RESSOURCELes eaux d’exhaure, une aide contre le changement climatique à Paris ?

Paris : Les eaux d’exhaure, une aide à la lutte contre le changement climatique ?

RESSOURCECes millions de m3 d’eaux d’infiltration collectés chaque année, notamment par le groupe RATP, sont au cœur de plusieurs discussions et projets pour soulager la capitale en période de stress hydrique. Explications
Laure Gamaury

Laure Gamaury

L'essentiel

  • La RATP mène plusieurs expérimentations sur les eaux d’exhaure, ces eaux d’infiltration qu’elle n’a pas d’autre choix que de collecter, pour éviter l’inondation de ses kilomètres de tunnels.
  • Longtemps rejetées dans le système d’assainissement de la Ville de Paris et en pleine nature, elles peuvent servir directement à des missions ciblées comme l’arrosage d’espaces verts, le nettoyage des voiries ou du réseau d’égouts.
  • « Dans une optique de réchauffement climatique, exploiter au mieux les eaux d’exhaure est un enjeu à ne pas sous-estimer », note Marguerite Parnis, ingénieure projet sur le réseau d’eau non potable pour Eau de Paris.

En retrouvant les pluies automnales cette fin de semaine à Paris, c’est le timing parfait pour parler eaux d’exhaure, aussi appelées plus communément eaux de ruissellement. Mais que sont-elles ? Ce sont les eaux de pluie, des nappes phréatiques ou des crues qui s’infiltrent dans tout ouvrage souterrain. Et on peut dire que le sous-sol francilien en est gorgé : stations de métro, parkings, tunnels, etc. « Plutôt qu’eaux de ruissellement, je parlerais plutôt d’eaux d’infiltration parce qu’on ne voit quasiment aucune variation de leur niveau au cours de l’année qu’il fasse chaud et sec ou en ce moment où il pleut », note Marguerite Parnis, ingénieure projet sur le réseau d’eau non potable pour Eau de Paris, entreprise publique en charge de la production, du transport et de la distribution de l’eau dans la capitale.

En Île-de-France, le groupe RATP est le premier collecteur de ces eaux d’exhaure, à hauteur de plus de 8 millions de m3 annuels, selon la régie. Elles ont longtemps été rejetées sans plus de réflexion avant que les acteurs publics ne réfléchissent désormais à la valorisation de ces eaux non potables. Arrosage d’espaces verts, entretien des voiries, utilisation dans le réseau de climatisation, etc., les projets se multiplient à l’heure d’un réchauffement climatique galopant. « Chez Eau de Paris, on travaille particulièrement dessus depuis 2018. Aujourd’hui, la majeure partie est rejetée dans les égouts. » La RATP parle de 75 % dans les réseaux d’assainissement et 25 % dans le milieu naturel. Et demain ?

Choisir des usages ciblés

« La Ville de Paris a la chance d’avoir un réseau d’eau non potable exceptionnel », rappelle Marguerite Parnis. En effet, il parcourt 1.700 kilomètres de canalisation sous la capitale, voisin du réseau d’égouts et des différents tunnels dédiés aux transports. Ainsi, les différents acteurs, et notamment la RATP, mènent des expérimentations avec Eau de Paris, pour optimiser l’exploitation des eaux d’exhaure. « Dans un an, avec ce qu’on a mis en place, on devrait en savoir plus sur leur meilleure utilisation, si elles doivent être conservées de façon très localisée pour, par exemple, nettoyer les égouts, là où elles sont captées, ou s’il vaut mieux les injecter dans le réseau d’eau non potable, pour les utiliser dans toute la ville », complète-t-elle.

Vaut-il mieux alors arroser le gazon sur la ligne T3B du tramway, nettoyer les rues ou alimenter le réseau de froid de la Ville de Paris, comme c’est le cas à la gare d’Auber ? « L’eau d’exhaure est une eau propre du point de vue bactériologique parce qu’elle a traversé de la roche, etc. En revanche, elle peut être très chargée en minéraux. En fait, la qualité des eaux d’exhaure recueillies à Paris peut être très variable. D’où la phase d’expérimentation », explique l’ingénieure.

Vers une transformation en eau potable ?

« Nous n’avons pas le choix que de capter et d’enlever ces eaux d’exhaure des nappes pour exploiter les réseaux souterrains en l’état. Autant donc la réutiliser pour des missions ciblées » , ajoute-t-elle. Car aujourd’hui, le réseau d’eau non potable de la Ville de Paris est très majoritairement alimenté par les eaux de la Seine et du canal de l’Ourcq, ce qui provoque une pression certaine sur cette ressource unique. « Dans une optique de réchauffement climatique, exploiter au mieux les eaux d’exhaure est un enjeu à ne pas sous-estimer. »

Chez 20 Minutes, ambitieux que nous sommes (mais pas ingénieurs pour un sou), on a parié sur une autre finalité : transformer ces eaux d’exhaure, relativement propres et dont le niveau est stable chaque année quelles que soient les précipitations, en eau potable. « Sur la région parisienne, ce n’est absolument pas un but. Il faut dire que le stress hydrique est quand même moins important que dans d’autres régions. Elle a une qualité différente de l’eau potable et aujourd’hui, on veut juste trouver comment s’en servir au mieux. » Botté hors des tuyaux en moins de 20… secondes !