Vente du BHV : Les employés s’inquiètent, le repreneur rassure
COMMERCE•Le groupe Galeries Lafayette a annoncé ce jeudi, l’entrée en « négociations exclusives » avec la SGM pour la vente du magasin du MaraisRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Au lendemain de l’annonce de la future cession par le groupe Galeries Lafayette du BHV Marais, du BHV Parly et du site Internet bhv.fr à la Société des Grands Magasins, les employés s’inquiètent pour leur avenir.
- Si la direction a promis le maintien des emplois dans l’immédiat, les employés savent que la stratégie du futur propriétaire pourrait amener à de grands bouleversements.
- Pour le moment, la SGM et son président Frédéric Merlin se veulent rassurants et annoncent vouloir développer l’activité commerciale actuelle du BHV en s’appuyant sur l’expérience et les compétences des salariés en poste.
Une institution et beaucoup de questions. Après l’annonce de « négociations exclusives » entre le groupe Galeries Lafayette et la Société des Grands Magasins (SGM) pour la cession du BHV Marais, l’incertitude plane autour d’un des plus célèbres magasins parisiens.
Ouvert en 1856, le « Bazar de l’Hôtel de ville » était sous la houlette des Galeries Lafayette depuis plus de trois décennies. Mais les dernières années ont eu raison de l’idylle entre le groupe dirigé par Nicolas Houzé et le BHV. Entre autres décisions stratégiques, le groupe avance la crise du Covid-19, qui a entraîné une baisse du tourisme et le développement du télétravail, et la piétonnisation du quartier pour justifier le choix de laisser l’enseigne (murs et fonds de commerce) à la société lyonnaise.
Rester fidèle à l’ADN du BHV
Méconnue du grand public, cette dernière, spécialisée dans l’acquisition et la redynamisation des sites commerciaux de centre-ville, n’est pourtant pas une novice dans le domaine puisqu’elle compte déjà dix centres commerciaux et sept magasins Galeries Lafayette dans son escarcelle. Mais ces références n’empêchent pas certaines inquiétudes quant au devenir du magasin qui borde la rue de Rivoli.
« Ils ne vont quand même pas nous mettre des bureaux à la place ? » s’interroge Muriel, une fidèle du magasin depuis plus de vingt ans venue flâner vendredi matin. Comme elle, plusieurs clients apprennent la nouvelle en voyant deux caméras filmer la mythique coupole du magasin et croisent les doigts.
Muriel peut d’ores et déjà se rassurer, il n’est pas dans les objectifs de la SGM de transformer les lieux en espace de coworking. Contacté par 20 Minutes, Frédéric Merlin, président de la SGM assure être un acteur du commerce et vouloir développer l’activité commerciale du lieu : « Nous voulons redonner ses lettres de noblesses au magasin en restant fidèle à l’ADN du BHV. »
Nouvelle stratégie, nouvelles têtes ?
Mais le communiqué annonnçant les négociations, il évoque également la possibilité « d’évolutions à apporter sur les sites » et l’envie « de mettre en valeur un patrimoine immobilier unique, avec des immeubles de grande qualité » sans donner plus de précisions.
C’est ce manque d’informations qui fait naître une petite appréhension chez les employés du magasin quant à leur avenir. « On savait que quelque chose allait se passer, il y avait des bruits de couloir qui parlaient d’une vente, mais dans les faits, on l’a appris avec ce communiqué. On ne sait rien de plus », explique Nimirf Silver, délégué syndical à Solidaires Sud BHV. Aux syndicats, la direction a promis un maintien de tous les emplois.
Mais ces derniers restent sur leurs gardes : « Dans l’immédiat, oui, tout le monde devrait être gardé. Mais à plus long terme, dans la nouvelle stratégie, à quoi doit-on s’attendre ? ». Une inquiétude d’autant plus grande que beaucoup de salariés sont proches de l’âge de la retraite.
Plus de spécialistes de l’extérieur
« On est nombreux à avoir vingt ou trente ans de boîte, raconte un représentant du personnel, nous sommes viscéralement attachés à cette entreprise, alors quand ça parle de nouvelle stratégie, on se pose des questions. » Aussi, les rumeurs de renforcement de l’activité vers la maison et les équipements plutôt que la mode et le bricolage font craindre pour les employés concernés par ces secteurs.
« Le sous-sol bricolage n’a rien à craindre. C’est un endroit incroyable, son odeur, ses détails. Même les interrupteurs sont spéciaux. Nous n’avons pas l’intention d’y toucher », répond Frédéric Merlin qui va même à contresens des angoisses des salariés les plus anciens : « Ils sont une richesse incroyable pour l’entreprise. Ils sont expérimentés et hautement qualifiés. Ce sont leurs conseils qui permettent de faire une différence entre le magasin et le e-commerce. »
Le futur président l’assure, il n’y aura pas de plan social : « Au contraire, nous voulons investir dans le capital humain, et profiter de notre expérience pour permettre au magasin de générer du flux grâce à un certain nombre d’animations que nous maîtrisons. »
Restent quelques inquiétudes pour les salariés qui ont noté certaines phrases peu sécurisantes dans une interview accordée au Parisien. « Il dit que les secteurs confiés à des spécialistes extérieurs comme Boulanger performent mieux. Ça laisse penser qu’on pourrait être remplacé par ces entreprises », explique Sophie*.
Une réunion la semaine prochaine
D’autres travailleurs, pourtant déjà salariés d’entreprises extérieurs craignent aussi pour leur emploi. Ceux que l’on appelle les « démos », ces personnes qui gèrent les stands (les « corners ») de marque à l’intérieur même du magasin. Ils sont très présents à l’étage des vêtements et marque de luxe. François* est l’un d’entre eux : « J’ai cru comprendre que le nouveau propriétaire n’est pas fan du luxe ici. [Frédéric Merlin estime que le luxe n’est pas pertinent au BHV, notamment en raison de la concurrence proche géographiquement de la Samaritaine et privilégierait une mode plus accessible]. Mais moi je ne suis pas en CDI ici. Si le corner disparaît, je disparais avec. Je ne vois pas mon employeur m’embaucher ailleurs. »
Tous, employés comme clients devraient en savoir un peu plus très bientôt puisqu’une intersyndicale doit se réunir dans le courant de la semaine prochaine afin d’entamer des discussions avec la direction des deux groupes au sujet de l’avenir à dessiner pour le magasin. Quant à Frédéric Merlin, il espère pouvoir rencontrer les représentants du personnel « le plus rapidement possible » pour leur dévoiler les grands axes de stratégie et les rassurer sur le devenir du magasin.