Dans Paris, les SUV sont « inadaptés, dangereux et nuisibles », juge Belliard

SUV à Paris : Les grosses voitures sont « inadaptées, dangereuses, nuisibles », juge David Belliard

InterviewL’adjoint d’Anne Hidalgo appelle les Parisiens à reprendre le pouvoir sur les voitures encombrantes dans les rues de la capitale, alors qu’une votation sur le tarif de stationnement des SUV a lieu ce dimanche
Romarik Le Dourneuf

Propos recueillis par Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Ce dimanche 4 février, les Parisiens sont appelés voter « Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ? »
  • David Belliard, adjoint d’Anne Hidalgo en charge des mobilités et du code de la rue, voit dans cette votation citoyenne l’occasion de poser la question de la place des grosses voitures dans Paris.
  • Selon l’élu, les voitures deviennent plus dangereuses, plus nuisibles et plus chères.

«Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ? ». C’est la question à laquelle les Parisiens sont appelés à répondre ce dimanche 4 février.

À l’aube de cette « votation SUV » organisée par la mairie de Paris, le résultat semble plus indécis que lors de la précédente votation qui avait amené, sans véritable surprise, à l’interdiction des trottinettes en libre-service. Défenseur de l’augmentation du tarif (jusqu’à trois fois plus cher) pour les véhicules lourds, David Belliard, adjoint d’Anne Hidalgo en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie, rappelle à 20 Minutes les enjeux de ce vote et appelle les Parisiens aux urnes.

Dans la dernière ligne droite avant le vote, êtes-vous confiant quant à l’issue du scrutin, vous qui êtes défenseur du « pour » ?

Plus que confiant, je suis positif. Il y a de quoi au regard de la récente enquête OpinionWay (réalisée pour l’association Respire, elle révèle que 61 % des Parisiens sont favorables à la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des SUV). Mais nous n’avons aucune idée, aujourd’hui, sur l’importance de la mobilisation de dimanche, ni sur son résultat. Donc nous devons continuer à essayer de convaincre les Parisiennes et les Parisiens.

La consultation au sujet des trottinettes avait peu mobilisé, avec seulement 7,5 % des inscrits sur les listes électorales qui s’étaient déplacés. Avec si peu de votants, on peut se dire que le résultat peut aisément basculer dans un sens ou dans un autre…

Cela représente tout de même plus de 103.000 votants. Surtout, je crois que le fond du sujet commence à être véritablement perçu. Cette question n’est pas seulement celle du prix du stationnement, mais plus largement celle de la place des grosses voitures dans Paris. Ce sont des voitures extrêmement lourdes, inadaptées, nuisibles pour le climat et dangereuses pour la Sécurité routière.

La place des SUV est de plus en plus importante dans la capitale, avec près d’un véhicule vendu sur deux et 40 % du parc automobile dans certains arrondissements. Mais vous parlez aussi de la place qu’elles prennent dans la rue ?

Outre le danger qu’elles représentent sur la route pour les piétons et les cyclistes, elles ne cessent de grandir. Les études montrent que leur taille augmente d’un centimètre tous les deux ans. Mais c’est le cas de tous les véhicules. Aujourd’hui, un Range Rover fait dix mètres carrés, une Twingo cinq. On peut parler d’obésité de la voiture. Les constructeurs sont toujours tentés de construire de plus en plus grand et lourd. Or à Paris, nous avons besoin de récupérer de l’espace pour le rendre aux piétons, aux cyclistes et pour végétaliser. Les rues de Paris ne sont pas extensibles, d’autant que ces voitures sont toujours plus énergivores.

Nous voulons aussi envoyer un message aux constructeurs pour leur dire que nous avons besoin de véhicules plus sobres, plus légers, pas des choses qui ressemblent de plus en plus à des tanks.

Vous parlez d’écologie, pourtant certains se sont étonné que vous vouliez aussi augmenter le tarif de stationnement pour les véhicules lourds hybrides et électriques…

C’est une illusion de croire qu’on pourra remplacer tous les véhicules thermiques par de l’électrique et que ce sera la solution à tout. L’équation est beaucoup plus complexe. Les véhicules électriques posent aussi un certain nombre de problèmes, en termes d'utilisation de métaux rares, des limites d’approvisionnement en batterie… Et même électriques, ils continuent d’émettre des nanoparticules dues à la combustion des freins, d’autant plus importantes que le véhicule est lourd. Donc oui, c’est un moindre mal, mais pas la solution. Il faut orienter le monde vers plus de sobriété, des moyens de déplacement moins émetteurs en CO2 comme les mobilités douces, les transports en commun. Et lorsqu’on n’a pas d’autre choix que d’utiliser une voiture, il faut qu’elle soit plus légère.

NOTRE DOSSIER SUR LES SUV

Certains concessionnaires que nous avons interrogés ne se disent pas inquiets, arguant en substance que « si on peut se payer un SUV à Paris, le prix du stationnement n’est pas un problème ». La mesure, si elle passe, risque-t-elle de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau ?

Cela montre surtout que ce n’est pas une politique antisociale comme on a pu nous le reprocher. Les véhicules visés sont les plus chers. Effectivement, les personnes qui parlent ont des véhicules qui débutent à 80.000 euros. Mais le prix moyen d’un SUV, c’est 32.000 euros. Une berline classique, c’est 27.000 euros, et une citadine encore moins. Les constructeurs incitent toujours plus à acheter du lourd. Et la différence va dans leurs bénéfices. Inciter les constructeurs à construire plus léger, c’est aussi une mesure pour le pouvoir d’achat.

Mais on peut aussi parler de taxe écologique pour cette mesure. Parce que ce tarif augmenté ira dans les caisses de la ville pour poursuivre notre politique de transformation de l’espace public, pour réduire la place de la voiture, les nuisances sonores, la pollution et avoir plus d’espaces.

Que dites-vous à celles et ceux qui hésitent encore à se déplacer pour aller voter ?

Que c’est l’occasion de reprendre le pouvoir, de manière concrète. Vous avez entre les mains la possibilité de donner un signe très concret pour le climat, pour la sécurité. Je m’adresse en particulier aux parents, aux familles. C’est un vote pour la sécurité, en tous points, de leurs enfants.