Du houblon pour isolation, des étages modulables à souhait… l’immeuble du futur déjà dans le 17e arrondissement ?
URBANISME•Le Stream Building, lauréat de Réinventer Paris, a ouvert ses portes dans le quartier Clichy-BatignollesRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Un immeuble d'un nouveau genre a été inauguré ce mercredi dans le 17e arrondissement de Paris. Modulable et réversible, il a été construit « réversible » pour pouvoir changer d'usage en fonction des évolutions de la société.
- Ses 16.200 m² accueillent des bureaux modulables, un hôtel, des restaurants et commerces, une brasserie et même des jardins potagers et des panneau photovoltaïques sur le toit.
- Le houblon, qui sert de pare-soleil sur la façade Sud de l'immeuble sera brassé à l'hiver pour produire une bière locale.
Vu de l’extérieur, l’immeuble situé au 6 de l’avenue de la Porte de Clichy n’a pas grand-chose pour se distinguer. Il faut dire que le gigantesque tribunal judiciaire, situé à quelques pas, fait de l’ombre à tout le quartier. Peu importe, ce qui est remarquable se trouve surtout à l’intérieur.
Lauréat de la première édition du concours Réinventer Paris en 2014, le Stream Building, inauguré ce mercredi dans le 17e arrondissement de Paris, est un immeuble « couteau-suisse » de 16.200m². Dessiné par l’architecte Philippe Chiambaretta, il a été pensé pour être modulable et « réversible ». D’où sont nom, Stream (Flux ou Courant en VF) : « La ville de demain doit être capable de s’adapter au changement. Cet immeuble est pensé comme un liquide, capable d’évoluer pour ne pas provoquer de l’obsolescence programmée. »
Des espaces de bureaux modulables selon ses occupants
Construits comme un Tetris en 3D, les 9.500 m² de bureaux, déjà réservés à l’entreprise d’informatique OVH qui doit prendre ses quartiers avant la fin de l’année 2023, sont conçus pour s’adapter à d’éventuels changements. « Dans un premier temps, 400 employés vont venir s’installer, mais si nécessaire, les quatre étages que nous allons occuper peuvent en accueillir jusqu’à 1.400 », précise Grégory Blomme, responsable immobilier d’OVH. Il suffira alors d’installer, de retirer ou de déplacer les cloisons.
Un terme à prendre au mot puisque les deux derniers étages abritent un hôtel Zoku. L’entreprise néerlandaise déjà présente à Amsterdam, Vienne et Copenhague, propose ici un établissement à la frontière entre l’hôtel avec 109 chambres, un espace de coworking avec des alcôves disponibles un peu partout sur l’étage et un lieu d’after work avec restauration, bar et une terrasse extérieure. « Nous voulons offrir une grande flexibilité à nos invités qui peuvent s’installer ici pour une nuit, pour du long terme, mais aussi pour une simple réunion de travail », raconte Marc Jonguerius, co-fondateur de Zoku. Outre les prestataires et collaborateurs de OVH, l’hôtel vise également les nombreux avocats qui peuplent le Tribunal de Grande Instance. Tous auront sans doute l'occasion de goûter la « Stream Beer ».
Le houblon pour la bière et pour l’isolation
Véritable spécialité locale, cette bière est directement brassée dans les sous-sols de l’immeuble. Une bière locale à plus d’un titre puisqu’une partie de son houblon pousse déjà… sur la façade de l’immeuble. En effet, 80 pieds de houblon ont été plantés sur le toit de l'immeuble, et si les lianes sont encore discrètes, en poussant, elles vont se transformer en un pare-soleil naturel et esthétique sur toute la face Sud-Sud-Est. Cette protection thermique passive participera à la lutte contre les effets d'îlot de chaleur d'un quartier très minéralisé. Une isolation naturelle bienvenue pour cette structure entièrement vitrée.
A l’aube de l’hiver, le houblon sera récolté, laissant ainsi passer la lumière à tous les niveaux de l'immeuble et sera directement envoyé à la brasserie. Exploitée par l’entreprise parisienne Topager, elle devrait réussir à produire 10.000 litres de bière pour sa première année, avant d’atteindre un rythme de croisière de 20.000 litres par an.
La culture du houblon dans Paris, Topager s'y connaît puisqu'elle fait déjà pousser des pieds sur les toits de l'Opéra Bastille dans le 12e arrondissement. D'autres lieux soutiennent la filière brassicole à l'image de la Brasserie de la Bière Michel dans le 5e arrondissement avec 54 m² de murs ou la rue des Fillettes (18e), où se trouvent plus de 800 m² de murs à végétaliser.
« Dans un premier temps, la part du houblon venant de la façade sera réduite, le temps de la pousse, mais nous espérons pouvoir en utiliser davantage avec le temps », commente Charly Border, responsable de la Brasserie.
Le houblon finira dans le compost pour alimenter les jardins potager du toit
Et pour que rien ne se perde, les drêches de houblon, déchets récupérés après le brassage, seront déversés dans le grand compost qui occupe aussi le sous-sol de l’immeuble dans une logique de circuit-court. Ce compost, qui pourrait également accueillir tous les déchets organiques des restaurants et de l’hôtel selon un responsable de Topager, sert déjà à alimenter les 300m² de potager qui squattent le toit de l’immeuble et qui fournissent l’hôtel en légumes de saison. Des opérations alimentées en électricité par les panneaux photovoltaïques installés sur le rooftop.
La mixité d’usage entraînera-t-elle la mixité sociale ? C’est ce qu’espèrent les initiateurs du projet. Implanté sur une ancienne friche du quartier Clichy-Batignolles, à lisière du périphérique, l’immeuble est construit comme un pont au-dessus de la ligne 14 du métro. Une image dont usent les promoteurs pour symboliser le lien que doit représenter l’immeuble, entre la banlieue proche et la capitale. Dans un premier temps, cela se traduira par un espace de coworking gratuit dans les locaux d’OVH, qui devrait accueillir de jeunes entrepreneurs, des personnes en réinsertion par l’emploi et ou des projets d’économie sociale et solidaire qui seront sélectionnés par Direction de L’attractivité et de l’emploi de la Mairie de Paris.