Ile-de-France : Faute de conducteurs, des RER C et D supprimés pour la rentrée
TRANSPORTS•Les transports en commun vont être au ralenti sur certaines lignes d’Ile-de-France, en cette rentrée, faute de conducteurs. Les RER C et D sont les plus touchés par le manque d’effectifsGuillaume Novello
L'essentiel
- La rentrée est compliquée pour les usagers des transports en commun, en particulier sur les lignes C et D du RER où certains trains ont été supprimés.
- La faute à une pénurie de conducteurs de train mais aussi de bus. Il en manquerait ainsi 1.800 pour conduire bus et car dans la région, selon les chiffres d’Ile-de-France Mobilités.
- Pour faire face à ce problème lié à un contexte social peu favorable, aux effets du Covid-19 et à une attractivité des métiers en baisse, les opérateurs franciliens de transport annoncent vouloir mettre les bouchées doubles pour recruter cette main-d’œuvre si précieuse.
C’est la mauvaise surprise de la rentrée. Des voyageurs des RER C et RER D sont restés à quai en cette fin août en raison d’une pénurie de conducteurs. « Concernant le RER C, il y a 19 trains supprimés sur 600 quotidiens environ. Il s’agit de 4 % de l’offre de transport et de 1 % des voyageurs de la ligne », indique Transilien SNCF. Pour le RER D, le syndicat SUD-Rail avance le chiffre de 28 trains supprimés par jour, non confirmés par Transilien. « Nous avons demandé que les suppressions affectent le moins possible les voyageurs », affirme Grégoire de Lasteyrie, vice-président d’Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des transports dans la région.
Selon Transilien, pour la ligne D, ces difficultés sont liées à des problèmes d’organisation, notamment liés aux congés d’été et le retour à la normale devrait prendre une quinzaine de jours. En revanche pour le RER C, ce sera plus long, sans doute jusqu’à fin septembre, en raison de problèmes plus structurels de pénurie de main-d’œuvre. Cette gestion est compliquée par le fait qu’un conducteur d’une ligne de RER ne peut pas faire un remplacement au pied levé sur une autre ligne, en raison des spécificités de ces mêmes lignes.
Hémorragie à la SNCF ?
Outre les problèmes d’absentéisme liés au coronavirus, Transilien explique ces difficultés par le « contexte économique et social actuel ». « Nous connaissons, comme beaucoup d’entreprises en ce moment, des difficultés de recrutement, indique l’opérateur de transports. La crise sanitaire, économique et sociale liée au Covid-19, a ralenti le recrutement et la formation de nos agents ces deux dernières années », sachant que la formation d’un conducteur dure un an. Fabien Villedieu, conducteur de train et représentant SUD-Rail, avance d’autres facteurs pour expliquer cette situation. « En 2021, nous avons eu un plan de performance pour générer des bénéfices, mais on n’a pas fait le recrutement et on en voit les conséquences aujourd’hui, dénonce-t-il. Ensuite, avec la fin du statut de cheminot, c’est un levier d’attractivité qui a disparu et il y a beaucoup de turn-over à la SNCF en raison de la situation sociale catastrophique. Selon le bilan social 2011-2021, on est passés de 1.000 départs de cheminots par an à 3.000. » Les organisations syndicales ont d’ailleurs prévu de se voir le 1er septembre pour discuter de la situation.
Quelles que soient les causes de cette pénurie, Transilien veut mettre le paquet pour recruter et atteindre son « objectif de 600 recrutements, notamment 200 conductrices et conducteurs de train et de tram-train et 150 agents de services en gare » pour 2022. Afin d’y parvenir, il lance diverses actions : « job dating, campagne de communication, offre d’emploi via les mairies, présentation des métiers en milieu scolaire, etc. » Toutefois, cet activisme n’évitera pas à Transilien des pénalités financières. « Ce n’est pas acceptable à nos yeux, explique Grégoire de Lasteyrie. On paye pour un service et quand le service n’est pas rendu, on ne le paye pas. En fonction du niveau de transports fournis, il y a des pénalités qui viennent réduire les fonds que verse IDFM aux opérateurs. »
Pas loin de 2.000 conducteurs de bus manquent à l’appel
Malheureusement, il n’y a pas que les conducteurs de trains qui se font rares, ceux de bus sont également aux abonnés absents. « Il manque environ 1.800 conducteurs de bus sur un effectif total de 30.000 personnes, poursuit le vice-président. Plus globalement, les secteurs du service ont du mal à recruter, on l’a vu dans l’hôtellerie-restauration. Ces métiers ont des contraintes, d’horaires notamment, et sont moins attractifs. » Un constat partagé par Transdev qui opère pour le compte d’IDFM près de la moitié des lignes de bus de grande couronne. « Pour redonner de l’attractivité au métier, nous nous appuyons sur notre campagne "Destination 500 emplois" avec une des affichages, des véhicules destinés à l’emploi et la formation », énumère Pierre Talgorn, directeur régional Ile-de-France.
Transdev a aussi lancé son Académie pour former ses conducteurs. « Le cursus est sanctionné par un diplôme qui permet d’accéder au métier de conducteur et on compte en former 200 par an », décrit Pierre Talgorn. La RATP, qui souhaite embaucher un peu plus de 700 conducteurs d’ici à la fin de l’année, mise également sur la formation en proposant de prendre en charge l’obtention du permis D, qui permet de conduire des véhicules de transport. « Le permis D, si vous le passez à vos frais, c’est 8.000 euros, affirme Grégoire de Lasteyrie. Donc l’obtenir via une formation d’un de nos opérateurs, c’est un plus sur un CV ! »
Cooptation et QR Code
Comme tous les moyens sont bons pour recruter, Transdev a également mis en place un système de cooptation avec une prime de parrainage pour ses salariés qui attireraient des recrues. « Nous avons aussi simplifié nos processus de recrutement, précise le directeur régional. Plus besoin de CV ou de lettre de motivation. Il suffit de flasher un QR Code et de suivre la procédure. » Enfin la RATP annonce « qu’au moins 600 places sont proposées en 2022 via la voie de l’alternance pour le poste de conducteurs de bus ». De son côté, la région a mis en place le revenu jeune actif réservé aux 18-25 ans qui verse environ « 4.000 euros sur six mois pour un jeune qui décide de se former sur un métier en tension et les métiers du transport en font partie. C’est l’anti RSA », vante Grégoire de Lasteyrie.
Malgré ce manque de main-d’œuvre, Transdev assure « couvrir l’ensemble des services pour la rentrée ». De son côté la RATP reconnaît « quelques difficultés d’exploitation sur certaines lignes de bus cet été » mais promet que « dès à présent, l’offre de transport s’est améliorée ». Du côté de l’autorité organisatrice, on reste vigilants. « On demande aux opérateurs de poursuivre leurs efforts de recrutement et que les circuits desservant les établissements scolaires ne soient pas ceux qui soient impactés en cas de réduction du service », indique Grégoire de Lasteyrie. Pas d’excuses donc pour rater la rentrée.