A Courbevoie, des chômeurs créent une « entreprise éphémère » pour trouver un job
COLLECTIVE ATTITUDE•Le projet « Les Entreprises Éphémères pour l’Emploi » a lancé fin septembre sa 28e édition avec des demandeurs et demandeuses d’emploi de plus de 45 ans
Aude Lorriaux
L'essentiel
- Six agences de Pôle emploi dans les Hauts-de-Seine se sont associées au projet Les Entreprises Éphémères pour l’emploi, qui vise à fédérer pendant plusieurs semaines des demandeurs et demandeuses d’emploi au sein d’une entreprise éphémère dont le but est de trouver un emploi à tous et toutes.
- Les 52 personnes associées au sein de l’entreprise « Activ’acteurs » qu’ils ont créé à Courbevoie sont des chômeurs et chômeuses de longue durée, de plus de 45 ans.
- Plus tôt cette année, l’édition consacrée aux jeunes à Nanterre a permis d’avoir 53 % de sorties positives mais « il y a des résultats mesurables, et d’autres pas. J’ai pu voir une transformation incroyable de personnes recroquevillées sur elles-mêmes qui ensuite reprennent confiance », explique Alexis, l’un des coachs du projet.
«Tous pour un, un pour tous. » La devise traditionnelle des mousquetaires vaut dans bien des domaines, où la force collective et l’union des intelligences sont souvent bien plus efficaces que de jouer solo. C’est avec ce leitmotiv en tête qu’œuvre en ce moment même à Courbevoie le projet Les Entreprises Éphémères pour l’Emploi, qui propose à une cinquantaine de chômeurs et chômeuses de se réunir pendant six ou sept semaines autour de la recherche d’emploi, en fonctionnant comme une véritable entreprise.
« Il y a plein de gens qui recherchent un emploi et c’est plus facile de le faire ensemble. L’idée est qu’on est capable de choses extraordinaires lorsqu’on mutualise les efforts », explique Alexis, coach indépendant chargé avec deux autres de ses collègues d’encadrer et de motiver 52 personnes, jusqu’au 27 octobre. La plupart sont des chômeurs et chômeuses de longue durée, âgées de plus de 45 ans, et beaucoup sont des cadres. « C’est la particularité du bassin d’emploi, dans notre agence de Levallois Perret, nous avons 50 % de cadres », explique Belkacem Ihallaine, directeur d’une agence Pôle emploi à Levallois-Perret, et qui fait partie des six agences qui ont contribué au projet.
Un service RH et même un service communication
Le petit groupe fonctionne comme une véritable entreprise, qui s’est d’ailleurs donné un nom, « Activ’acteurs ». On y trouve un service ressources humaines, qui gère les absences et aide à réécrire les CV ; un service communication, qui accueille les invités ou les journalistes un service « Web », qui va notamment faire de la veille sur les offres d’emploi qui ne seraient pas disponibles sur Pole emploi ou les sites classiques. Puis, enfin, deux services clé du projet, chargés de la recherche d’emploi à proprement parler : le service « face à face » qui fait du porte à porte et « invite » les entreprises à venir rencontrer les demandeurs d’emploi sur place, et le service « call », qui va faire des relances auprès des entreprises du coin qui auront fait preuve d’un intérêt.
« On apprend un nouveau métier ! » s’enthousiasme Caroline, 46 ans, du service « face à face », et qui à l’origine travaillait dans un service des achats. La voilà reconvertie en quelque sorte pour quelques semaines en commercial, pour le bien du collectif. « Pas toujours évident » reconnaît-elle, mais elle juge l’expérience « très dynamisante ».
La journée type de ces associés et associées d’un nouveau genre commence le matin par un brief, où chacun partage ses avancées. C’est dans la matinée également que des entreprises viennent passer une tête, pour un « open job » : elles présentent leurs postes, et s’ensuivent éventuellement des entretiens. L’après-midi chacun poursuit sa mission pour le collectif, et à 16h30, on débriefe, et notamment le service face à face, qui doit rendre compte de sa pêche miraculeuse, ou pas.
Ouvrir des horizons et redonner confiance en soi
Ce brassage des compétences et des profils a pour effet, sur certains « recruteurs de recruteurs », comme ils se nomment avec un peu de facétie, d’ouvrir les horizons. C’est ainsi que Valérie, 56 ans, attachée de presse, a passé un entretien pour devenir business manager, un poste auquel elle n’avait jamais pensé auparavant.
L’entreprise éphémère redonne aussi chez d’autres une confiance en soi qu’ils n’avaient plus forcément, après des mois, voire des années, sans emploi. C’est le cas pour Pascale, 56 ans, qui n’était plus en emploi depuis sept ans : « On est plein de doutes, mais l’entreprise éphémère m’a permis d’avoir plus confiance en moi. Je n’ai rien à perdre, j’ai tout à apprendre. » « Il y a des résultats mesurables, et d’autres pas. J’ai pu voir une transformation incroyable de personnes recroquevillées sur elles-mêmes qui ensuite reprennent confiance. C’est un véritable tremplin psychologique », abonde le coach Alexis.
« J’ai trouvé bien plus qu’un emploi »
En matière de résultats sonnants et trébuchants, le projet n’est pas en reste. Cette année, l’édition consacrée aux jeunes à Nanterre a permis d’avoir 53 % de sorties positives. En moyenne, les éditions précédentes ont 35 à 45 % de retour à l’emploi dans le mois qui suit, et 60 à 70 % dans les six mois. A Courbevoie, deux personnes ont déjà « sonné la cloche », autrement dit, ont trouvé un job, une autre est en passe de décrocher le précieux sésame, et Valérie, par exemple, a déjà eu quatre entretiens depuis le 23 septembre.
Et les résultats continuent de tomber parfois bien après la fin de l’expérience. Hajar, 25 ans, qui a participé à l’édition de Nanterre, a trouvé un job comme consultante dans le digital learning, chez Altissima group, et a coopté deux mois après son ancien « associé » de l’entreprise éphémère qui recherchait un poste de graphiste. La jeune femme retient un très bon souvenir de sa « très belle expérience », dit-elle : « On en apprend beaucoup sur soi, on développe beaucoup de compétences, on apprend des savoir-être et des savoir-faire. J’ai trouvé un emploi, mais j’ai trouvé bien plus que ça. »