« Mon premier bureau », le coworking « le moins cher d’Île-de-France », lance un appel à l’aide
INITIATIVE•Les « abonnés » de ce coworking solidaire ont dû quitter dimanche leurs bureaux situés à Bondy et l’association appelle à l’aide pour aider « un nouveau service public »
Aude Lorriaux
L'essentiel
- Mon premier bureau, qui revendique sur son site être « l’espace de coworking le moins cher d’Île-de-France », cherche de nouveaux locaux.
- L’initiative de coworking solidaire, à un euro par jour, doit quitter ses locaux à Bondy.
- Ses « abonnés » et surtout abonnées racontent comment ce coup leur a donné confiance en eux.
C’est un bureau agréable, avec du jaune sur les murs, du parquet, de grands fauteuils à roulettes et des tables de travail spacieuses. Exactement comme dans un bureau partagé, sauf qu’on est ici à Bondy, en Seine-Saint-Denis, dans une barre d’immeuble plutôt vétuste et promise à la destruction. Et surtout, que le loyer ici n’est que de 30 euros par mois, soit environ dix fois moins cher qu’un espace de coworking classique. Ce sont les locaux de Mon premier bureau, qui revendique sur son site être « l’espace de coworking le moins cher d’Île-de-France ».
« Rendre le coworking accessible à tous », telle est la devise de l’initiative lancée en 2016 par Benoît Delol, qui en est à son troisième espace de coworking solidaire. L’objectif est de rendre le coworking accessible à la fois du point de vue financier mais aussi du point de vue « géographique », car il existe peu d’espaces de coworking en dehors de Paris.
Un tiers vient de Bondy
« A Bondy il n’y avait rien, ni même à Noisy ou au Raincy », explique Danya, 32 ans, une Bondynoise qui allait jusque-là dans des cafés ou des espaces « à la journée », très ponctuellement à cause de leur prix élevé, quand elle n’en pouvait plus de rester chez elle. Consultante en stratégie digitale, formatrice et entrepreneuse, elle a rejoint l’aventure Mon premier bureau en septembre, à la suite d’un long congé parental de six ans. Le confinement l’a persuadée qu’il n’était pas question de travailler sans arrêt chez elle. « Ça m’a permis de dynamiser ma manière de travailler surtout après deux ans de confinement », explique celle qui a créé une plateforme d’entreprenariat féminin, lesmamassitas.fr.
Danya occupe avec une quinzaine d’autres « abonnés », comme les appelle Benoît Delol, l’espace de 54m2, pour cinq ou six postes partagés. Mais comme les coworkers et coworkeuses ne sont jamais tous là en même temps, pas d’embouteillage. Un tiers vient de Bondy, selon le président de Mon premier bureau, les autres des villes voisines. A part Josiane, 35 ans, parisienne et surtout artisane, à qui Mon premier bureau offre un véritable atelier.
« Ça m’a enrichi et donné du courage »
Sa pièce à elle regorge encore plus de couleurs. Sur une étagère, des chaussures dorées, rouges et noires surplombent des robes chatoyantes. Un meuble de boucher trône au milieu de la pièce, qui fait figure d’établi, avec une machine à coudre. Un mannequin le jouxte, avec au mur, un miroir et les « dessins stylés humoristiques » de Josiane, qui est en train de composer un livre avec ces petites compositions de femmes longilignes.
« Je dessine, je couds, pour les femmes et pour les poupées aussi ! » dit-elle, en nous montrant des barbies haute couture, vraiment très chics. Josiane, qui est là depuis décembre, a lancé sa propre marque, christina è giò, dont elle compte bientôt commencer à vendre les pièces. Ce qui lui apparaissait comme un rêve il y a encore quelques mois est devenu réalité, et l’association qui héberge son bureau y est pour beaucoup. « Ça m’a enrichi et donné du courage. Quand on est une femme et qu’on se lance dans l’entreprenariat, ce n’est pas évident. Au départ je ne pensais pas ouvrir un atelier, mais maintenant, je me dis que tout est possible ! », dit-elle en citant Marylin Monroe : « Nous sommes tous des étoiles, il nous suffit juste d’apprendre à briller ».
« La plupart des gens ici ne seraient pas venus pour 80 ou 100€ par mois »
« Confiance », c’est aussi le mot brandi par Leslie, 31 ans, arrivée en mars après un master d’ergonomie. Comme beaucoup d’autres, elle a effectué des recherches sur Internet pour trouver un coworking pas cher non loin de chez elle, et s’est rendu compte qu’il n’y avait pour ainsi dire rien, hormis justement cet espace. « La plupart des gens ici ne seraient pas venus pour 80 ou 100€ par mois », affirme Benoît Delol, citant le cas d’un ex-coworker qui avait quitté un ancien bureau de l’association car il ne pouvait plus se le permettre financièrement, quand celle-ci faisait encore deux tarifs à 99 et 49 euros.
Comme tous les bureaux partagés, Mon premier bureau offre de tisser des liens avec d’autres entrepreneurs ou employés freelance, une atmosphère de travail « propice à la créativité » selon Fatou, 23 ans, qui a monté une agence marketing digital beauté et bien être. « On se donne des idées et du soutien. Et la bibliothèque, ce n’est pas idéal quand il faut passer des coups de fil ! ».
L’association doit quitter les lieux
Malgré tous ces avantages, l’association a dû quitter les lieux dimanche, car la barre d’immeuble dans laquelle elle a élu domicile va être détruite. C’était prévu d’avance, l’association avait signé un contrat en ce sens avec la communauté de communes Est ensemble et le loueur social 3F, et a même squatté les lieux deux mois de plus.
Pour autant, tout le monde est triste de partir, et Benoît Delol se démène à présent pour trouver un lieu plus pérenne. « C’est une idée évidente qui doit être reprise », martèle le président de l’association, qui a envoyé un carton d’invitation au ministre de l’Economie, Bruno Le maire, à la secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire, Marlène Schiappa, à la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, et au président du département, Stéphane Troussel.
« C’est un nouveau service public »
Pour l’instant, seule une conseillère du président de la Seine-Saint-denis s’est déplacée, ce qui désespère Benoît Delol, qui a l’impression que les hommes et femmes politiques ne prennent pas la mesure de ce que représente son association. « Il faut que les décideurs politiques intègrent ce nouveau besoin. C’est un nouveau service public », estime-t-il.
Et ce n’est pas les autres coworkers et coworkeuses qui vont le contredire, tant tous et toutes sont persuadées de l’important coup de pouce que ce dispositif leur a donné. Danya plaide elle aussi avec force pour que l’initiative soit « multipliée dans les quartiers populaires » : « C’est vraiment important d’avoir un réseau. Comment faire sinon quand on est dans une commune dynamique mais où il n’y a pas d’espace de rencontre avec d’autres créateurs ? »