SANTEJeune désert médical, Paris va devoir prendre son mal en patience

Paris : Jeune désert médical cherche jeune médecin

SANTELa capitale qui perd ses médecins généralistes depuis de nombreuses années, peine à attirer la relève
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • L’épidémie du Covid-19 a mis en lumière le manque de médecins généralistes dans Paris. Selon l’URPS, leur nombre ne cesse de baisser depuis 2010 et leur âge moyen est de 57 ans.
  • La capitale, à cause du prix de l’immobilier et de la difficulté à trouver des cabinets aux normes, peine à attirer les médecins les plus jeunes.
  • Dans les zones considérées comme des déserts médicaux, les ZIC, les jeunes médecins peuvent recevoir des aides financières et administratives de l’assurance maladie.

«Ça fait des semaines que je cherche un rendez-vous, soit il y a 15 jours d’attente, soit ils refusent parce que je ne fais pas déjà partie de leur patientèle. » Depuis le départ à la retraite de son médecin traitant, Valérie, habitante du 14e arrondissement de Paris, peine à obtenir une consultation. Rien de nouveau selon cette Parisienne mais le phénomène est encore plus flagrant depuis le début de l’épidémie de Covid-19.

« On pourrait croire que parce que Paris est une ville riche et dense qu’elle serait épargnée par ce problème, mais ce n’est pas le cas, au contraire », raconte Sylvie Courboulay, porte-parole de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins libéraux d’Île-de-France. Si la région est devenue le premier désert médical de la métropole, la capitale n’y échappe pas.

L’âge moyen des médecins est de 57 ans à Paris

Selon le dernier rapport de l’URPS, établi en 2021, Paris a perdu 181 médecins généralistes libéraux entre 2010 et 2020. Et la tendance n’est pas à l’amélioration selon les professionnels du secteur, comme le Docteur Jean-Jacques Avrane, président du Conseil départemental de la ville de Paris de l’ordre des médecins : « C’est une réalité, il y a de moins en moins de médecins qui s’installent à Paris. » Une situation préoccupante que les institutions peinent à entraver.

D’abord parce que les médecins issus du baby-boom arrivent en fin de carrière. Selon l’URPS, la moyenne d’âge de la profession est de 57 ans. 52 % des généralistes en exercice ont plus de 60 ans. Et même 33 % ont plus de 65 ans. S’ils font encore de la résistance, ce n’est pas faute d’envie de départ à la retraite, selon Sylvie Courboulay : « Ils restent parce qu’ils ne trouvent pas de remplaçants et qu’ils ne veulent pas laisser leur patientèle sans solution. Mais ça ne durera pas éternellement. »

Un problème d’attractivité

Et ceux qui devraient les remplacer manquent. La première raison est mathématique. Avec le Numerus Clausus resserré dans les années 90, le nombre de médecins n’est aujourd’hui plus suffisant en France. Et surtout, ceux qui sont en activité ou qui arrivent, ne veulent pas s’installer dans la capitale.

« Il y a beaucoup de facultés de médecine en Île-de-France, mais les étudiants viennent souvent de la Province et veulent y retourner pour s’installer. Et Paris n’a pas bonne presse pour eux », explique Sylvie Courboulay. L’immobilier cher, les cabinets agréables et surtout aux normes difficiles à trouver, une sursollicitation due à la pénurie… Les obstacles sont nombreux pour réussir à attirer les jeunes médecins. De plus, pour la porte-parole de l’URPS, Paris dégage une image de complexité « administrative et comptable ».

Pour Jean-Jacques Avrane, la difficulté est principalement financière : « Le tarif conventionné secteur 1, c’est 25 euros. Le tarif le moins cher d’Europe. Et ce tarif est le même à Troyes, à Limoges et à Paris. Sauf que les coûts ne sont pas les mêmes. » Pour le président de l’ordre parisien des médecins, cette limitation pousse les médecins à choisir le salariat. D’autant que comme le souligne Sylvie Courboulay, les jeunes médecins ont un temps de travail moins important que leurs prédécesseurs, privilégiant la qualité de vie au rythme effréné des consultations.

Des solutions, mais ça va être long

Pourrait-on alors voir un jour la capitale privée de médecins généralistes ? Toutes les instances travaillent pour éviter une telle situation. L’agence régionale de santé se penche depuis plusieurs années sur le problème. En 2018, les 18e et 19e arrondissements ont été classés en « zones d’intervention prioritaire » (ZIP), des zones considérées comme « sous-denses ». Les 13e, 14e et 20e arrondissements ont été classés en « zones d’action complémentaire », soit des espaces un peu moins fragiles mais qui sont particulièrement observés. Dans ces parties de la capitale, les jeunes médecins qui souhaitent s’installer peuvent bénéficier d’un soutien de l’Assurance-maladie.

Grâce à ces mesures, le nombre de médecins généralistes a augmenté de 8 % dans les ZIP entre 2018 et 2020 et de 6 % dans les ZAC sur la même période. Dans le même temps, les autres arrondissements perdaient en moyenne 1 % de leurs effectifs. La mesure semblant porter ses fruits, un nouveau zonage sera réalisé en mars 2022 pour envisager de les étendre à d’autres arrondissements. Le 10e arrondissement est directement concerné puisqu’avec 65,5 médecins généralistes pour 100.000 habitants (contre 207,1 pour le 8e), il est l’un des moins bien pourvu de toute la ville.

Malheureusement, les aides ne se révèlent pas être la solution ultime selon les professionnels, le Numerus clausus, bien que supprimé en 2021 va laisser des marques pendant encore quelques années : « Ça ne veut pas dire qu’on va accepter tous les candidats à la formation, et il faut 10 à 15 ans pour former un médecin », précise Sylvie Courboulay. Et Jean-Jacques Avrane d’ajouter : « Et il faut aussi des professionnels pour les former tous ces jeunes. » Valérie devra peut-être encore prendre son mal en patience.