INFO « 20 Minutes »Moineaux, hérons, renards… La mairie fait le bilan de son plan Biodiversité

Paris : La mairie dresse un bilan positif de son plan Biodiversité avec 2.800 espèces sauvages comptabilisées

INFO « 20 Minutes »Christophe Najdovski estime avoir rempli 83 % des engagements pris en 2018 pour son deuxième plan Biodiversité
Aude Lorriaux

Aude Lorriaux

L'essentiel

  • Paris héberge 2.800 espèces sauvages, parmi lesquelles le héron cendré, qui fait son retour, ou encore des renards et des chauves-souris Pipistrelle.
  • La ville a lancé en 2011 un Plan biodiversité, renouvelé en 2018, et dresse aujourd’hui le bilan de ce deuxième plan.
  • Lutte contre la pollution lumineuse, prise en compte de la biodiversité dans les constructions, critères de sélection dans les marchés publics… La mairie estime avoir rempli 83 % des engagements pris en 2018.

«Une ‘ville nature’est une ville qui n’est plus anthropocentrée, une ville qui accepte le vivant en son sein » : il y a trois ans, juste avant que la France ne se confine totalement, l’écologue Philippe Clergeau appelait à préserver la biodiversité en ville, et à l’intégrer dans les projets d’urbanisme. Depuis, nous avons appris que le nombre d’oiseaux avait diminué de 25 % en près de 40 ans en Europe, ou encore que près de 70 % des populations d’animaux vertébrés ont disparu entre 1970 et 2018. Des chiffres alarmants dont est consciente la Mairie de Paris, qui a lancé un premier paquet de mesures en 2011. Elle fait aujourd’hui le bilan de son deuxième plan (2018-2024) avec le sentiment du devoir accompli.

On apprend dans ce texte, que 20 Minutes s’est procuré en exclusivité, que Paris héberge 2.800 espèces sauvages, dont certaines sont revenues ou ont arrêté leur chute, grâce à l’action, au moins en partie, de la Mairie de Paris. C’est le cas pour le héron cendré, qui avait disparu, mais aussi des renards revenus au cimetière du Père Lachaise, ou encore des chauves-souris Pipistrelle, dans la petite ceinture. Cela s’améliore aussi du côté des insectes, selon l’écologue Philippe Clergeau, grâce à la diminution des pesticides et de la pollution. Et on constate aussi depuis 2016 que la chute de la population de moineaux semble enrayée, selon Frédéric Malher, délégué régional de la Ligue de Protection des Oiseaux en Ile-de-France.

« Quand ça marche, il faut le dire ! »

Ces oiseaux avaient été décimés à l’aube du millénaire, avec une chute des effectifs de 73 % entre 2003 et 2016. Aujourd’hui leur déclin est enrayé, tout comme 16 autres espèces des parcs et jardins - fauvettes, pinsons, mésanges… - en grande partie sans doute grâce à une politique zéro pesticides à Paris, appliquée depuis 2009 pour les espaces verts et depuis 2015 pour les cimetières. Et parce que la Mairie de Paris a donné des nichoirs en masse (1.160) et impliqué les riverains en leur fournissant des graines de plantes locales.

« Quand ça marche, il faut le dire ! » commente Frédéric Malher. Mais le retour de la population de moineaux aux étiages des années 1990 va demander encore quelques efforts. « Un moineau, il lui faut le gîte et le couvert. On a des nichoirs, mais il faut retrouver les insectes, de la végétation, des plantes qui produisent des graines… Avant de reconstituer un écosystème favorable, il faut un certain temps », explique Christophe Najdovski.

Des éclairages aux couleurs moins nocives

On ne trouvera point pour ce bilan d’inventaire précis de la biodiversité, pourtant promis dans le dernier plan (« On n’est pas dans un travail de comptabilité précis », répond l’adjoint à la végétalisation). Mais la mairie affirme que sur les 145 engagements pris en 2018, 121 ont été réalisés ou sont en cours de réalisation, soit 83 %. Parmi ces engagements en cours de réalisation, on en trouve un d’importance, quand on sait que la lumière artificielle est la deuxième cause d’extinction des insectes après les pesticides : la question de l’éclairage public. « On sait qu’un lampadaire peut tuer 150 insectes en une nuit, c’est une arme de destruction massive de la biodiversité », pointe Christophe Najdovski.

Ses équipes sont en train de remplacer progressivement tous les lampadaires avec des couleurs plus chaudes et moins nocives, ou en déconnectant l’éclairage d’un certain nombre de jardins de celui des rues, pour qu’il s’éteigne avant. Mais tout ceci ne se fait pas en un claquement de doigts, explique l’adjoint à la végétalisation. C’est du temps long, d’autant qu’il y a un travail de conviction à mener auprès des riverains, qui pour certains et certaines sont attachés à cet éclairage de nuit, pour une question de sécurité.

Autre champ de bataille, celui des marchés publics, pour lesquels la mairie aimerait favoriser les entreprises qui incluent une clause d’exécution ou un critère de sélection pour la biodiversité. En 2022, c’était le cas pour 42,5 % des marchés publics de la ville, avance-t-elle.

Le BiodivScore, pour la construction, en phase de test

Parmi les satisfecit, Paris se félicite d’avoir développé le BiodivScore, un outil d’évaluation des constructions similaire au Nutri-Score, mais pour la biodiversité et la construction. Il est censé répondre à ces questions, qui viennent ensuite attribuer une note au projet : Est-ce que le chantier est organisé hors période de nidification ? Quels matériaux sont utilisés, sont-ils biosourcés ? Quelles couleurs aussi, car certaines comme le vert provoquent des accidents en cascade chez les oiseaux. Quel pourcentage de pleine terre, combien d’arbres plantés… « On aimerait que toutes les constructions qui nécessitent une autorisation de la Ville de Paris passent par le BiodivScore », actuellement en phase de test, assure Christophe Najdovski.

Mais pour l’instant, l’outil n’a aucun caractère obligatoire. « Si les bailleurs sociaux ne le veulent pas, ils ne sont pas obligés d’accepter de prendre en compte la biodiversité. Nous, ce qu’on voudrait c’est l’équivalent du diagnostic amiante, que ce soit à la charge du responsable des travaux de faire vérifier si cela impacte la biodiversité », regrette Frédéric Malher de la LPO. L’association aimerait dans ce contexte a minima être prévenue au moment où la mairie lance des travaux, pour pouvoir apporter son expertise : « Ils font des travaux sans nous prévenir et vont mettre en l’air les habitats naturels », regrette Jean-François Magne, responsable de la délégation Ile-de-France de la LPO.

Un « gros travail de connaissances à faire » sur la biodiversité

Au global, les associations et spécialistes que nous avons contactés se montrent plutôt satisfaits de la politique menée ces dernières années en matière de biodiversité par la Mairie de Paris : « Il y a une vraie volonté affichée de faire quelque chose », commente Philippe Clergeau. « On sent que la question est prise au sérieux et de plus en plus », abonde Frédéric Malher. « Le bilan est assez positif », estime aussi Chloé Sagaspe, élue du groupe Les Ecologistes et vice-présidente de la commission Environnement, climat et biodiversité au Conseil de Paris.

Même si revient souvent l’idée d’une communication exagérée, voire trompeuse. « Mettre des arbres dans des pots entre le Trocadéro et la Tour Eiffel, c’est du greenwashing : ils n’ont aucune espérance de vie, il faudra les remplacer tous les deux ans, et il n’y a aucune espèce qui s’installe dessus. C’est comme de mettre des pots de fleurs sur des potelets, ou de parler de 170.000 arbres plantés alors qu’ils utilisent la technique Miyawaki, qui a un taux de 70 % de mortalité », commente Philippe Clergeau. « C’est absurde d’affirmer que Paris va devenir un parc naturel urbain à horizon 2030, de même que de parler de forêt urbaine quand on plante 50 arbres. Il y a une espèce d’exagération de la Ville de Paris », abonde Yves Jouanique, de France Nature Environnement (FNE) Paris.

Un travail de concertation va maintenant commencer, pour aboutir à la rédaction d’un nouveau plan biodiversité, qui prendra en compte l’avis des Parisiens et Parisiennes, appelés à participer sur decider.paris.fr jusqu’en janvier 2024. Christophe Najdovski a bien sûr quelques pistes : il voudrait travailler plus sur les haies, systématiser les bandes plantées qui permettent aux arbres de tracer une trame verte et brune, ou encore former les acteurs et actrices du secteur économique aux questions de biodiversité. Parce qu’il y a une chose dont l’élu est sûr : « Tout le monde a pris le pli sur question du climat, mais sur la biodiversité il y a encore un gros travail de connaissances à faire. »