Emploi : Entre retour au bureau, écologie et flexibilité, les Franciliens évoquent leurs visions de l’avenir au travail
EMPLOI•Moins de chauffage et de trajet en avion, mais des robots et des animaux de compagnie. Voici ce qui ressort du 10e baromètre Workplace sur le travail en Île-de-FranceRomarik Le Dourneuf
Lorsqu’il a déferlé sur le monde en 2020, le Covid-19 a eu un impact considérable sur l’organisation du travail et sur le rapport que les travailleurs entretiennent avec leur emploi. Pourtant, la crise sanitaire ne pourrait être que les prémices de révolutions encore plus importantes dans le futur.
C’est en tout cas ce qu’il ressort du 10e baromètre Paris Workplace, réalisé avec l’Ifop, qui a tenté d’explorer les attentes et projections des salariés franciliens. A la question « à quoi ressemblera le bureau dans dix ans ? », ceux-ci ont exprimé beaucoup d’inquiétudes et une vraie demande de liberté dans l’organisation du travail.
L’intelligence artificielle remplacera les tâches fastidieuses…
« Demain, un robot pour m’aider, après-demain, pour me remplacer. » C’est en substance la crainte exprimée par les Franciliens face à l’accélération technologique de ces dernières années, en particulier avec la dernière venue : l’intelligence artificielle.
Pourtant, un certain enthousiasme se fait sentir à ce sujet. Ils sont 55 % à juger probable que, avant la fin de la prochaine décennie, « l’intelligence artificielle générera tous les documents, afin qu’on n’ait plus qu’à les corriger ». Mieux, 41 % des salariés parient qu’ils « n’utiliseront plus de clavier, et commanderont tout à la voix ». Les plus jeunes vont encore plus loin. Plus d’un salarié de moins de 25 ans sur deux imaginent des réunions en hologramme (62 % contre 44 % sur l’ensemble du panel). Jean-Luc Mélenchon like this.
…et les employés ?
Sauf qu’à force de tout faire pour nous, l’intelligence artificielle pourrait finir par tout faire à notre place. À l’image de ce que les robots ont fait dans les usines, l’IA pourrait remplacer la majorité des salariés des emplois de bureau selon 42 % des interrogés (53 % chez les moins de 25 ans).
Pire, 36 % des salariés imaginent un scénario à la « Black Mirror » où les systèmes de contrôle seraient renforcés en télétravail, avec une obligation de garder sa caméra allumée en permanence et de rester scotché à son écran, sous peine de sanction. Un contrôle qui pourrait également s’appliquer au bureau. Une inquiétude encore plus grande chez les salariés aux revenus modestes (52 % soit 18 points de plus que chez les plus hauts revenus).
Les salariés pas prêts à abandonner le bureau
Une trame inquiétante qui va à l’encontre des aspirations exprimées. D’abord parce que le bureau est toujours plus perçu comme un lieu de sociabilisation indispensable. C’est même la première motivation des salariés pour venir y travailler selon 48 % des répondants (+6 points en quatre ans). Chez les plus jeunes, 62 % considèrent même leurs collègues comme « des amis ».
La moitié des interrogés estiment même que le bureau est « un lieu de vie », et pas seulement un « lieu de travail ». C’est pourquoi ils voient dans la révolution technologique un gain de temps qui pourrait être réinvesti dans les relations sociales. Une ambition principalement partagée par les moins de 25 ans (70 % contre 49 % chez la totalité des interrogés.)
On est loin de la « fin du bureau » imaginée par les salariés pendant la crise sanitaire qui, pour 43 % d’entre eux, signifiait que « dans peu de temps, les entreprises n’auront plus besoin de bureaux ». Ils ne sont plus « que » 34 % à l’imaginer probable aujourd’hui.
Le travail « où je veux, quand je veux, comme je veux »
D’ailleurs, selon eux, la durée idéale de télétravail hebdomadaire s’élève en moyenne à 2,3 jours. Seulement 0,7 jour de plus qu’avant le Covid en 2019.
Surtout, les salariés aspirent à davantage de liberté dans leur organisation et dans le choix de leur lieu de travail. Une sorte de « où je veux, quand je veux, comme je veux » selon l’étude. Fini le choix entre présentiel et télétravail. Un, deux, trois jours par semaine ? Dans un sens ou dans l’autre ? Les salariés ne veulent plus se poser la question et militent pour une organisation libre, où chacun peut choisir d’aller au bureau, de s’absenter pour une course et de rentrer finir sa journée chez lui si ça lui chante, selon ses besoins et ses possibilités.
« Si vraiment on utilise le bureau comme on regarde une série Netflix, à la demande, alors celui-ci devra dans dix ans être accessible en permanence, 24 h/24, 7 J/7 : 39 % des salariés parient que ce sera devenu une norme d’ici dix ans », estime l’étude. Une pratique qui s’accompagnerait d’une transformation de l’environnement de travail. Multi-usage, près de la moitié des salariés pense que leurs bureaux intégreront des services médicaux comme des salles de consultation ou de rééducation (44 %), mais aussi des services de bien-être, et même des espaces pour accueillir des animaux de compagnies, pour 31 % d’entre eux.
Le souhait de bureaux plus écolos
Si on ne sait pas encore s’ils seront plus libres dans dix ans, une chose est sûre, ils seront « verts ». Le baromètre Workplace montre même une réelle sensibilité à l’écologie. Une sensibilité accompagnée par leurs employeurs puisque 74 % des salariés jugent que leurs entreprises les encouragent à « limiter leur consommation d’énergie » (+ 17 points depuis 2021), à favoriser les mobilités douces (+ 8 points) ou encore à trier les déchets (+ 5 points).
Mais face au réchauffement climatique, qui va continuer à frapper toujours plus fort, ces mesures ne suffiront pas. Les Franciliens imaginent donc des mesures plus radicales. Ainsi 45 % des salariés (53 % pour les plus hauts revenus) estiment probable que dans dix ans, « les déplacements professionnels en avion seront interdits ou fortement limités ». Ils sont même 62 % à le souhaiter.
D’autres mesures, plus quotidiennes, sont imaginées. 40 % des interrogés voient l’eau chaude disparaître des sanitaires de leur entreprise, et pour 21 % d’entre eux, c’est la viande qui va disparaître des restaurants d’entreprise. Autre disparition envisagée, et souhaitée, celle de la lumière et du chauffage inutiles : 69 % misent sur l’avènement de bureaux où « la lumière et le chauffage seront adaptés automatiquement en fonction de l’occupation du bâtiment. »