Déjà 90 naissances en 2023 au parc zoologique de Paris dans une formule plus « nature »
EVASION•Le Parc zoologique s’est réinventé en 2014 pour proposer un cadre tourné autour du bien-être des animaux
Romarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Rouvert après une transformation complète en 2014, le parc zoologique de Paris accueille au mois d’août la 90e naissance de l’année en son sein.
- Toutes les naissances dans le parc sont naturelles mais encadrées par un programme européen de gestion des individus en parc zoologique.
- Toute l’organisation du parc zoologique de Paris est tournée vers les animaux pour faciliter au maximum leur bien-être.
«Il est où le bébé ? » Collés à la vitre de l’enclos des lémurs noirs, plusieurs enfants sont à la recherche du petit nouveau qui se niche encore contre le ventre de sa mère. Né le 9 mai dernier, on ne sait pas encore s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle, mais il fait partie des 90 naissances, dont 20 depuis le début de l’été, déjà enregistrées dans le parc zoologique de Paris. Il rejoint ainsi la cohorte des nouvelles têtes avec les petits fossas, chiens des buissons, otaries, et flamands roses…
Réouvert en 2014 après six ans de travaux, le parc a été repensé pour accueillir les plus de 2.500 individus dans des conditions plus conformes à leur environnement. Une formule résolument tournée vers les animaux.
Des naissances « naturelles » mais encadrée
Et les naissances en sont un parfait exemple. « Tout se passe ici sans assistance », explique Alexis Lécu, directeur scientifique du parc. Pour faire simple : Pas d’insémination artificielle, que du naturel.
Pour autant, dame-nature est tout de même encadrée dans cette tâche. Les personnels du parc sont parfois amenés à favoriser la reproduction de certains animaux dans un but de conservation des espèces. « C’est ce que nous faisons avec la gazelle de Mhorr, par exemple, dont il ne reste que 300 individus dans le monde », explique Alexis Lécu. Dans ce cas, mâles et femelles sont davantage mélangés dans les enclos, notamment en période de chaleur.
Pour les autres espèces, dont la conservation n’est pas en jeu mais qui comportent un intérêt scientifique, la reproduction est aussi possible mais elle n’est pas non plus laissée au hasard. Pas question de prendre le risque d’une surpopulation. Elle peut donc être limitée, parfois décalée, par une contraception temporaire ou par la séparation des genres. « Comme cela se passe une partie de l’année dans le milieu naturel », précise Alexis Lécu.
Tout le parc est pensé pour les animaux
Toutes ces naissances sont surveillées et coordonnées par le Programme d’élevage européen (EEP), chargé de la « gestion des individus d’une espèce animale présents dans les zoos européens ». « Si une naissance est autorisée, c’est que l’on sait à l’avance où l’animal sera placé ensuite. Ici ou dans un autre parc du même type », ajoute Alexis Lécu.
Car tout est pensé pour les animaux dans le parc. Au niveau des espèces comme à celui des individus comme en témoigne Fabrice Bernard, chef des soigneurs : « Nous ne voulons pas reproduire ce qui se passe dans certains zoos où les naissances sont accueillies en ne pensant qu’à l’attrait qu’aura l’animal auprès des visiteurs. Sans réfléchir à la place et aux besoins supplémentaires qui lui seront nécessaires. » Au parc zoologique de Paris, tout est réfléchi en amont d’une possible naissance pour privilégier le bien-être des animaux. Dernier exemple en date, le bassin des chiens des buissons, dont le niveau a été baissé après l’arrivée d’une portée, pour la sécurité des petits.
« C’est l’humain qui entre dans l’environnement de l’animal, pas l’inverse »
C’est avec la même philosophie que sont pensés les enclos. Chaque espèce a ses spécificités et leur espace de vie est pensé pour les respecter autant que possible. « Si nous devons recevoir des loups, par exemple, il faut un point haut et point bas pour qu’ils puissent exprimer leur dominance sans être obligé de s’affronter sans arrêt. On installe des brumisateurs, un petit bassin, des points ombragés et des points ensoleillés. On organise l’espace pour que les animaux puissent s’éviter, ou pour pouvoir les isoler en cas de conflit. On doit réfléchir à tout cela. Et seulement si on peut réunir tous ces critères, on prend l’animal », explique méthodiquement Fabrice Bernard.
Des espaces plus grands où la nature a une place importante avec pour objectif premier le bien-être des animaux : « C’est aussi pour cela que sont installées ces grandes vitres. C’est l’humain qui entre dans l’environnement de l’animal, pas l’inverse. » De la même manière, au parc, ce sont les animaux qui commandent selon le soigneur : « Ils décident s’ils veulent sortir de leur espace intérieur. S’ils refusent, on ne les force pas. Ils ne sont pas non plus soustraits à la vue du public. Cela peut-être frustrant parfois de ne pas les voir où de devoir les chercher dans cet environnement, mais ils font comme bon leur semble. »
En tout, une cinquantaine de soigneurs, formés dans des écoles spécialisées, des comportementalistes animaliers et des vétérinaires s’affairent du matin au soir pour offrir le meilleur cadre possible aux 280 espèces recensées sur les 14,5 hectares du parc.
Le parc a conscience des critiques sur la captivité des animaux
Un cadre adapté, certes mais pas idyllique pour des animaux sauvages. « Je suis venu pour les enfants, mais je culpabilise. Quand je les vois enfermés ça me fait mal au cœur », souffle Irina en regardant un jaguar faire les cent pas dans son espace. Un avis que l’on retrouve un peu partout, dans les médias comme sur les réseaux sociaux, où les voix s’élèvent contre la captivité de ces animaux qui devraient davantage se trouver en milieu naturel.
Un point que n’éludent pas les professionnels du parc, Alexis Lécu en tête. Le vétérinaire tient d’abord à rappeler les différents intérêts du parc. Scientifique d’abord. Dépendant du Muséum national d’histoire naturelle (MNHM), le parc a une relation privilégiée avec les équipes de recherche. « Nous ne faisons pas d’expérimentation animale, mais il arrive que nous fournissions des échantillons de sang, pris à l’arrivée ou au départ des animaux. De la même manière, nous initions des projets de recherche sur les parasites. »
Alexis Lécu cite alors l’exemple d’une recherche fondamentale sur le champ des grenouilles pour pouvoir les réintroduire dans leur milieu naturel à Madagascar. Car la conservation, la préservation et la réintroduction sont l’une des missions primordiales du parc. « Tous les deux ans, nous réintroduisons des vautours en Bulgarie. Ils naissent et sont élevés ici par leurs parents avant d’être relâchés et suivis par balise solaire dans le milieu naturel. Le pire qui pourrait leur arriver serait un tir de chasseur. »
Compenser l’impact de l’activité humaine
Car c’est aussi pour compenser l’impact humain sur la faune du monde entier que le parc travail : « Nous ne sommes pas hermétiques aux réflexions de la société. On n’hésite pas à se remettre en question. Mais je persiste à croire en notre mission car je vois chaque jour notre rôle de conservation. Un parc seul ne résout pas les problèmes dans le monde, mais il est un petit maillon indispensable. Soit on dit qu’on s’en fiche et l’activité humaine fera disparaître des centaines d’espèces. Soit on essaie de compenser cette activité en conservant une possibilité de réintroduction un jour. On imagine tous un monde où les parcs ne seraient pas nécessaires. Mais la balle est dans le camp des gouvernements et des états pour protéger ces espèces dans leur milieu naturel. »
D’où sa mission pédagogique, notamment auprès des enfants, selon le vétérinaire, avec une grande place laissée aux informations sur les animaux et les risques qu’ils encourent dans le monde et plusieurs animations dont la populaire « Apprenti soigneur » qui permet de vivre une demi-journée dans la peau d’un soigneur, au plus près des animaux. « Si on arrive à attirer l’attention des visiteurs, ne serait-ce que quelques minutes sur la fragilité et l’importance de ces espèces, c’est déjà une première victoire. »