie craint de voir « des dizaines de milliers d’étudiants à la rue »
Société•« On se prépare à une rentrée dramatique pour les étudiants parisiens et franciliens », alerte l’adjoint au logement de la Mairie de Paris, Jacques Baudrier. La raison ? La situation du marché locatif, et particulièrement des petites surfaces
Aude Lorriaux
L'essentiel
- Le nombre de logements à louer est en forte baisse à Paris, laissant présager des difficultés pour les étudiants et étudiantes qui, une fois leurs vœux sur Parcoursup connus, vont se mettre à chercher un logement.
- « On va se retrouver avec des dizaines de milliers d’étudiants dans les rues », s’affole l’adjoint au logement de la Mairie de Paris, Jacques Baudrier.
- L’élu communiste formule une solution, qu’il répète depuis des années : « Multiplier par deux ou par trois la taxe sur les logements vacants et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. »
C’est un cri d’alerte. « On se prépare à une rentrée dramatique pour les étudiants parisiens et franciliens », prévient Jacques Baudrier, adjoint au logement de la Mairie de Paris. En cause ? La situation du marché locatif à Paris, et particulièrement des petites surfaces, alors que la crise du logement est sans précédent. « Les acteurs du privé n’ont plus rien à louer et ferment des agences immobilières, la carafe d’eau déborde, la situation de crise est exponentielle, on va se retrouver avec des dizaines de milliers d’étudiants dans les rues », s’affole l’adjoint.
Depuis des mois, les signes des difficultés à venir s’accumulent. Une étude de la plateforme SeLoger.com a par exemple montré en janvier dernier que le nombre d’appartements à louer avait baissé de 50 % en un an, et de 73 % en trois ans dans la capitale. Moins pessimiste, Corinne Jolly, présidente de Pap.fr (particulier à particulier) affirme que le nombre d’annonces a chuté de 12 % entre mai 2023 et mai 2024, et parle plutôt d’un « phénomène de dégradation d’années en années ».
« Paris devient une ville de pied à terre »
Difficultés d’accès au crédit, augmentation des taux d’emprunt, etc., les raisons sont multiples. Selon Jacques Baudrier, Paris perd au moins 8.000 logements locatifs par an. Alors qu’il y en avait 600.000 il y a trente ans, et même un million juste après-guerre, Paris n’offrirait plus que 350.000 logements à la location. « C’est compliqué depuis des années mais là on a atteint un degré de crise jamais vu », s’alarme Barbara Gomes, conseillère déléguée en charge de l’encadrement des loyers, des plateformes locatives et de la protection des locataires.
La faute aux résidences secondaires, notamment. Selon un rapport de l’Atelier parisien de l’urbanisme (Apur) rendu public en décembre, le nombre de logements inoccupés a explosé ces dernières années. De 14,1 % en 2011 selon les chiffres de l’Insee, leur nombre atteint 18,8 % en 2020 (262.000 sur 1,4 million). Près d’un logement sur cinq à Paris est inoccupé. Les résidences secondaires et occasionnelles représentent aujourd’hui 9,6 % du parc parisien.
« Paris devient une ville de pied à terre », s’inquiète Jacques Baudrier. Il ajoute : « On va bientôt avoir plus de logements vides que de logements privés alloués. » L’élu communiste propose une solution : « Multiplier par deux ou par trois la taxe sur les logements vacants et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. » « On pourrait libérer 100.000 logements », répète Jacques Baudrier.
13.000 logements sociaux pour les étudiants
Car du côté de la Mairie de Paris, on affirme être au maximum de ce qui est possible de faire, au regard des compétences dont dispose la collectivité. La ville alloue déjà 19 % de sa production de logement social aux étudiants et étudiantes. Elle en produit 600 nouveaux chaque année, et même 850 cette année, soit 10 % de la production de logement social étudiant en France, et même un tiers de ce que fournit chaque année l’Ile-de-France. Mais avec au total un parc de 13.000 logements sociaux pour les étudiants, cela reste très insuffisant pour répondre aux besoins des 300.000 jeunes qui suivent des études à Paris, même si tous et toutes ne cherchent pas un logement.
« Si on ne peut se loger, alors on renonce à ses études, ou on va de plus en plus loin et, quand les temps de trajet augmentent, c’est de la fatigue en plus. Quand on sait que plus de la moitié des étudiants travaillent à côté, c’est un risque d’échec », commente Barbara Gomes. Pour faire face à cette année particulièrement tendue, notamment à cause des Jeux olympiques qui absorbent toute l’offre disponible, Corinne Jolly conseille non pas de chercher un logement après l’événement, mais dès le mois de juin.