JO de Paris 2024 : Un collectif « enflamme » l’Arc de Triomphe pour dénoncer le sort des sans-abris
PROTESTATION•Le Revers de la médaille est un collectif de 80 associations, dont Médecins du monde, qui alerte sur le traitement réservé aux personnes à la rue avant les JeuxRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Un collectif d’associations et d’ONG a manifesté ce dimanche soir devant l’Arc de Triomphe en projetant sur le monument le slogan : « JO : On n’est pas prêt. »
- Le Revers de la médaille dénonce un « nettoyage social » qui consiste à évacuer les rues de Paris des sans-abris, utilisateurs de drogues et camps de migrants avant le début des JO de Paris 2024, pour améliorer l’image de la ville pendant l’événement.
- Le collectif demande des places d’hébergement dans toute la France et notamment à Paris.
«JO : On n’est pas prêt. » Non, l’inscription projetée sur l’Arc de Triomphe ce dimanche soir n’est pas un nouveau coup médiatique d’Anne Hidalgo, occupée à ce moment de la soirée à compter les bulletins de vote pour ou contre les SUV dans Paris, mais une action du collectif Le Revers de la médaille.
Fumigènes en main, plusieurs dizaines de militants ont déployé des banderoles « Solidarité » et « Ne pas laisser l’exclusion en héritage » sous l’Arc de Triomphe, où passera la flamme olympique en juillet prochain. Composé spécialement pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris, ce collectif regroupe 80 associations de professionnels qui interviennent toutes auprès des personnes à la rue en Île-de-France.
Un « nettoyage social » avant l’arrivée des télés du monde entier
« Les Jeux olympiques veulent toujours présenter leur meilleure image aux caméras du monde entier. Et pour cela, les organisateurs nettoient les rues des éléments qu’ils considèrent indésirables », explique Paul Alauzy, coordinateur pour Médecins du monde et porte-parole du collectif. Et parmi ces « indésirables » on compte les sans-abris, les utilisateurs de drogues et les camps de migrants.
En octobre dernier déjà, le collectif dénonçait dans un communiqué ce « nettoyage social » de la capitale à base de démantèlements de campements informels en région parisienne, de déplacements « forcés » de sans-abris, d’évacuations de foyers de travailleurs immigrés ou encore d’interdictions de distributions alimentaires.
Des accusations démenties dans la foulée par la préfecture de la région Île-de-France qui assurait vouloir « proposer des places qualitatives à des personnes qui sont à la rue », et « faire un travail social de fond ». Surtout, la préfecture affirmait vouloir « un héritage social en matière d'hébergement d’urgence ». Une affirmation dans la droite ligne avec l’ambition affichée du Comité d’organisation des JO (Cojo) qui souhaite laisser une empreinte « durable et vertueuse ».
L’expérience de Vancouver
Mais selon Le Revers de la médaille, rien n’est prêt pour ces JO. « Comme tous les quatre ans, les organisateurs promettent des Jeux les plus inclusifs de l’Histoire, un héritage social. Mais l’expérience nous montre que ça n’arrive pas », ajoute Paul Azauly.
Pour preuve, le porte-parole raconte sa rencontre avec des personnes qui ont vécu les Jeux de Vancouver en 2010 et dont certains étaient ce lundi matin à Paris pour raconter leur expérience : « Les organisateurs avaient promis exactement les mêmes choses. Avec, dans les documents, le même vocabulaire “Inclusif”, “héritage social”. Il y a eu un travail de plusieurs années en amont, avec une trentaine d’engagements des autorités. »
Et à l’approche des JO d’hiver, rien de tout cela, comme le rapporte Dave, un des militants présents, sans-abri à Vancouver à l’époque, et qui raconte comment la police proposait 50 ou 100 dollars aux personnes à la rue en échange d’un départ de la ville, sans aucune solution de logement ou d’hébergement.
« On essaie de nous faire croire que dans 170 jours, tout sera résolu »
« C’est le même schéma qui se répète », se désole Paul Alauzy qui, dans sa mission pour Médecins du monde, a déjà vu cinq lieux squattés, sur lesquels il intervenait, expulsés entre avril et septembre. Selon lui, les évacuations des camps de migrants, qui ont lieu depuis 2015, se sont beaucoup accélérées ces derniers mois. « Entre septembre et décembre, nous en avons eu quatorze en seize semaines. Ils ont mis en place un sas régional qui envoie maintenant ces personnes vers dix régions de France, mais seulement un tiers d’entre elles sont hébergées, les autres se retrouvent à la rue. »
Une situation qui ne peut durer selon le collectif qui recense déjà 52 morts en France dans la rue, dont 21 en Île-de-France et 16 rien que dans la capitale. « On essaie de nous faire croire que dans 170 jours, quand nous accueillerons 15 millions de personnes en plus, tout cela sera résolu. Il faut être naïf pour y croire. »
Passer des paroles aux actes
Aussi, pour le collectif qui dit partager les valeurs de l’olympisme, les solutions passent par 20.000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence partout en France, dont 7.000 en Île-de-France et un centre de premier accueil pour les populations migrantes. « Car chaque jour des Jeux, il y aura des réfugiés qui demanderont la protection en France, et pas seulement pour les Ukrainiens », explique Paul Azauly qui regrette qu’une sélection soit appliquée.
Le 16 février prochain, le collectif doit rencontrer le Cojo. Des organisateurs « très à l’écoute, capables de tous les engagements » selon le porte-parole : « Mais nous, soigneurs, traducteurs, bénévoles, sur le terrain, ne voyons toujours aucune action, que des paroles. »
Hasard du calendrier, c’est ce lundi que la Ville de Paris dévoilait les résultats de la Nuit de la Solidarité. En 2024, 3.492 personnes sans solution d’hébergement ont été recensées dans la capitale. Un chiffre en hausse par rapport à l’année précédente.
Interrogés à ce sujet, le Cojo, la préfecture et la Mairie de Paris n’ont, pour le moment, pas répondu à nos sollicitations.
À lire aussi