Paris et des collectivités locales veulent transformer les pratiques agricoles avec un « outil magique »
Mieux manger•La Mairie de Paris et six autres collectivités locales ou acteurs locaux lancent AgriParis Seine, une association qui va aider les agriculteurs, agricultrices et producteurs de denrées pour transformer les pratiques agricoles dans le Bassin parisienAude Lorriaux
«Mettre à portée de toutes et tous une alimentation durable, locale, de saison et de qualité. » En quelques mots, Audrey Pulvar a résumé l’objectif d’AgriParis Seine, la nouvelle structure lancée par sept collectivités et acteurs locaux, de la Ville de Paris à la métropole de Rouen Normandie, en passant par le Pôle d’équilibre territorial et rural du nord de l’Yonne ou encore le département de la Seine-Saint-Denis*.
L’adjointe à l’alimentation durable et ses comparses veulent par ce projet, présenté ce vendredi à l’Académie du climat, essayer de transformer en profondeur à la fois le tissu agricole local, la commande publique et les mentalités de la restauration publique. Et à terme, de la restauration commerciale elle-même.
Des produits à moins de 250 kilomètres
« La restauration collective permet par les choix politiques que nous faisons d’accompagner les paysans, pêcheurs, pêcheuses, etc. et elle est aussi une façon d’atteindre les catégories les plus modestes, avec un tarif d’entrée à 13 centimes d’euros », explique Audrey Pulvar.
La part d’alimentation durable dans la restauration collective parisienne est actuellement de 53 %, et les denrées parcourent en moyenne 650 kilomètres, mais l’adjointe s’est fixée comme objectif d’avoir d’ici 2027 100 % d’alimentation durable, dont 50 % d’alimentation issue de filières situées dans un rayon de moins de 250 kilomètres de Paris et 75 % d’alimentation issue de l’agriculture biologique. Par durable, les partenaires d’AgriParis seine excluent d’emblée le label Haute valeur environnementale (HVE), épinglé par plusieurs associations environnementales. Sont en revanche acceptés les labels Agriculture biologique, Label Rouge, Marine Stewardship Council, Pêche durable, et les labels du commerce équitable.
Enjeu environnemental et sanitaire
Il y a à cela d’abord un enjeu environnemental et climatique : 20 % des émissions de gaz à effet de serre parisiennes sont générées par le système alimentaire qui nourrit les habitants et habitantes. Mais il y a aussi un enjeu de santé publique, les pesticides ayant un impact direct sur notre espérance de vie, comme l’a rappelé ce vendredi le président d’AgriParis Seine, Marc Dufumier, ingénieur agronome, docteur en géographie et professeur honoraire d’agriculture comparée à AgroParisTech : « Une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens, ça se traduit par un dysfonctionnement de nos glandes et des maladies du vieillissement prématurées, qui vont apparaître une dizaine d’années plus tôt. »
Pour parvenir à ces objectifs, il faut donc mettre les bouchées doubles, et voir plus grand. Parmi ses missions, AgriParis Seine a pour mission de « piloter des projets multipartites », mais surtout, comme l’explique la délibération qui acte sa création, et qui a été votée au Conseil de Paris de juin dernier, « de contribuer à la structuration des filières agricoles et alimentaires durables, courtes, de proximité et circulaires bénéficiant simultanément aux zones urbaines denses du Bassin parisien et aux territoires ruraux acteurs de cette transition. »
Une difficulté récurrente rencontrée par les agriculteurs bio et à laquelle pourrait remédier l’association est la lourdeur des commandes publiques, comme l’a rappelé Frédérique Denis, conseillère départementale déléguée, en charge du Plan alimentaire territorial du département de la Seine-Saint-Denis. « Un agriculteur bio n’a pas forcément l’ingénierie ni le temps ni le personnel pour répondre à un marché public compliqué, et pour calculer les données réclamées », abonde Audrey Pulvar. « Y’en a marre de la paperasse », a résumé plus succinctement Christian Grancher, vice-président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole en charge de l’agriculture et l’alimentation.
Adapter la demande à l’offre
Mais ce ne sont pas les seules difficultés, estime Céline Santos Nunes, directrice générale du groupement des agriculteurs biologiques d’Ile-de-France, présente dans la salle pour la présentation : « Il y a un enjeu de communication grand public, sur la valeur ajoutée pour une collectivité de proposer du bio. Les élus ne pensent pas qu’ils n’ont pas les mêmes coûts de traitement de l’eau, par exemple, ou qu’on gâche moins avec du bio parce qu’on n’a pas besoin d’enlever la peau. On peut proposer des plats au même coût si on fait de bons choix. »
La directrice générale attend en tout cas beaucoup de cette nouvelle association. « Cela peut devenir un outil magique, si on travaille en cohérence, et qu’on arrête d’adapter l’offre à la demande. Il faut que ce soit la demande qui s’adapte à l’offre. »
* La liste complète : La Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole ; Le Département de la Seine-Saint-Denis ; Eau de Paris ; La Métropole de Rouen Normandie ; La Métropole du Grand Paris ; Le PETR du Nord de l’Yonne ; La Ville de Paris.
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