« Arches citoyennes », « Cité fertile »… L’urbanisme transitoire, la tendance qui s’installe en Île-de-France
CDD•Avec les « Arches citoyennes » en plein cœur de Paris, c’est un nouveau tiers-lieu d’ampleur qui s’installe pour une durée déterminée, mais en proposant une mixité d’usages qui pourrait perdurer
Laure Gamaury
L'essentiel
- Les « Arches citoyennes » sont un projet de tiers-lieu à vocation sociale qui occupera l’ancien siège historique de l’AP-HP pendant dix-huit mois avant d’être transformé en un ensemble immobilier à mission.
- Le projet fait partie de l’urbanisme transitoire, qui vise à réactiver la vie locale sur des terrains ou bâtiments inoccupés en attendant leur transformation.
- « Aujourd’hui, expliquer pourquoi ces lieux d’urbanisme transitoire sont nécessaires est encore un passage obligé », explique Stéphane Vatinel, président de Sinny & Ooko, société créatrice et opératrice notamment de la Cité Fertile à Pantin.
18 mois, c’est la durée de vie prévue pour les « Arches citoyennes », en plein cœur de la capitale, sur la place de l’Hôtel de ville de Paris. Depuis le mois de février et jusqu’à l’été prochain, l’ancien siège historique de l’AP-HP du milieu du XIXe siècle à septembre 2022, accueille le projet des « Arches citoyennes », le plus grand tiers-lieu parisien, à vocation sociale. Artistes, artisans, professionnels de santé, associations de l’Economie sociale et solidaire (ESS)… Près de 450 projets sont accueillis sur deux bâtiments d’un total de 30.000 m2, avant de laisser place en août 2024 au projet pérenne des « Hospitalités citoyennes ».
Le groupement, porté par BNP Paribas Real Estate avec RATP Solutions Ville et Apsys, qui a remporté l’appel à projets de Réinventer Paris 3 pour ce bâtiment, a intégré dès le départ sa volonté d’un projet d’urbanisme transitoire, avant de le transformer en premier « ensemble immobilier à mission » de Paris. « On le voit comme un laboratoire pour tester des usages et anticiper le fonctionnement du bâtiment futur », affirme d’ailleurs Maxence De Block, architecte chef de projet chez Vraiment, vraiment, une agence de design d’intérêt général, qui travaille principalement avec les acteurs publics. Et occuper des mètres carrés qui sont de plus en plus chers en plein Paris.
« Pour rendre la ville abordable, il faut maximiser l’occupation transitoire », martèle Simon Laisney, à la tête de Plateau Urbain, une coopérative d’urbanisme transitoire, notamment derrière Les Grands Voisins dans le 14e arrondissement ou Césure sur le campus Censier de la Sorbonne Nouvelle dans le 5e. Au point d’en faire une pratique pérenne en Île-de-France ?
Toujours un bail de fin
« Sur les quatre ans initialement annoncés, on en a perdu deux à déposer des permis », se remémore Stéphane Vatinel, président de Sinny & Ooko, société créatrice et opératrice notamment de la Cité Fertile à Pantin, mais aussi dans Paris intra-muros de la REcyclerie, la Machine du Moulin Rouge, du Pavillon des Canaux, du Bar à bulles, etc...
Initié en 2017, le projet de la Cité Fertile a finalement ouvert au public le 19 juin 2019, avec un investissement de 2,2 millions d’euros. Sans aucune participation des parties prenantes du programme pérenne. « On est arrivés environ dix ans après le début du projet d’installer sur cette friche de la SNCF, un écoquartier de la ville. Sur un terrain vide et inexploité ». Aujourd’hui, la fin du bail est prévue pour septembre 2024, « parce que les premiers coups de pioche pour transformer la Cité fertile en autre chose devraient être donnés à ce moment-là ».
Des projets à part entière
D’après l’institut Paris Région, l’urbanisme transitoire est constitué de « toute initiative qui vise, sur des terrains ou bâtiments inoccupés, à réactiver la vie locale de façon provisoire, lorsque l’usage du site n’est pas déterminé ou que le projet urbain ou immobilier tarde à se réaliser. Ces projets se déploient depuis le début des années 2010 dans des cadres juridiques sécurisés, et ont fait peu à peu leur entrée dans la boîte à outils des acteurs de la ville, notamment des aménageurs ». Et comme le précise encore Stéphane Vatinel, « ce sont souvent des tiers-lieux ».
Ces projets locaux, à vocation sociale, environnementale et économique nécessitent des investissements, même s’ils sont temporaires. Stéphane Vatinel encore, parle de véritable engagement émotionnel dans la création de tels lieux. Nostalgique, il se souvient des « carcasses de voiture et d’un espace extrêmement minéral à notre arrivée en décembre 2017 » sur le terrain de l’actuelle Cité Fertile. Et c’est également palpable quand Nicolas Revel, le directeur général de l’AP-HP, qui n’est pourtant arrivé à ce poste que quelques mois avant le déménagement du siège dans l’hôpital Saint-Antoine (12e arrondissement), évoque le projet des Arches Citoyennes. « De ce lieu fermé et relativement austère, je suis ravi d’assister à sa transformation, à l’installation de lieux de vie même temporaires, où la mixité fonctionnelle et sociale est au centre ».
Plus de mixité, moins de quartiers mis de côté ?
La mixité d’usages, prônée dans tous les projets d’urbanisme transitoire est un moyen d’attirer le maximum de personnes en un même lieu, souvent des riverains qui s’approprient mieux leur quartier, se rencontrent et s’en enrichissent. « A la Cité fertile, vous n’avez pas le même public si vous venez en semaine l’après-midi ou le week-end par exemple », expose le président de Sinny & Ooko. Et Plateau Urbain partage la même envie avec les « Arches citoyennes » : en faire une petite place de village.
« Aujourd’hui, expliquer pourquoi ces lieux d’urbanisme transitoire sont nécessaires est encore un passage obligé », ajoute Stéphane Vatinel. Surtout s’il faut franchir le périphérique et se perdre dans la banlieue en Seine-Saint-Denis. « Il y a six ans, ce quartier était totalement mis de côté, les habitants ne tournaient même pas la tête. Dans l’un des quartiers les plus pauvres de France, c’est inespéré de créer un tel endroit ». Reste à tisser solidement les liens entre occupation transitoire et projets pérennes, pour éviter « le crève-cœur que sera de quitter la Cité fertile ». En s’appuyant sur le projet des « Arches solidaires » ?
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