des bouchons olympiquesAvec les « voies olympiques » de l’été 2024, faut-il fuir Paris ?

JO de Paris 2024 : Face aux contraintes de circulation importantes, faut-il fuir Paris ou s’adapter ?

des bouchons olympiquesEn annonçant 185 kilomètres de voies olympiques en place du 1er juillet au 15 septembre 2024, l’organisation des Jeux a relancé la polémique sur un trafic francilien déjà régulièrement engorgé
Laure Gamaury

Laure Gamaury

Les habitants d’Île-de-France s’y attendaient, mais 185 kilomètres de voies réservées exclusivement aux personnes accréditées pendant deux mois et demi, c’est quand même « un désordre maximum et une gêne majeure pour tous les Franciliens qui travaillent et qui ont besoin de se déplacer », pour Yves, un lecteur de 20 Minutes.

Les Jeux olympiques de Paris vont concerner quelque 136 communes de la région Île-de-France, déjà largement connue pour son trafic routier engorgé. Sans parler des Jeux paralympiques, du 28 août au 8 septembre 2024, qui se dérouleront alors que l’année scolaire aura repris et que la « trêve aoûtienne » aura pris fin, avec le retour sur les réseaux de transport des « usagers du quotidien ».

Une expérimentation qui pourrait durer

Pour Florent Bardon, coordonnateur des mobilités pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, « ces voies vont avoir un impact sur le reste de la circulation », a-t-il affirmé lors d’un webinaire à destination des professionnels du fret.

« Des études de modélisation sont encore en cours pour finaliser l’ensemble des périmètres, et notamment identifier où et à quels moments on aura les principales difficultés sur le réseau viaire, et du coup définir des itinéraires alternatifs. L’ensemble de ces données - périmètre de circulation modifié et modélisation, devraient être disponibles d’ici à l’été 2023 ».

Mais pour Jean-André Lasserre, directeur du programme InTerLUD, qui favorise le déploiement de démarches de logistique urbaine durable pour le fret, les habitants d’Île-de-France ont tout intérêt à s’habituer à ces changements. « C’est une occasion unique de voir comment optimiser et expérimenter des collaborations, des outils, qui survivront aux Jeux, puisque leur ambition est de travailler sur la dimension durable ».

Pas de quoi rassurer nos lecteurs, comme Jean qui voit au-delà des JO : « Ce qui m’inquiète, c’est que ces voies olympiques risquent de rester en place après les Jeux olympiques et se généraliseront sur tout le Grand Paris ». Ou Guillaume pour qui le plan B est évident : « Passer au vélo ou fuir Paris pendant l’été 2024 ».

Vers l’exode des Franciliens à l’été 2024 ?

Ces 185 kilomètres constituent un périmètre défini par un décret de mai 2022. Il sera donc réservé aux personnes accréditées, c’est-à-dire « l’ensemble des athlètes, des médias, de la famille olympique qui va circuler soit en véhicules particuliers, soit par des navettes affrétées par Paris 2024. Ces voies seront également réservées aux véhicules de secours, aux transports en commun, aux taxis, expose Florent Bardon. Il est prévu d’activer ces voies réservées entre le 1er juillet et le 15 septembre 2024. Elles fonctionneront la journée entre 6 heures et minuit, et resteront ouvertes à l’ensemble de la circulation la nuit entre minuit et 6 heures ».



Le directeur du programme InTerLUD est confiant quant à l’adaptabilité des habitants de Paris et sa région : « Tous les acteurs sont enthousiastes et ont une forte envie de jouer le jeu et d’apporter leurs contributions. Avec une approche collaborative et de co-construction, qui s’inscrit dans l’après-Jeux, il est possible de se préparer aux contraintes, d’innover pour trouver faire émerger des solutions et de travailler ensemble en partageant les informations ».

Pourtant, les témoignages que 20 Minutes a pu recueillir n’ont pas cette touche d’optimisme. Daniel, artisan, qui travaille très régulièrement dans Paris, parle de cesser son activité pendant les JO : « J’y accède depuis l'A13, je viens de la banlieue ouest. Ça va être un enfer ».

Philippe est encore plus radical. « Je ferme ma société fin 2023 ou au premier trimestre 2024, j’en ai marre de tout ça : 5 à 6 heures quotidiennes de voiture pour visiter les chantiers en cours et ceux à venir… Ç’en est trop, après le Covid, il est temps de changer de vie ! ». Le directeur du programme InTerLUD tient à rappeler que « ce sont celles et ceux qui ont fait vivre Paris pendant le confinement qui sont à l’épreuve de ces Jeux, ils savent travailler dans un environnement très contraint au quotidien ». Peut-être trop.

Les dernières éditions, un exemple dont s’inspirer

Du côté d’InTerLUD, l’heure est désormais aux cas pratiques : « On doit rapidement basculer dans l’opérationnel et trouver des solutions pour les gens, qu’ils sachent comment s’organiser, quelles vont être les conditions d’accès et de circulation », soutient Jean-André Lasserre. Pour Jacques en revanche, ces voies olympiques ne sont rien de moins qu’une privatisation de l’espace public. « Des gens qui utilisent leur voiture pour aller travailler (souvent par contrainte) vont galérer pendant des mois dans des bouchons supplémentaires. Ou est passé le sens de l’intérêt collectif ? Pourquoi les citoyens banlieusards sont-ils devenus des personnes de seconde zone ? Doit-on espérer un retour des "gilets jaunes" ? », s’insurge-t-il.

Jean-André Lasserre plaide, lui, pour une « intelligence collaborative ». « On regarde ce qu’il s’est passé à Londres. On pense à une étude d’impact avant et après les Jeux ». Jonas, un autre lecteur de 20 Minutes plaide aussi pour ce scénario. « J’habite en proche banlieue et je dispose d’une voiture que j’essaie d’utiliser le moins possible, en raison des nombreux bouchons. Il me paraît donc essentiel de réduire à terme le nombre de voies sur les axes principaux, périphérique inclus, pour que seuls les gens qui n’aient pas d’autres alternatives prennent la voiture ».

« A Londres, l’enquête a montré que nombre d’opérateurs économiques ont maintenu des organisations et des pratiques qu’ils avaient lancées dans le cadre des Jeux, narre le directeur d’InTerLUD. Quand on regarde les retours sur Londres, la question de l’information en amont et pendant les Jeux s’est avérée essentielle ».

A un an et demi des JO à Paris, l’anticipation semble être dans toutes les bouches pour réussir au mieux ce pari XXL, pour les participants au grand raout, mais aussi pour les Franciliens. « Parce que, comme le rappelait Florent Bardon, il n’y a pas que les spectateurs des Jeux olympiques, il y a évidemment l’ensemble des habitants d’Île-de-France qui continueront leur vie dans le même temps ».