MUSIQUEOn a assisté au casting des « Musiciens du métro » de la RATP

Paris : Qui sont ces gens qui jouent dans les couloirs du métro et surtout… Pourquoi ?

MUSIQUEIls veulent tous jouer là où on déteste passer
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Le mardi 26 septembre 2023 avait lieu un casting exceptionnel des « Musiciens du métro ». Peu de gens le savent, mais les musiciens, pour jouer dans les couloirs du métro doivent être accrédités et passer des auditions.
  • 20 Minutes a assisté à ce casting exceptionnel et en a profité pour demander à ces artistes leurs motivations à aller jouer dans les couloirs du métro, devant « le public le plus difficile de France ».
  • S’ils ne sont pas rémunérés, les artistes ont en revanche le droit de faire la manche, mais ils postulent surtout pour se faire connaître et entrer dans le giron de la RATP qui leur offre un réseau et des opportunités artistiques.

Laissez tomber la Star Ac', The Voice et autres Rising Star… Les artistes de demain sont déjà dans le métro parisien. Car oui, les musiciens et chanteurs que les usagers croisent tous les jours au détour d’un couloir du métro sont des pros.

Il est loin le temps où n’importe quel saltimbanque pouvait s’approprier un coin de tunnel et tendre son chapeau. Peu de gens le savent, mais les artistes qui proposent un instant de mélopée dans les souterrains de la capitale sont accrédités par la RATP. Tous les six mois, la régie des transports organise un casting digne des meilleures émissions de télécrochet. Une épreuve à laquelle 20 Minutes a assisté cette semaine.

La chanteuse Mentissa dans le jury

À soirée exceptionnelle, circonstances exceptionnelles. Si habituellement les près de 600 candidats auditionnent devant un jury composé d’agents RATP et de voyageurs volontaires, le casting de ce mardi 26 septembre revêtait un habit plus clinquant avec la présence d’artistes reconnus en les personnes de Mentissa, révélée dans la saison 10 de The Voice, et de Freddy Faada, chanteur et rappeur sénégalais, accompagnés d’autres professionnels de la musique.

Le duo Kim Dee, lauréat du casting des Musiciens du métro de la RATP. Paris le 26 septembre.
Le duo Kim Dee, lauréat du casting des Musiciens du métro de la RATP. Paris le 26 septembre. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Dans la salle de concert de la Gaîté Lyrique, et devant une centaine de spectateurs venus profiter du spectacle et encourager les candidats, Stella Sainson, responsable du dispositif et « Madame Loyal » de la soirée a présenté chaque chanteur et chaque groupe avant leur prestation : « C’est un moment hyper intense, parce que ces artistes se produisent dans ces circonstances professionnelles, une belle salle, un jury de haut niveau… »

Une accréditation et un reportage à la télévision à gagner

Les critères de sélection : charisme, originalité (tous les artistes du soir proposent des compositions originales), sens du spectacle et… prononciation. « En français comme en anglais, les paroles doivent être intelligibles pour le public. On ne veut pas avoir l’impression de chants en “yaourt” », précise Stella Sainson.

Si la présentatrice et le public se montrent bienveillants, la pression se fait parfois ressentir pour les artistes en arrivant sur scène : « Il y a un enjeu supplémentaire pour ce casting. En plus de l’accréditation, un lauréat gagnera également le droit à un portrait de quelques minutes sur BFM TV. »

Les deux Brestois, Olia & Jack, vont découvrir la scène du métro parisien pour la première fois. Paris, le 26 septembre 2023.
Les deux Brestois, Olia & Jack, vont découvrir la scène du métro parisien pour la première fois. Paris, le 26 septembre 2023. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Un a un, les artistes et groupes s’enchaînent et proposent des prestations de haute volée. Tous sont déjà des habitués de la scène, même les plus jeunes. Plusieurs sont même des habitués du métro parisien, comme le duo Olila, composé d’Edgar, 30 ans, et Elliott, 31 ans. Tout juste sortis de scène, les deux amis d’enfance originaires de la région parisienne expliquent : « On a déjà joué dans le métro en 2015 et en 2019. C’est une scène difficile, mais on y revient toujours. »

Une scène très difficile

« C’est une vraie école. Il faut affronter un public qui n’est pas là pour vous. Qui souvent vous ignore », commente Stella Sainson. « Quand vous avez joué dans le métro, vous pouvez jouer partout ensuite, ajoute Elliott, ça permet de tester ses compositions, voir celles qui accrochent le public, mais aussi de tester son ego. Mais quand une personne s’arrête et enlève ses écouteurs pour vous, c’est une sacrée victoire. »

Et comme si avoir « le plus difficile public de France » ne suffisait pas. Les difficultés logistiques viennent s’ajouter à cela. « Il faut choisir les bons horaires, et les bonnes stations. Il nous est arrivé de faire trois ou quatre spots avant de trouver un endroit libre », précise Edgar.

S’ils sont libres de jouer quand et autant qu’ils le souhaitent, les artistes doivent respecter des endroits précis pour s’installer. Et certaines places sont plus convoitées que d’autres, pour l’affluence, le public, mais aussi pour l’acoustique. Ce qui peut contraindre à certaines limites. Le duo Kim Dee, composé de Kim et Noam, sœur et frère de 30 et 25 ans, connaît bien ces problématiques pour jouer depuis octobre 2022 dans le métro. « Il faut transporter son matériel. En plus de l’environnement, c’est très fatigant », raconte Kim qui hésite tout de même à investir dans un générateur pour pouvoir utiliser le synthétiseur de son frère.

Se tester face au public

Mais si la difficulté est telle, pourquoi alors ces artistes s’acharnent à vouloir jouer dans le métro ? L'appât du gain ? Les musiciens ne sont pas rémunérés par la RATP et certains avancent une moyenne de 20 euros gagnés de l’heure en moyenne. Des montants très aléatoires et surtout très insuffisants pour peu que le groupe soit composé de trois ou quatre membres.

« C’est la plus grosse scène de Paris ! », expliquent Olia et Jack, deux jeunes Brestois qui tentent leur chance pour la première fois. « On a déjà fait beaucoup de scènes. Les conditions pourries, on connaît donc ça ne nous fait pas peur. En revanche, on aime la proximité avec le public, la possibilité de tester nos musiques, de réajuster. » Aussi, pour ces deux jeunes de 25 et 24 ans, le métro est un moyen de gagner en notoriété.

Gagner en notoriété et se faire un réseau (social)

Un argument que les membres de Olila avancent également : « Les gens s’arrêtent, parfois nous demandent nos profils sur les réseaux sociaux, ensuite ils nous suivent en ligne et partagent ce qu’on fait. Ça nous fait de la visibilité, justifie Edgar, parfois certains nous filment et postent la vidéo sur Instagram, TikTok ou Facebook. »

La chanteuse Mentissa, membre du jury, avec les lauréats des Musiciens du métro, le duo Kim Dee, et la chanteuse Numah. Paris, le 26 septembre 2023
La chanteuse Mentissa, membre du jury, avec les lauréats des Musiciens du métro, le duo Kim Dee, et la chanteuse Numah. Paris, le 26 septembre 2023 - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Stella Sainson, bien consciente de l’importance des « réseaux » aujourd’hui, n’oublie pas d’annoncer les profils en ligne de chaque candidat à la fin de leur prestation sur scène.

Mais le réseau se fait aussi, et surtout, à l’ancienne. Entre musiciens d’abord selon Edgar : « On finit par retrouver les mêmes “zicos”, dans le métro ou en festival, on échange nos expériences. Parfois ça peut être quelqu’un qui bosse dans la production, etc. »

Un marche-pied vers de plus grandes scènes

« Les musiciens du métro », c’est une « grande famille » selon le musicien : « Ça fait cliché de dire ça. Mais il n’y a pas de véritable concurrence entre nous parce qu’on propose des choses différentes. On se retrouve souvent, on échange beaucoup avec la RATP qui nous rappelle pour certains événements. »

Car c’est aussi là, l’une des grandes attractivités des « musiciens du métro ». Car si aucun des groupes n’oublie de préciser à la fin de sa prestation qu’ils sont toujours à la recherche de « dates », la RATP leur en propose régulièrement. « Nous sommes les garants d’une qualité artistique qui nous permet de placer deux ou trois groupes dans plusieurs festivals comme Solidays, We Love Green ou Art’Rock à Saint-Brieuc, annonce fièrement Stella Sainson. Nous sommes un accélérateur de talent pour cela. »

« Si j’étais une maison de disques, je signerais tout de suite Kim Dee »

Et parmi les groupes présents ce mercredi, plusieurs pourraient bientôt se retrouver sur de grandes scènes. Si les six groupes présentés ont obtenu leur accréditation, deux lauréats (Eh oui ! C’est la surprise du soir) auront les honneurs d’un reportage à la télévision : Kim Dee, et la chanteuse Numah.

« Tous les artistes avaient quelque chose d’unique à nous présenter ce soir, explique Freddy Faada. La délibération a été difficile parce que le niveau était excellent. Mes favoris ? Si j’étais une maison de disques, je signerais tout de suite Kim Dee. Et si j’étais tourneur, je me précipiterais sur le groupe Unravel qui nous a proposé une prestation hallucinante ce soir. Ils ont le profil pour de grandes scènes. »