Privés de terrasses, restaurateurs et cafetiers craignent de rester en rade

Paris : Privés de terrasses cet été, des restaurateurs et cafetiers craignent de rester en rade

ON SE FAIT UNE TERRASSE?Cela fait plus de deux mois que les premières terrasses estivales ont ouvert dans les rues de Paris et pourtant, certains patrons de bars et restaurants attendent toujours une réponse à leur demande
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Depuis le 1er avril, les propriétaires de bars, restaurants et cafés ont pu déployer leurs terrasses estivales, qui remplacent les terrasses éphémères de l’après Covid-19.
  • Tous ? Non car certains d’entre eux n’ont toujours pas reçu de réponse de la ville de Paris à leur demande, ce qui les prive d’un manque à gagner certain.
  • « Face aux nombreuses demandes, il y a un ou deux mois de traitement », indique, de son côté, la mairie.

«Cela fait plus de trois mois que j’attends une réponse », soupire Bertrand, derrière le comptoir de son bar-restaurant La Bicyclette, dans le 19e arrondissement de Paris. Le gaillard barbu souhaite installer une terrasse estivale sur les places de stationnement devant son restaurant là, où deux ans auparavant, il avait pu installer une terrasse éphémère, au sortir du Covid-19. « J’ai envoyé une première demande mi-février à laquelle on m’a répondu pour réclamer des précisions. J’ai donc renvoyé une demande début mars, mais depuis plus rien », raconte le bistrotier.

Si, contexte oblige, les critères pour obtenir des terrasses éphémères étaient plutôt lâches au printemps 2020, ils se sont durcis avec le changement de dénomination. Ainsi, depuis le règlement de juin 2021, il est par exemple interdit d’utiliser du bois de palette pour construire sa terrasse et même d’y installer, quand elle se situe sur une place de stationnement, des « mobiliers de type tabourets, bancs, mange-debout ».

Absence d’interlocuteur

Et le contrôle est tatillon, parfois trop selon Nika, propriétaire de Supra Cave près de la rue de Belleville (20e arrondissement). « J’ai fait trois demandes, une début janvier, une début février et une mi-mars, énumère-t-il. Et alors que j’avais eu l’autorisation pour l’été dernier, cette année, j’ai essuyé deux refus, en grande partie infondés puisqu’on me reproche de déborder au-delà de la ligne de stationnement et de dépasser 1,30 m ce qui n’est pas du tout le cas. La seule critique avérée était que ma terrasse masquait le caniveau et gênait le travail des éboueurs. J’ai modifié ce point mais toujours pas de retour. » Ce qui l’agace est qu’il n’y a « personne comme interlocuteur » et que « jamais une personne n’est passée pour vérifier ma terrasse ».

« Face aux nombreuses demandes, il y a un ou deux mois de traitement », indique la mairie de Paris qui ajoute que « les demandes sont étudiées au fil de leur arrivée ». Et le processus est assez long puisque le dossier est d’abord examiné par les directions de l’urbanisme et de la voirie et des déplacements, avant d’être transféré à la mairie d’arrondissement pour avis ainsi qu’auprès de la préfecture de Police pour les voies concernées puis de revenir en mairie centrale pour décision finale.

Aujourd’hui, selon les chiffres de la municipalité, il y a eu 2.600 autorisations de terrasses sur 12.000 demandes environ. « Les cas de refus sont souvent liés à des dossiers mal remplis donc quand ils sont renvoyés, les directions doivent se repencher dessus et ça prend du temps. » Un autre point avancé par la mairie de Paris est que, cette année, l’acceptation vaut reconduction tacite pour les années suivantes, ce qui demande un examen minutieux des candidatures.

« Il fallait faire la demande en janvier-février, voire fin 2021 »

« C’est du pipeau !, assure Nicolas El Hakim, président des restaurateurs de l’Umih Ile-de-France. En réalité, il n’y a qu’une personne par arrondissement pour gérer les dossiers [un chiffre démenti par la mairie de Paris]. Ils sont submergés et c’est très compliqué d’avoir des retours. » C’est pour ça qu’il regrette que certains de ses collègues s’y soient pris trop tard : « Il fallait faire la demande en janvier-février, voire fin 2021. » Son organisation avait proposé qu’en cas de non-réponse, les restaurateurs puissent installer leur terrasse qu’ils démontraient évidemment en cas de réponse négative, mais cette demande est restée lettre morte.

C’est d’ailleurs un peu ce qu’a tenté de faire Bertrand, en délimitant l’espace de sa future terrasse avant d’avoir l’autorisation, mais une visite de la police municipale l’a obligé à remballer son matériel. Avec pour résultat, d’avoir « perdu beaucoup de clients en mai ». « C’est dramatique pour nous, embraye Nicolas El Hakim. On a besoin de ces terrasses, après tout ce qu’on a vécu avec le Covid. » Surtout que ces fameuses terrasses peuvent coûter cher à fabriquer. 5.500 euros pour Nika qui a fait appel au même menuisier que pour son intérieur afin d’en assurer la continuité. De plus, il stocke sa terrasse dans un hangar agricole moyennant un loyer mais devra libérer la place pour que l’agriculteur puisse rentrer ces récoltes. « Je voulais embaucher une personne pour l’été, mais faute d’autorisation, je ne le fais pas », déplore le caviste qui assure avoir « toujours tout fait dans les règles ».