Marathon de Paris 2023 : On a rencontré Charly Bancarel, le doyen de la course (93 ans), chez lui à Salers
REPORTAGE•Charly Bancarel, 93 ans, sera le plus vieux participant au marathon le 2 avril prochain, porté par une condition physique exceptionnelleLaure Gamaury
L'essentiel
- Le marathon de Paris aura lieu le 2 avril prochain. A cette occasion, 20 Minutes vous propose chaque semaine des portraits de participants et participantes.
- Charly Bancarel sera le doyen de la course. A 93 ans, il disputera le marathon de Paris pour la onzième fois, sans même suivre une préparation physique particulière.
- « J’ai un certificat médical de mon médecin. Mon cœur est en pleine forme, ma tension est bonne et mes genoux, souples. J’ai de la chance de n’avoir jamais été blessé. Mon docteur m’a juste mis en garde contre les crampes ou même des soucis de rein parce que je ne bois pas assez pendant les courses ».
«Mon objectif ? Terminer sur le marathon olympique en 2024 ». Ces mots ne viennent ni d’Eliud Kipchoge, ni d’un athlète de l’équipe de France, ni même d’un Teddy Riner qui causerait de sa longue carrière couronnée de succès sur tatami. C’est bien Charly Bancarel, 93 printemps, qui, la larme à l’œil, confie son objectif d’une vie. Une vie remplie et rythmée par la course à pied depuis « environ 50 ans, je dirais », confie-t-il à 20 Minutes, dans son salon de Salers (Cantal) où il a toujours vécu.
Mais avant d’accomplir son rêve, le Sagranier (habitant de Salers), né en 1929 sera au départ du marathon de Paris cette année, pour la onzième fois. « Fatigué ? Ah non, ça ne m’arrive jamais. Hier, j’ai fait trente kilomètres à vélo, et j’alterne aussi avec de la course, une dizaine de kilomètres chaque jour », raconte-t-il. « Enfin, tu trottines », précise Denise, sa femme, qui ajoute « mais vous savez, il va vous dire qu’il ne connaît pas le mot "mal" ». Le doyen de l’épreuve, qui aura 94 ans en août, se félicite en effet de sa condition physique d’exception au vu de son âge : « Je suis le plus âgé sur toutes les courses auxquelles je participe, depuis un moment déjà, mais je ne souffre ni aux jambes, ni aux genoux, ni aux chevilles. Il faut dire que je suis léger, j’ai pesé toute ma vie autour de 50 kg, je me surveille régulièrement ». Détiendrait-il alors la recette d’une certaine fontaine de Jouvence ?
Des courses et des carnets
« Ah vous venez pour rencontrer Charly ? Oh oui, chez nous à Salers, c’est une star », plaisante la réceptionniste à l’entrée du Bailliage, l’établissement qu’il a créé avec sa femme Denise en 1962. Le ton est donné dès l’arrivée de 20 Minutes dans ce petit village touristique du Massif central : à Salers, le nom de Charly Bancarel est connu et reconnu. Outre l’hôtel mentionné et désormais tenu par la troisième génération de Bancarel, on compte des chambres d’hôtes, un restaurant, un magasin éclectique de produits locaux et souvenirs de la région, un élevage de vaches de race Salers....Les enfants et petits-enfants de Charly et Denise leur ont emboîté le pas, excepté concernant la course à pied. « Ils sont dynamiques et sportifs mais je suis le seul à faire des courses à vélo et en courant, confie Charly Bancarel. Mais ils m’accompagnent sur certaines compétitions, on partage de bons moments. »
Le coureur de 93 ans se remémore alors ces différentes courses et sort ses nombreux carnets : « à la fin de chaque année, je note combien de kilomètres j’ai faits à vélo et en courant : en 2016, 1.000 kilomètres de courses et 3.300 de vélo, en 2017, 770 et 3.800 ». Et ainsi de suite jusqu’en 2019, année où il a couru tout de même le marathon de Paris et celui de Toulouse. « Le Covid a été un coup d’arrêt. À mon âge, ça a été difficile de reprendre les courses, même si je n’ai pas arrêté du tout de m’entraîner tous les jours ». D’après notre expérience, à 20 ou à 50 ans, c’est pas simple non plus, alors à 90…
Mais ces kilomètres soigneusement notés ne sont que ceux réalisés lors de courses officielles. « Je m’entraîne sur des routes que je connais. Je sais à peu près combien de kilomètres font les chemins que je prends autour de Salers, narre Charly Bancarel. Je cours sans beaucoup d’équipement, un short, des baskets et seulement ma montre ». Mais alors qu’il relève sa manche de pull, on découvre un modèle où « la grande aiguille fait la course avec la petite ». Pas question de plonger dans des technologies hors de son temps. « Tu changes quand même souvent de baskets », remarque sa femme Denise. « Oh mais je ne les use pas si vite vu mon poids plume », lui répond-il en exhumant ses médailles, coupes et autres maillots de finisher. « J’ai toujours terminé toutes les courses sur lesquelles je me suis lancé et surtout, je ne me suis jamais arrêté », précise-t-il encore.
Un mordu de sport
Ne jamais s’arrêter pourrait bien être le leitmotiv de Charly Bancarel. « Le sport, c’est tout le temps et partout pour Charly, témoigne la vendeuse du Sagranier, magasin qui communique directement avec la maison du marathonien, et dans lequel elle travaille depuis 25 ans. Je le vois régulièrement traverser la rue pour donner un coup de main au Bailliage. Un jour, je l’ai vu traverser la rue avec une brouette à l’ancienne, remplie de bouteilles en verre, qu’il emportait au recyclage. Sauf qu’il est passé sur le parking en contrebas ou la descente est un peu prononcée et j’ai bien cru qu’avec son minigabarit, il n’allait jamais s’arrêter », se remémore-t-elle dans un sourire avant de confier qu’il a été celui qui l’a accompagnée pour son mariage.
« Mon père était décédé et c’est au bras de Charly que je suis entrée. C’est un sacré personnage. A Salers, tout le monde le connaît, il a toujours un mot gentil pour les uns ou les autres. Je l’ai vu avec des larmes dans les yeux quand on lui a remis son dossard pour le marathon olympique ». »
« Son objectif, c’est le marathon 2024, assure Denise Bancarel. Il est en forme, toujours actif, je crois que ça le conserve ». « Aujourd’hui je ne cours plus sur les chemins et j’évite les trails. Je ne prends plus de plaisir dans les descentes, je prends soin de mes articulations », explique-t-il, en précisant également que, désormais, même à vélo, il a fait une croix sur les routes trop fréquentées. « Je fais plus attention à ma sécurité. J’aime bien faire des circuits autour du col du Puy Mary, mais ça grimpe pas mal, donc je prends le chemin le moins escarpé, par Mandaille. La montée est moins longue : elle fait 12 kilomètres ».
« Un litre pour un marathon environ, ça me suffit »
Un extraterrestre dans un corps d’homme de 93 ans, c’est la seule conclusion imaginable ! Et pourtant, Charly Bancarel ne prend pas de précautions médicales particulières en rapport avec son âge. « J’ai un certificat médical de mon médecin. Mon cœur est en pleine forme, ma tension est bonne et mes genoux, souples. J’ai de la chance de n’avoir jamais été blessé, se félicite-t-il. Mon docteur m’a juste mis en garde contre les crampes ou même des soucis de rein parce que je ne bois pas assez pendant les courses. Certains ont un « bag » (un CamelBak) là pour boire, vous voyez ? Mais moi je ne veux pas m’encombrer, je bois aux ravitaillements. Un litre pour un marathon environ, ça me suffit. La gourde, je ne la prends que pour le vélo. » Et le coureur de Salers d’ajouter qu’il n’a ni rituel d’avant-course, ni récupération particulière après 42 kilomètres. Rafraîchissant dans un cercle où les termes optimisation, nutrition et performance sont légion (coucou Fred Fromet !).
« Avant, je partais sur les courses, sur le marathon de Paris, celui de Dax ou de Toulouse, en voiture et je rentrais dans la foulée. Mais, maintenant, pour le marathon de Paris, je vais en voiture à Brive où je prends le train la veille. J’arrive à Paris gare d’Austerlitz, je pose mes affaires à l’hôtel à côté ou je dors toujours, et je vais récupérer mon dossard et me promener sur le salon. Parfois, je m’achète de nouvelles baskets là-bas. Ensuite je mange et me couche tôt. Le réveil sonne à 6 heures, je vais sur les Champs Elysées pour le départ et une fois ma course terminée, je reprends le train dans l’après-midi ». »
Charly Bancarel arrivait alors aux alentours de minuit à Brive et entre une heure trente et deux heures à Salers. « Mais cette année, je suis plus âgé, je vais peut-être rester une nuit supplémentaire à Paris ou à Brive et ne rentrer que le lendemain ». Un totem de sagesse pour celui qui se remémore avec plaisir les marathons de sa longue épopée : « New-York, Berlin, Londres, c’étaient de belles aventures. Le tout premier que j’ai fait, c’est celui du Médoc. Et je dois être le seul à ne pas m’être arrêté pour les dégustations, plaisante-t-il. J’avais terminé premier de ma catégorie à l’époque ».
Déjà doyen du marathon de Paris en 2019, Charly Bancarel l’avait bouclé en 5h22, lui qui s’était fixé de passer sous la barre des 6 heures. « Cette année, mon objectif c’est de le terminer pour pouvoir penser à celui de 2024 ». Il a reçu la confirmation par le président de la fédération d’athlétisme, André Giraud, qu’il pourra s’aligner au départ du Marathon pour tous, la version amateur du marathon olympique des Jeux de Paris 2024. « C’est grâce au commentateur Patrick Montel, qui a demandé directement au président du comité olympique ». Le Sagranier aura alors 95 ans et l’envie toujours « de laisser une trace à mes enfants et mes petits-enfants, de leur montrer qu’ils avaient un papy vraiment sportif ».