Paris annonce avoir planté 38.550 arbres, mais ce chiffre a-t-il un sens ?
CHIFFRES•Sur les 21.000 nouveaux « arbres » plantés cet hiver à Paris, la très vaste majorité ne sont que des plants forestiers, dont seule une minorité survivraAude Lorriaux
L'essentiel
- La mairie annonce avoir planté depuis 2020 38.550 arbres, et veut en planter 21.000 cet hiver.
- Mais dans les nouveaux arbres, 18.000 seront plantés dans les bois et talus, avec un ratio de 20 % de jeunes arbres et 80 % de plants forestiers, or selon chercheurs et associations écologistes seule une toute petite minorité de ces plants forestiers survivront.
- Surtout, pour France Nature Environnement, ces chiffres n’ont en réalité que peu de sens, car planter des arbres apparaît comme moins prioritaire que de protéger ceux qui sont déjà là.
Il y a deux ans et demi, la maire de Paris Anne Hidalgo promettait de planter 170.000 arbres dans la capitale. A quelques jours de la saison de plantation, où en est-on de ce pari jugé « intenable » ou « impossible » ? Dans une communication qu’elle doit lire en Conseil de Paris ce jeudi ou vendredi, la mairie annonce avoir planté, depuis 2020, « 38.550 arbres supplémentaires ». Des chiffres contestés par des associations, tandis que le plan fait l’objet de critiques à droite ou chez les écologistes.
Première chose à savoir : la majorité des arbres plantés par la ville l’ont été dans les bois et sur les talus du périphérique. Sur les 38.000 et quelques arbres, on ne trouve en réalité que 8.000 arbres intramuros. Pour cet hiver, la mairie promet 1.000 nouveaux arbres dans plus de 70 rues de Paris, notamment place du Colonel Bourgouin (12e) où seront plantés 38 arbres et rue Harpignies (20e), qui devrait recevoir 14 arbres. 7.000 nouveaux arbres seront plantés dans les bois et plus de 11.000 sur les talus.
Des plants forestiers pour la plupart, pas des arbres
Mais surtout, parmi ces arbres, on trouve des arbres qui ont entre 10 et 12 ans, et de simples plants forestiers. Selon l’adjoint à la végétalisation Christophe Najdovski, les arbres plantés dans les bois ou sur les talus comprennent un ratio de 20 % de jeunes arbres et 80 % de plants forestiers. « On n’aura pas 170.000 arbres au final, quand on plante des forêts il y a une sélection naturelle qui se fait », reconnaît l’adjoint, qui admet qu’il s’agit pour la plupart de plantations et non d’arbres, contrairement à la communication qui en est faite en Conseil de Paris ou dans la presse. Au final, sur les 21.000 nouveaux arbres plantés cet hiver, Christophe Najdovski admet 18.000 « plantations ».
Combien exactement survivront ? Difficile à dire, mais selon Christine Nedelec, présidente de France Nature Environnement Ile-de-France, s’il s’agit de plantations inspirées de la méthode Miyawaki, « très rapidement vous n’aurez qu’un arbre sur 100 qui va pousser ». « Un arbre adulte, c’est entre 25 et 33 m2 or la méthode Miyawaki, ça consiste à mettre trois pieds d’arbres par mètre carré. Ils n’ont pas la place pour se développer. Il y a 99 % de pertes à 50 ans. C’est un peu comme dire qu’un clou est comparable à la tour Eiffel. Entre un gland qui vient de germer et un arbre de 60 tonnes, il y a une énorme différence. La mairie utilise cette méthode pour gonfler artificiellement les chiffres », ajoute Tangi Le Dantec, cofondateur d’Aux Arbres citoyens.
Une étude menée en Europe sur la « méthode de Miyawaki » fait état de 61 à 84 % de mortalité des arbres 12 ans après la plantation. L’adjoint à la mairie de Paris précise cependant que tous les plants forestiers ne sont pas plantés selon la méthode de Miyawaki : « Les plants forestiers peuvent être plantés selon d’autres méthodes, avec moins de densité. »
Défendre les vieux arbres
Surtout, pour Christine Nedelec, ces chiffres n’ont en réalité que peu de sens, car planter des arbres apparaît comme moins prioritaire que de protéger ceux qui sont déjà là. « C’est stupide de s’arc-bouter sur les histoires de comptes, ce qu’on voudrait c’est limiter les abattages, car ce qui compte dans les arbres c’est la surface foliaire, c’est pour cela qu’on défend les vieux arbres, qui ont plus de surface, et qui ont réussi à s’acclimater, et ont plus de chances de survivre », estime Christine Nedelec.
« Ça ne sert à rien de planter des milliers d’arbres, et comme il n’y a pas d’espace, la priorité c’est de protéger les arbres en place », abonde Tangi Le Dantec, pour lequel il est impossible de planter 170.000 arbres à Paris, qui occuperaient « une surface totale de pleine terre équivalente… au 17e arrondissement dans son entier ».
Pas de plan de financement
Côté écologiste, le bilan du plan arbres « laisse un peu sur sa faim ». Chloé Sagaspe, vice-présidente de la commission Environnement au Conseil de Paris, regrette qu’il n’y ait pas de plan détaillé par quartier des plantations, et pas d’information sur les forêts urbaines promises par la mairie de Paris, hormis celle place de la Catalogne, dont les travaux ont débuté, et où l’on apprend que 400 arbres y seront plantés. « Quid de la forêt sur le parvis de l’hôtel de ville ? Du projet dans le 12e ? A ce jour, on n’a pas de visibilité, et toujours aucun plan de financement, s’inquiète l’élue du groupe Les Écologistes. C’est bien de voter des plans ambitieux mais il faut qu’on se donne les moyens, et pour l’instant nous n’avons pas d’information sur le recrutement des personnels à direction des espaces verts. »
« Place du Colonel Fabien, la concertation démarre bientôt. Et place de l’hôtel de ville, c’est plus complexe, on en est au stade des études », répond Christophe Najdovski. Loin en somme du rêve initial annoncé dans le Journal du Dimanche : une « centaine » de mini-forêts urbaines.