Meurtre de Lola : La cellule psychologique raconte l’impact sur les habitants du quartier
blessures•Une dame et ses cauchemars, une famille désorientée… Deux psychologues qui ont reçu des habitants et habitantes du quartier, voire de l’immeuble de Lola, se sont livrés à « 20 Minutes »
A.L.
L'essentiel
- Une cellule psychologique a été mise en place à la mairie du 19e et dans l’arrondissement pour les habitants et habitantes du quartier, après le meurtre de Lola.
- Les psychologues, qui ont achevé leurs permanences le 12 novembre dernier, racontent à « 20 Minutes » les récits qu’ils ont entendus.
- Parmi les récits, une famille qui avait réorganisé ses journées à cause de la crainte qu’il n’arrive quelque chose aux enfants, un homme d’origine algérienne pris d’angoisse que cela ne lui retombe dessus, ou encore une femme aux prises avec ses cauchemars.
«Il n’y a pas eu foule mais ça a quand même permis d’apaiser un peu les choses » : c’est ainsi que Vanda Ferencikova, psychologue à la cellule de soutien mise en place après le meurtre de Lola, dresse le bilan de son travail. Cette cellule a été mise en place à la mairie du 19e et dans l’arrondissement pour les habitants et habitantes du quartier, après le meurtre sauvage de cette adolescente de 12 ans, mi-octobre, et était ouverte jusqu’au 12 novembre dernier.
La praticienne de l’association L’Epoc a assuré une permanence à la mairie du 19e à la fin du mois d’octobre. Elle a surtout vu des parents, qui « se sont identifiés aux parents de Lola ». Une femme que ce drame a renvoyée à sa crainte en tant que mère, et à un « deuil qu’elle a vécu il y a longtemps qu’elle pensait avoir surmonté et qui a été ravivé par cet événement ». Et une famille dont les enfants fréquentaient Lola, et dont le quotidien « a été complètement bouleversé par cet événement ».
« Même leur lieu de vie était devenu insupportable, cet événement est venu précipiter une volonté de déménagement », détaille la praticienne. Les parents depuis lors s’organisent pour emmener les enfants à l’école, « ils ne rentraient plus à la maison pour manger, ils restaient à l’école ». Le travail de Vanda Ferencikova a consisté à essayer de les aider à trouver de nouveaux repères.
« Deuil d’un idéal de vie ensemble »
Un autre praticien, Patrick Almeida, a eu affaire à d’autres cas, très différents, dans les mêmes locaux. Il a vu cinq personnes en tout, durant deux permanences. « C’était des personnes qui habitaient dans l’immeuble », explique-t-il à 20 Minutes. Pour ces habitants et habitantes, le meurtre de la petite Lola a suscité « incompréhension et colère », et généré la « crainte d’un désordre du monde, et un sentiment d’insécurité ».
Le psychologue se souvient de deux cas en particulier. Une dame « d’une trentaine d’années », « venue en larmes », qui n’arrivait plus à dormir après ce qu’il s’est passé. « C’était une personne qui se trouvait déjà dans un problème d’insertion professionnel et social, et cet événement a rajouté une couche à sa phobie sociale », se souvient Patrick Almeida. Et un « monsieur algérien » ou d’origine algérienne, qui était « en sanglots dans une sorte de mélange de tristesse pour les parents de la jeune fille et de crainte pour lui », avec la « peur d’être stigmatisé à cause de son origine », la suspecte du meurtre de Lola, Dhabia B., étant née en Algérie. « Il n’arrivait plus à dormir, son angoisse pour l’avenir tournait en boucle, il craignait d’être puni à cause du fait que la suspecte est aussi algérienne. Il était très mal », se souvient le psychologue.
Finalement, beaucoup de ces personnes avaient à gérer selon le psychologue une forme de « deuil d’un idéal de vie ensemble, de la vie en communauté », et ont pu partager leur tristesse et leur mélancolie. « C’était important que cette cellule soit mise en place, d’autant que ce n’était pas des personnes qui ont l’habitude de consulter », abonde sa collègue Vanda Ferencikova. Et de conclure : « Cela leur a permis de mettre des mots sur ce qu’ils ressentaient, de penser les choses, face à quelque chose de terrible et dénué de sens. »