Les enfants de la rue des Poissonniers expliquent « Comment bien grandir à Paris »
REPORTAGE•Dans le cadre de sa consultation publique, la Mairie de Paris organise des ateliers pour les enfantsRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Dans le cadre de la seconde édition des Dialogues parisiens, la Mairie de Paris organise des ateliers dans les centres de loisirs. L’objectif est de demander aux enfants « Comment bien grandir à Paris ? »
- A l’école polyvalente des Poissonniers, dans le 18e arrondissement de Paris, 20 Minutes a assisté à l’un de ces ateliers regroupant onze enfants de 6 à 11 ans.
- De leur école à la rue, en passant par les commerces, les enfants fourmillent d’idées qu’ils espèrent entendues par la municipalité.
Molière, Jules Verne et Salvatore Dali ne semblent pas les impressionner. C’est sous le regard de ces trois grands artistes (ou plutôt leur portrait accroché au mur) que onze élèves de l’école polyvalente des Poissonniers, dans le 18e arrondissement de Paris, ont fait travailler leurs méninges et leur imagination en ce vendredi de centre de loisirs.
Regroupés dans une classe de maternelle laissée disponible pour l’occasion, ils sont tous volontaires pour participer à l’atelier du jour, organisé par la Mairie de Paris, des « Dialogues parisiens » : « Comment bien grandir à Paris ? ». Cette consultation, lancée le 7 octobre dernier, a pour but de recueillir les avis, contributions et remarques des Parisiennes et Parisiens pour améliorer leur vie au quotidien. Pour cette seconde édition, l’accent est mis sur la place, parfois difficile, des enfants dans la capitale.
Âgés de 6 à 11 ans, les onze débatteurs du jour sont directement concernés par cette consultation et sont bien décidés à se faire entendre.
On commence par l’école
Pourtant, au moment d’entrer dans la salle de classe, ils ne connaissaient pas encore le thème de la discussion à venir. Qu’importe, à peine la question posée par Henriette Bouchez, animatrice de lecture dans l’école et médiatrice des débats pour l’occasion, les propositions fusent. Une seule consigne pour commencer et cadrer le débat : on lève la main et on commence sa phrase par « Il faut… ».
« Un distributeur de bonbons gratuits dans l’école ! », « Des nouveaux jeux dans la cour ! ». Les premières idées ne sont qu’un rodage, des considérations bien normales à leur âge. Mais doucement, Henriette et Hademou, elle aussi animatrice, recadrent le débat sur la ville et le cercle des idées s’élargit progressivement.
A l’école d’abord : « Ce serait bien de mettre des casiers pour ne pas se faire voler ou perdre son sac », explique Amélia. Pour Baïdji, c’est l’installation de la climatisation dans les écoles qui doit être une priorité : « Il fait trop chaud l’été. » Pas sûr que la municipalité soit fan de l’idée…
Apprendre la citoyenneté en autogestion
D’autres travaux pourraient en revanche être envisagés. Tous les participants s’accordent sur la nécessité d’agrandir l’école. Maeva voudrait une séparation entre la salle de musique et la salle d’arts plastiques. La sonorité de la première perturbe visiblement le calme de l’autre. Carole abonde et ajoute même que ce serait l’occasion « d’agrandir la salle de musique ». Tant que la truelle est chaude, Amélia propose d’ajouter une cuisine dans chaque école : « Pour prendre des cours de cuisine toutes les semaines. »
Toutes les idées sont débattues par les enfants entre eux. Argument, contre-argument, les animatrices n’interviennent que pour éviter les digressions. « Cela fait partie de notre travail depuis trois ans à l’école : Apprendre la citoyenneté aux enfants. Ils s’organisent au maximum par eux-mêmes. Nous avons un conseil des enfants et même un palais de justice avec des avocats. Nous organisons l’école comme une mini-société », explique Saadia Damache, directrice du périscolaire dans l’école « 142 Poissonniers ».
Fontaines à eau, grands trottoirs et passages piétons
C’est aussi pour cela que l’école compte parmi les cinquante établissements parisiens, de tous les arrondissements, (écoles, centres de loisirs, bibliothèques, etc.) désignés pour accueillir les ateliers. Ici, c’est même la seconde participation puisque les enfants avaient déjà pu donner leur avis sur « Comment bien vivre à Paris ? » et même eu l’honneur de les présenter à la maire de Paris, Anne Hidalgo, venue les rencontrer.
Et l’édile a sûrement noté quelques idées et en aura de nouvelles si elle revient. Car les enfants ne se limitent pas à l’école dans leur proposition. Installer des toilettes dans le métro pour les personnes fragiles, ajouter des fontaines d’eau potable dans les rues, augmenter le nombre de feux rouges et de passages piétons pour traverser plus facilement, agrandir les trottoirs, étendre les parcs de la ville, construire davantage de bibliothèques… Les petits fourmillent de grandes idées et dessinent au fur et à mesure de leurs discussions, la ville qu’ils vivent et celle dont ils rêvent.
La ville commence par le quartier
Leur ville de tous les jours, c’est surtout celle d’un quartier populaire. « Ils vivent dans un quartier avec des difficultés sociales assez marquées. Ils le voient et l’expriment à leur manière, raconte Saadia Damache, l’année dernière, certains ont demandé des centres d’aide alimentaire. »
Aujourd’hui encore, Lamisse demande que les rues soient « plus nettoyées », Maeva aimerait davantage de commerces de proximité. Plusieurs demandent des sorties gratuites, au Stade de France, ou à la ferme. Kévane aimerait, lui, alors voir les Jeux olympiques à l’Arena Porte de la Chapelle.
Retrouver une place dans l’espace public
On ne sait pas si leurs vœux seront exaucés mais une surprise leur a été réservée pour l’occasion. Saadia Damache profite de l’atelier pour leur annoncer que 25 places leur seront réservées pour un voyage au ski l’hiver prochain avec les collégiens du quartier. Une guirlande de grands yeux ronds s’allume.
« Selon les arrondissements, les réactions diffèrent, certains sont mieux lotis que d’autres, constate Rémi Bolomey, responsable de projet chez Make.org qui organise la consultation pour la Mairie de Paris, C’est aussi le but de cette démarche. On s’est aperçu que les enfants avaient un peu disparu de l’espace public et cette opération doit nous permettre de leur retrouver une place en se mettant à leur hauteur. »
En partenariat avec Make.org, la Mairie de Paris organise un grand débat public, les « Dialogues parisiens », sur le sujet « Bien grandir à Paris ». Pour participer, il suffit de faire ses propositions sur le formulaire suivant :